«Amnistie fiscale? Obligatoire pour que le Trésor tunisien dispose de liquidités»

derbel-lfc-cepex-310512.jpgC’est ainsi que Mme Habiba Louati, directrice générale des études et de la législation fiscale au sein du ministère des Finances, a justifié les dispositions de la loi de finances complémentaire concernant l’assouplissement du paiement des dettes des contribuables à l’administration fiscale. Cette déclaration a eu lieu lors d’une matinée d’information sur la loi de finances complémentaire organisée le mardi 29 mai 2012 par la Chambre de commerce tuniso-canadienne en partenariat avec le cabinet OCF Formation, et en collaboration avec le CEPEX.

Lors de cette matinée, Rejeb Elloumi, membre de la Compagnie des Comptables de Tunisie, a présenté de façon globale les axes dessinés par la loi de finances complémentaire (LFC), adoptée le 11 mai 2012. Il a relevé le fait que cette LFC «mérite d’être regardée comme la loi de finances principale plutôt que complémentaire en raison de l’importance des choix budgétaires et des mesures fiscales qu’elle contient».

Après être revenu sur ses points forts (financement de projets gouvernementaux à caractère social et d’infrastructures, programme d’encouragement du logement social, recrutements dans la fonction publique, etc.) et ses points faibles (absence de mesures pour l’allègement de la charge fiscale pour les personnes physiques et morales à faibles et moyens revenus, et pour l’encouragement de la consommation interne, etc.), M. Elloumi a insisté sur l’urgence d’une refonte profonde du cadre fiscal et réglementaire visant au développement des investissements, tunisiens et étrangers, favorisant un climat de légalité et d’équité et facilitant la création de projets à fortes valeurs ajoutées sur les plans économique et social.

Concrètement, il s’agirait entre autres de: alléger les taux de l’impôt sur les sociétés et sur le revenu; la suppression de la double taxation (TVA, droit de douane…); généraliser la TVA et supprimer les exonérations accompagnée d’une réduction des taux ; mettre en place un cadre fiscal spécifique pour l’encouragement du mécénat culturel (développement régional, exploitation des sites archéologiques…); instaurer la transparence dans la relation contribuable/administration fiscale via une refonte du CDPF (critères de sélection des dossiers à contrôler, amélioration des procédures et démarches du contentieux fiscal); simplifier et regrouper les textes de réglementation fiscale pour améliorer la transparence et la lutte contre la fraude…

A sa suite, Faycel Derbel, président d’honneur de l’Ordre des experts-comptables de Tunisie et membre du conseil national de la fiscalité, n’a pas souhaité «critiquer cette LFC devant son auteure» (NDLR : Mme Louati). Il s’est donc contenté d’analyser rapidement le contexte économique de sa préparation. Il a ainsi mis en exergue les opportunités de l’environnement actuel: la reprise du tourisme avec près de 6 millions de touristes attendus en 2012 contre 6,9 millions en 2010; la bonne saison agricole avec des réserves en eau pour 3 ans d’irrigation et d’alimentation en eau potable; la bonne évolution de l’activité économique avec pour preuve la croissance du CA de sociétés de différents secteurs.

M. Derbel est bien sûr également revenu sur les menaces qui pèsent sur l’économie tunisienne: précarité des indices monétaires (baisse des avoirs en devises); volume du BTA et BTC (comprenez le financement de l’Etat pour l’endettement); le cours des devises; l’inflation à 5,5%; le taux de chômage à 19,2% (selon l’INS fin 2011) soit 750.000 chômeurs «encouragés par la prime Amal»; et le déséquilibre régional endémique.

Sans en discuter le bien-fondé, M. Derbel a noté «l’option pour une politique budgétaire expansionniste» de cette LFC avec une augmentation de 10,7% par rapport à la loi de finances initiale et de 22% par rapport à 2011. Il a tout de même pointé une incohérence, à savoir l’augmentation des recettes attendues de TVA alors que le taux de croissance tunisien a été revu à la baisse, et un point d’incompréhension, en l’occurrence l’augmentation et l’importance des dépenses imprévues et non-affectées, qui pourraient se justifier par le caractère exceptionnel de la situation actuelle.

Le public présent, adhérents et amis de la CCTC, a semblé apprécier ces explications et n’a pas interpelé Mme Louati pour plus de précisions ou justifications. Seul un représentant de la CCTC a déploré le fait que les chambres de commerce (en mal de financement) et les associations de développement ne soient pas concernées par les mesures en faveur de l’emploi (déduction supplémentaire et prise en charge par l’Etat de la contribution patronale), l’UGTT et l’UTICA participant à la consultation n’ayant pas soulevé cette nécessité.