Tunisie : Des experts européens en régimes politiques à l’ANC…

Par : Tallel

Une délégation de la Commission européenne pour la démocratie par le droit, plus connue sous le nom de la Commission de Venise, a été auditionnée, jeudi 26 juillet, par l’Assemblée nationale constituante sur “Les régimes politiques: les mécanismes, les avantages, les inconvénients”.

Les membres de la délégation composée d’experts en droit et de représentants d’institutions constitutionnelles et parlementaires de France, de Bulgarie, du Portugal, de Suisse, des Pays-Bas et de Géorgie ont présenté les systèmes politiques de leurs pays. Des membres de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et des Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe ont également pris part à cette réunion. Leurs interventions se sont axées sur les mécanismes visant à garantir la stabilité politique dans un système parlementaire, les poids et contrepoids à l’intérieur d’un régime semi-présidentiel, les pouvoirs d’un président directement élu par le peuple dans un régime parlementaire et dans un régime semi-présidentiel modéré.

Les interventions se sont articulées également autour de la recherche de contre-pouvoirs face à un président directement élu, les instruments de la démocratie directe et les garanties constitutionnelles contre les dérives autoritaires.

Présidant l’ouverture de la réunion, le président de l’ANC, Mustapha Ben Jaafar, a indiqué que les six commissions constitutives de la Constituante ont tenu quelque 200 réunions dont 150 réunions avec des experts et représentants de la société civile pour discuter des différents aspects de la Constitution. Il s’agit maintenant, a-t-il dit, de coordonner le travail des commissions pour mieux harmoniser entre les différents projets de la Constitution et de parvenir à un consensus autour d’un certain nombre de principes.

L’audition d’experts, qu’ils soient tunisiens ou étrangers, est importante, a-t-il soutenu, le but étant de réussir à rédiger une Constitution qui réponde aux spécificités du pays. La Constitution “doit être au service de chaque citoyen pas d’une seule catégorie”, a-t-il lancé ajoutant qu’il “nous incombe de ne pas faire preuve d’attitude partisane et d’éviter toutes manipulations ou tractations afin de mettre en place une Constitution stable et solide”.

Mme Anne Brasseur, Députée du Luxembourg et rapporteur de la commission sur la transition politique en Tunisie à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, a indiqué d’emblée: “Nous n’avons pas l’intention d’imposer un modèle de régime politique à la Tunisie, car la révolution a été faite par les Tunisiens pour les Tunisiens”. “Nous partageons les valeurs de démocratie, des droits de l’Homme et de justice”, a-t-elle souligné.

Evoquant le processus de transition démocratique dans le pays, elle a cité quatre défis qui se posent à la Tunisie: réussir à établir une stabilité politique, garantir la sécurité, redresser la situation économique et sociale et combattre l’extrémisme. Ces points figurent d’ailleurs dans un rapport publié au mois de juin dernier sur la Tunisie par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

Anne Brasseur a appelé les élus de l’ANC à œuvrer à ce que la Constitution réponde aux normes et pratiques constitutionnelles internationales. Il s’agit notamment de la séparation des pouvoirs, y compris l’autonomie financière et administrative du futur Parlement tunisien, la transparence, le renouvellement périodique et l’obligation de rendre compte des pouvoirs, l’indépendance et l’impartialité effectives de la justice, l’égalité entre les hommes et les femmes et la consolidation et le renforcement des acquis en matière du statut de la femme, ainsi que l’indépendance de l’instance électorale.

Elle a relevé aussi que l’Assemblée parlementaire a réitéré son appel aux principaux partenaires internationaux de la Tunisie, en particulier à l’Union européenne, pour soutenir la relance économique et touristique et encourager les investissements dans l’économie tunisienne, ainsi que soutenir et accompagner le développement économique, social et politique de la Tunisie.

L’Assemblée parlementaire, a-t-elle encore assuré, a appelé à accélérer les procédures de restitution des avoirs placés à l’étranger.

Fadhel Moussa, président de la Commission de la justice judiciaire, administrative, financière et constitutionnelle, a indiqué à la TAP que l’inspiration des expériences des pays ayant connu des transitions démocratiques, dont la Bulgarie et du Portugal, est très utile pour les élus de la Constituante, compte tenu des divergences de vues sur la nature du régime politique au sein de la Commission du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif.

Le plus important, a-t-il ajouté, est de s’inspirer des expériences pratiquées indépendamment du choix du système politique à adopter, car il s’agit de choisir un système politique équilibré qui évite la concentration du pouvoir. La liberté de la presse et l’instauration d’une société civile forte sont des garants d’un régime démocratique, a-t-il poursuivi.

Habib Khedher, Rapporteur général de la Constitution, a indiqué que la présentation des expériences d’autres pays concernant les mécanismes, les avantages et les inconvénients des régimes politiques, est utile en cette phase de rédaction de la Constitution. Le but est de permettre aux constituants d’approfondir leurs connaissances sur les différents types de systèmes politiques lors des discussions autour de la nature du régime politique tunisien soit au sein de la commission y afférente ou lors d’une plénière.

Il a relevé que les expériences exposées aujourd’hui concernent les pouvoirs d’un président directement élu par le peuple, regrettant l’absence d’une lecture sur les pouvoirs d’un président directement élu par le Parlement.

Evoquant les divergences au sein de la Commission du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif sur la nature du régime politique, le professeur en droit constitutionnel Sadok Belaid, a relevé qu’il faut être au fait des différentes expériences internationales en la matière afin d’éviter les expériences vécues, 50 ans durant, par la Tunisie.

Créée en 1990, la Commission de Venise est un organe consultatif du Conseil de l’Europe sur les questions constitutionnelles. Une réunion conjointe s’est tenue le 15 juin 2012 à Venise entre une délégation de la Commission de Venise et une délégation de l’Assemblée nationale constituante (ANC).

WMC/TAP