Délocalisations, ce qui n’est pas bon pour la France, l’est-il aussi pour l’Algérie?

Par : Tallel

Le 27 avril 2011, le dirigeant socialiste français, Arnaud Montebourg, faisait une intervention remarquable à Yasmine Hammamet en Tunisie en soutien à la révolution qu’on appelait alors de Jasmin. Candidat aux primaires automnales des socialistes pour la présidentielle du printemps 2012, Arnaud Montebourg avait, lors du forum international de la revue Réalités, multiplié les propositions généreuses d’appui à l’activité économique tunisienne alors suffocante sous les décombres du régime de Ben Ali. Un an plus tard, le tout nouveau ministre français du «Redressement industriel » vient de lancer un appel pressant aux opérateurs des centres d’appel afin qu’ils relocalisent leurs activités en France. Il prévoit de les rencontrer pour les sensibiliser sur la nécessité de ramener sur le territoire français des emplois exportés durant la décennie précédente. Arnaud Montebourg était pris entre deux promesses de campagne.

La première intègre le besoin vital de réindustrialiser la France en luttant contre les délocalisations. La seconde répond au discours haineux de l’extrême droite avec cette arme généreuse du soutien au développement des pays de la rive sud Méditerranée afin de fixer leurs populations sur place. En cherchant à relocaliser des activités de service à faible valeur ajoutée, le charismatique ministre de gauche déshabille Pierre sans habiller Paul. Car le départ des opérateurs de «call center» français de Tunisie affectera un peu plus la conjoncture de l’emploi dans ce pays. Sans avoir un impact autre que symbolique sur les statistiques du chômage en France. Les choses ne vont bien sûr pas se passer ainsi.

Les capitalistes de tous les pays sont patriotes à hauteur d’un certain ratio de leur retour sur investissement. Pas au-delà. L’opératrice téléphonique tunisienne restera longtemps compétitive avant qu’un opérateur ne songe à la remplacer par une concurrente du béarnais. C’est le principe même de la mondialisation. De nouveaux territoires s’ouvrent devant le capital. Qui rendent les localisations traditionnelles trop chères.

En réalité, la trajectoire de l’off-shoring des activités de services au Maghreb est qu’elles devraient s’étendre progressivement de la Tunisie et du Maroc devenus chers à cause d’un arrimage des monnaies nationales à l’Euro, vers l’Algérie. Le mouvement a commencé dans les centres d’appel. Montebourg veut donc enlever aussi à l’Algérie des emplois exportés de France. Politiquement naturel. Et tout autant problématique. La question des délocalisations a miné le mouvement altermondialiste depuis dix ans. Les leaders syndicaux des pays du Sud ne peuvent pas être ouvertement contre. Ce sont leurs pays et leurs classes ouvrières qui en profitent. Les animateurs occidentaux de l’altermondialisme eux sont clairement contre.

Les délocalisations organisent des déserts industriels dans leurs pays. A Hammamet Yasmine en 2011, Montebourg s’est dédoublé. En altermondialiste des deux rives. Naissance de la démondialisation. Produire sur place ce qui est consommé sur place.

En attendant, faut-il continuer à ignorer, comme le fait l’éternel gouvernement Bouteflika-Ouyahia, les opportunités d’importer des emplois étrangers en Algérie avec les délocalisations? L’investissement étranger est au départ une entrée de capital. Il est ensuite une embauche et une réalisation professionnelle dans le pays d’accueil. En bout de cycle d’exploitation, il peut devenir une exportation de dividendes. Ou pas. Dans les années 70, c’est ce dernier maillon qui était retenu par les économistes anti-impérialistes.

A juste raison. Les pays d’accueil n’étaient pas encore suffisamment armés pour tirer le meilleur avantage économique et managérial des localisations étrangères. Ils subissaient un transfert de valeur en continu. Les temps ont changé et la lutte contre l’expatriation de l’investissement aussi a changé d’hémisphère sur le globe. Elle est désormais portée au cœur des gouvernements de l’OCDE.

Pour une filière, les centres d’appels, sans enjeux technologiques. L’éternel gouvernement algérien est depuis 2007, «traumatiquement» bloqué sur les rapatriements de dividendes. Il pourrait plus simplement s’en remettre, pour faire dans la continuité patriotique par cette conjoncture cinquantenaire, à l’idée atavique que ce qui n’est pas bon pour la France est forcément bon pour l’Algérie.

Source : Elwatan