L’affaire Knight évoque la mainmise des machines sur les marchés financiers

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à la Bourse de New York, le 6 août 2012 (Photo : Spencer Platt)

[11/08/2012 06:43:24] PARIS (AFP) L’erreur de programmation qui a valu au courtier américain Knight Capital de perdre 440 millions d’euros soulève à nouveau la question de l’omniprésence sur les marchés de machines accusées par leurs détracteurs d’augmenter les risques et de léser les investisseurs.

Le 1er août, pour pouvoir interagir sur une nouvelle plateforme d’échange lancée par l’opérateur boursier NYSE Euronext, le courtier Knight Capital a déployé un nouveau logiciel qui s’est mis à passer, en rafale, des ordres erratiques.

Il a fallu environ 45 minutes pour l’arrêter, le temps pour Knight de perdre 440 millions de dollars.

La présidente du gendarme américain des marchés (SEC), Mary Schapiro, a dénoncé le jour même un incident “inacceptable” et facteur potentiel “d’inquiétudes pour les investisseurs” classiques.

“Faudra-t-il attendre une catastrophe dont on n’arrivera plus à se relever pour se poser les bonnes questions?”, s’interroge un analyste, sous couvert d’anonymat.

L’omniprésence des ordinateurs sur les marchés financiers n’est pas nouvelle. La plupart des Bourses sont entièrement électroniques depuis plus de 20 ans et les quelques parquets qui survivent (Wall Street principalement) traitent un volume très marginal.

Mais depuis l’entrée en vigueur, en 2007, de réformes américaines et européennes destinées à favoriser la concurrence, la fragmentation des marchés boursiers a correspondu à l’émergence du trading haute fréquence (HFT).

Chaque jour, des millions d’ordres sont impulsés par des algorithmes prédéfinis, qui cherchent à tirer partie d’infimes écarts de prix entre plateformes boursières ou à anticiper le plus tôt possible des mouvements de marché.

Les acteurs, comme Knight Capital, qui pratiquent le trading haute fréquence, font valoir qu’il permet aux investisseurs d’obtenir le meilleur prix grâce à ces algorithmes et leur assure une meilleure liquidité, c’est-à-dire la capacité d’acheter ou de vendre à tout moment.

Le souvenir du “Flash Crash”

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à la Bourse de New York, le 6 août 2012 (Photo : Spencer Platt)

Pour Costis Maglaras, directeur de recherche à la Graduate School of Business de l’université de Columbia, “les marchés sont beaucoup plus efficaces aujourd’hui qu’il y a 20 ans”.

A l’époque, fait-il valoir, “il fallait passer par de nombreux intermédiaires et les coûts de transaction étaient élevés”.

Quant aux risques, M. Maglaras estime que, malgré l’exemple de Knight, la probabilité d’erreur est moindre qu’avant l’avènement de l’électronique.

Il souligne également qu’il existe maintenant, au sein des firmes utilisant ces algorithmes et au niveau des plateformes d’échange, des coupe-circuits capables d’empêcher un dérapage à grande échelle. “Parfois, cela prend quelques millièmes de seconde, parfois quelques minutes”, comme pour Knight.

Pour autant, plusieurs publications universitaires récentes sont venues relativiser les avantages que procure le trading haute fréquence aux investisseurs.

Selon Pierre-Cyrille Hautcoeur, professeur à l’Ecole d’économie de Paris, l’amélioration des prix ne bénéficie qu’à une poignée d’intervenants, mais pas aux petits investisseurs.

Pour M. Hautcoeur, qui partage la préoccupation de Mary Schapiro, l’enjeu est de maintenir la confiance des investisseurs dans le marché, quelle que soit leur taille.

Or, l’épisode Knight, au même titre que celui du “Flash Crash” qui avait vu l’indice Dow Jones s’effondrer de près de 1.000 points en quelques minutes le 6 mai 2010, à la suite d’un ordre mal formulé, pose question. “A certains égards, on a l’impression que la fiabilité est moindre”, observe-t-il.

Mme Schapiro a indiqué avoir demandé à ses collaborateurs de lui faire rapidement des propositions concrètes sur le sujet.