Tunisie – Slaheddine Maaoui, DG de l’ASBU : «Nous œuvrons pour que le service public audiovisuel assume au mieux son rôle dans le monde arabe»


slaheddine-26052012-320.gifLes radios et télévisions arabes sont interpellées par le “Printemps arabe“.
Largement critiquées et associées aux régimes politiques qu’elles ont servies,
ces dernières se doivent de muter vers des médias publics au sens que l’on
connaît dans les sociétés démocratiques. Il s’agit là du reste d’une des
préoccupations majeures de l’ASBU (Union de Radiodiffusion des Etats Arabes)
dont nous interrogeons ci-dessous le directeur général, M. Slaheddine Maaoui.

L’interview recueillie auprès du DG de l’ASBU a tenté de savoir concernant des
questions fondamentales pour le développement du paysage
audiovisuel arabe.
Comme le développement du système d’échanges satellitaires ASBU-MENOS et les
droits sportifs qui sont de plus en plus accaparés par des opérateurs privés et
constituent, pour plus d’un, une insulte au droit à l’information.

WMC : Les rapports établis par l’ASBU sur la diffusion satellitaire dans la
région arabe montrent une évolution significative dans deux directions: la
primauté des chaînes privées par rapport aux chaînes publiques ou d’Etat et
celle des chaînes thématiques par rapport aux chaînes généralistes. Comment l’ASBU
s’est préparée à cette mutation?

Slaheddine Maaoui: Agissant comme une organisation à caractère professionnel,
l’Union de Radiodiffusion des Etats Arabes (ASBU) a très vite pris conscience de
l’importance majeure que pourrait revêtir l’avènement en force, dès le début des
années 90, de la diffusion satellitaire dans la région arabe. Et elle était
prompte à y réagir de la façon la plus appropriée. En effet, et depuis 1996
déjà, l’appartenance à l’ASBU a été étendue aux chaînes de radio et de
télévision du secteur privé. Plusieurs de ces chaînes ont choisi de devenir
membres de l’ASBU et de bénéficier de nos services. Des organismes de
radiodiffusion étrangers ont également rejoint l’Union en tant que membres
associés.

Il est cependant nécessaire de préciser que la mission principale de l’ASBU
demeure la promotion du service public dans le domaine de la radio et de la
télévision. Malgré son apport sans limite, la multitude des chaînes privées ne
devrait pas nous cacher le rôle unique que le service public est appelé à jouer
dans tous les domaines de la radio et de la télévision, à savoir l’information,
la culture, le divertissement et le sport. Nous tendons la main au secteur privé
pour plus de coopération, mais Nous œuvrons pour que le service public
audiovisuel assume au mieux le rôle qui lui revient dans le monde arabe.

Le printemps arabe marque une évolution tout autant significative vers des
radios et des télévisions publiques. La radio et la télévision d’Etat semblent
avoir vécu. Comment l’ASBU se prépare à cette autre mutation?

Comme je viens de le dire, notre mission principale est de promouvoir le service
public. La mouvance politique et sociale que connaît la région arabe depuis deux
ans n’a fait que nous confirmer dans cette mission. De plus en plus, nous sommes
sollicités en vue de fournir notre assistance et notre savoir-faire à nos
membres qui veulent mieux jouer leur rôle de diffuseur public. Nous les
assistons volontiers en organisant des sessions de formation spécialisées pour
leurs cadres, en fournissant l’assistance technique et matérielle dont ils ont
besoin, et en animant le débat public sur la transformation de la radio et de la
télévision de simples outils gouvernementaux à des médias de service public au
sens professionnel du terme.

L’année 2012 est l’année de la radio. Ce média semble être dépassé par d’autres
comme la télévision ou encore l’Internet. Comment l’ASBU s’est préparée à fêter
la radio? Quelles actions ont été prévues, dans ce cadre, en vue de rendre à ce
média une place de choix dans le paysage médiatique arabe?

Ce n’est pas la première fois que nous avons l’impression que la radio est
dépassée en tant que médium qui a connu une popularité sans précédent. C’était
déjà le cas avec l’avènement de la télévision, un médiun qui s’accapare tous les
avantages de la radio et y ajoute un avantage de taille qui est celui de l’image
et du mouvement. Avec le temps, la radio a prouvé qu’elle était irremplaçable.
Elle est utilitaire, moins chère et techniquement moins compliquée, omniprésente
et surtout intime. Les facteurs de sa longévité lui sont inhérents.

«Une nouvelle ère s’ouvre pour la radio arabe»

Maintenant, les mêmes craintes ont été ravivées avec l’Internet et les nouveaux
médias en général. Nous, à l’ASBU, nous comptons parmi ceux qui croient en la
radio et en sa capacité d’adaptation. Aucun autre moyen ne pourrait la
remplacer. Déjà, elle a su utiliser les nouvelles technologies, tel qu’Internet,
en sa faveur, que ce soit au niveau de la production, de la diffusion, de
l’interactivité ou de la couverture de nouvelles zones, jamais atteintes
auparavant, et de nouvelles catégories d’auditeurs.

C’est pour cette raison que nous avons jugé utile de mettre toute notre activité
en 2012 sous le signe et le thème de la radio arabe. Une nouvelle ère s’ouvre
pour la radio arabe et nous comptons en profiter avec l’aide des professionnels
arabes du médium.pave-28052012-1.jpg

Un programme varié d’activités au profit de la radio a été mis sur pied et a
commencé à être mis en application. Il vise essentiellement à promouvoir la
coopération et les échanges entre les différentes radios de la région, à
améliorer les qualifications de nos professionnels de la radio par la formation,
à préparer nos radios à leur mission de service public, et à mieux maîtriser les
nouvelles technologies et en profiter au maximum.

C’est d’ailleurs un ensemble d’objectifs que nous partageons avec l’UNESCO, qui
vient de décréter le 13 février pour la première fois “Journée mondiale de la
radio“. Pratiquement toutes les radios arabes ont dûment célébré cette journée
en coordination avec l’ASBU et l’UNESCO.

Le système MENOS semble être une des réussites de l’ASBU. Pouvez-vous nous
entretenir de la spécificité de ce système et des évolutions qui peuvent se
dessiner le concernant?

A l’ASBU, nous sommes fiers de l’une de nos superbes réalisations qui est celle
du système ASBU-MENOS (Multimedia Exchange Network over Satellite). Il s’agit
d’un nouvel outil extrêmement performant pour la réalisation de nos objectifs et
l’accomplissement de notre mission. Nous en sommes fiers, et ce pour plusieurs
raisons.

C’est d’abord un système totalement développé par des compétences arabes pour
répondre aux besoins spécifiques des radios et télévisions arabes. Il s’agit
d’un système d’échanges satellitaires basé sur le protocole d’Internet, qui est
entré en compétition avec les développeurs mondiaux les plus performants dans le
domaine et a battu la concurrence en remportant plusieurs distinctions. Ces
distinctions sont d’autant plus significatives qu’elles compensent un effort
dans un domaine technologique des plus pointus.

Ce système permet ainsi à tous nos membres de réaliser le maximum d’échanges
radio et télévision d’une manière facile, pratique et peu coûteuse.pave-28052012-2.jpg

C’est aussi un système ouvert dont l’évolution n’a pas de limites. Depuis son
lancement officiel en janvier 2010, une dizaine de versions et améliorations y
ont été introduites.

Il est également ouvert, car il peut permettre une multitude d’autres
utilisations que les échanges, tels que l’établissement de réseaux virtuels,
autonomes et sécurisés, l’enseignement à distance, l’utilisation d’Internet pour
transmettre tout genre de données, l’archivage du contenu audio-visuel, la
collecte, la distribution et l’échange des news, en plus d’une souplesse
d’utilisation sans équivalent.

Dernière question: les droits sportifs constituent un des dossiers sur lesquels
vous travaillez depuis des années. Où en sont les choses pour les droits des
compétitions sportives qui intéressent les membres de l’ASBU? Le marché a-t-il
évolué dans le bon sens?

C’est une question extrêmement importante pour l’ASBU et ses membres, ainsi que
pour les téléspectateurs et les fans des différents sports dans la région arabe.
En effet, cette région est la seule de par le monde entier à ne pas bénéficier
d’une protection contre des pratiques commerciales qui ne sont pas toujours
compatibles avec les normes propres aux missions du service public audiovisuel
et les valeurs éducatives véhiculées par l’offre des spectacles sportifs.

Pour ne citer qu’un exemple, la Convention Européenne sur la Télévision
Transfrontière, adoptée depuis 1989, est un instrument juridique conçu, au nom
du droit à l’information, pour veiller à ce que ne soit pas diffusé sur le
territoire européen des événements exclusivement en signal codé. La situation
est similaire dans les autres régions du monde.

Chez nous, certaines chaînes de télévision privées ont trusté les droits
sportifs toutes catégories, et nous imposent des couvertures cryptées, que nous
ne pouvons suivre qu’au prix fort. Même les rencontres sportives internationales
dans lesquelles une équipe nationale est en compétition ne sont pas à l’abri des
pratiques monopolistiques. Cette situation doit, à notre avis, changer de toute
urgence.

Toutes les parties concernées, Fédérations internationales, continentales et
nationales, organisations professionnelles et médias publics, devront trouver,
dans les délais les plus rapprochés, les solutions appropriées, à l’image des
dispositions pertinentes de la Convention Européenne sur la Télévision
Transfrontière. L’objectif n’est autre que de garantir le fonctionnement normal
du service public par l’assurance de la diffusion des programmes sportifs au
plus grand nombre possible de téléspectateurs sans entraves ni discrimination,
de quelque sorte que ce soit.

Cela dit, je voudrais signaler que l’ASBU, malgré ce handicap majeur, a réussi à
obtenir un grand nombre de droits sportifs au profit de ses membres. Je cite par
exemple:

– Les Jeux Olympiques de Londres 2012 et du Brésil 2016, ainsi que les Jeux
Olympiques d’hiver Sochi 2014.

– Les différents championnats arabes de football (2012-2016).

– Les différents championnats arabes et asiatiques de football (2000-2012).

– Les différents championnats mondiaux de volleyball (2009-2012).

– Et en athlétisme, les «Diamond League» (2010-2014).