Tunisie : Des investisseurs de plus en plus méfiants à l’égard du ministère de l’Industrie

industrie-091012.jpgDe plus en plus des voix d’investisseurs s’élèvent pour dénoncer, sur les plateaux des radios privées et publiques, la tendance fâcheuse du ministère de l’Industrie à ne pas trop se démener pour faciliter les démarches qu’ils entreprennent pour réaliser de gros projets générateurs d’emplois. Certains d’entre eux vont jusqu’à accuser, publiquement, le ministre Mohamed Lamine Chakhari de ne pas encourager ce qu’ils appellent «les investisseurs patriotes» et de leur préférer soit des hommes d’affaires proches des nahdhaouis au pouvoir soit des étrangers.

Côté ministère, on réfute catégoriquement cette approche et on signale que les dossiers présentés par ces investisseurs ne sont pas toujours complets et manquent des justificatifs déterminants, à l’instar des études de faisabilité technico-économiques des projets.

En réponse à cette récrimination, les investisseurs estiment qu’ils ne peuvent pas remettre de telles pièces par crainte des fuites et de la possibilité de voir de tels documents tomber dans les mains de concurrents.

Globalement, ces investisseurs semblent ne plus avoir confiance dans les services de ce ministère et demandent l’arbitrage du chef du gouvernement, Hamadi Jebali.

Pour étayer cette thèse, il existe deux cas, celui de Barkia Auto à Sfax et celui du groupe d’investissement Troïka global à Gafsa.

Dans le premier cas, Ahmed Barkia, spécialiste de l’automobile basé à Paris, a projeté, en mars dernier, de réaliser, dans la zone de Dakhan (gouvernorat de Sfax), un complexe automobile. Coût de l’investissement 1.000 millions de dinars tunisiens devant, en phase de croisière, créer 15.000 emplois et produire 100.000 voitures par an.

Le projet, dont le schéma de financement est bouclé et dont le dossier est remis au ministère de l’Industrie, il y a plus d’un an (selon les dires de Barkia), sera financé totalement de l’étranger (crédit fournisseur de la BEI) et sera dédié à l’exportation.

Compte tenu de la vocation totalement exportatrice du projet, le promoteur demande à l’Etat de lui céder, conformément au code d’incitations aux investissements, au dinar symbolique un terrain de 118 hectares localisé à Dakhan et exige son déclassement avant le démarrage des travaux.

En réponse à sa demande, le ministre de l’Industrie, Mohamed Lamine Chakhari, aurait demandé au promoteur Barkia de lui présenter au préalable ses partenaires technologiques et financiers et de s’assurer en quelque sorte de la viabilité et de la transparence de cette affaire.

L’investisseur Barkia refuse cette requête, conditionne l’arrivée de ses partenaires en Tunisie à la conclusion au préalable d’un accord de principe sur le déclassement du terrain agricole et demande l’arbitrage du Premier ministre, Hamadi Jebali. Depuis, rien n’a filtré sur cette affaire.

Le deuxième cas est celui du groupe d’investissement Troïka Global. Son responsable, Hassen Amaidia (Tunisie), a déploré, également, la lenteur du ministère de l’Industrie dont les services traînent toujours du pied avant de répondre au dossier qui leur a été remis par son groupe pour obtenir une autorisation en vue de disposer, à Gafsa, d’un terrain de 4 hectares (à acheter). Le terrain sera destiné à créer une usine de montage de drones (avions sans pilote) à usage militaire, sécuritaire et civil. Coût du projet: 40 MDT.

Le ministère de l’Industrie a justifié ce retard par l’inexistence dans le dossier de l’étude technico-économique du projet. En réponse à ce grief, Hassen Amaidia fait remarquer qu’il ne peut pas fournir cette étude qui lui aurait coûté 5 mille dollars, à des fonctionnaires dans lesquels il n’a aucunement confiance; allusion à des risques de fuite. Lui aussi, face au blocage que lui fait le ministère de l’Industrie, il a décidé de s’en remettre au chef du gouvernement, Hamadi Jebali.

Hassen Amaidia va plus loin et accuse le ministre de l’Industrie en personne de favoritisme en accordant la cimenterie de Gafsa au cousin d’un ministre du gouvernement alors que son groupe, fort d’un capital de 5 milliards de dollars et de toutes les études techniques requises sur le site, était le mieux placé pour remporter ce marché d’autant plus qu’il fournit des garanties pour assurer l’indépendance énergétique du projet et pour sauvegarder l’environnement.

Il s’est plaint également d’avoir été évincé du marché du gisement de phosphate de Sra-Ouertane (région du Kef), un marché de 3 milliards de dinars, marché accordé de gré à gré aux Qataris au détriment des investisseurs locaux.

Par delà ces témoignages, il semble qu’il existe bel et bien un problème de confiance entre le ministère et les investisseurs locaux.