Tunisie – Emploi – Chômage : Salem Ayari, le porte-voix des sans voix !

chomage-14112011-art.jpgLas de ne pas se faire entendre, ils tentent, à La Kasbah, le sit-in du désespoir, celui de la dernière chance. Il faut tout faire pour éviter un scénario «des raisins de la colère».

Ils ont le sentiment d’avoir crié dans le vide, eux les sans voix, les laissés-pour-compte, sans voie au chapitre. Chômeurs de longue durée, ah!, le mauvais sort. Aujourd’hui, à leur tour, ils organisent un sit-in à La Kasbah. Ils ont l’espoir que leur revendication légitime, enfin portée à la connaissance de tous, peut être prise en mains par la communauté nationale.

Salah Ayari prend la tête de ce mouvement, en toute spontanéité, sans calcul. A leurs yeux, Salah Ayari est leur Spartacus. Mais peut-il les délivrer de la tare de l’exclusion, qui est la pire des injustices qu’un citoyen en âge de travailler puisse essuyer? Cette frustration est étouffante et dégradante.

Ils le regardent aussi comme leur Martin Luther King, mais peut-il leur redonner espoir et fierté? Ils le considèrent comme leur Robin des Bois. Mais comment pourra-t-il s’y prendre pour amener les «riches» à une forme de solidarité sans avoir à leur prendre par la force et la ruse? Dans cette perspective, faut-il laisser Salah Ayari mener le combat tout seul? Faut-il se contenter de le regarder s’escrimer, tel Dom Quichotte, dans une lutte qui pourrait ne pas être payante?

La collectivité nationale doit parrainer son combat. Après tout, son combat est le nôtre. Nous sommes tous concernés et l’unité nationale a été le ciment patriotique en ce jour de 14 janvier où l’on a pu déplacer des montagnes. Vous en souvenez-vous? N’est-ce pas le moment de sonner la mobilisation générale.

Un sommet national social, pour «l’inclusion»… Une urgence !

Le pays est appelé à engager une réflexion citoyenne pour que nos compatriotes «atteints de chômage», orphelins de Mohamed Bouazizi ne soient pas fauchés par la révolution. Le pays ne peut se permettre de sacrifier une génération. Ils étaient 500.000, les voilà 800.000, à l’heure actuelle. Combien seront-ils avec la nouvelle moisson universitaire, toute proche? Les planificateurs estiment qu’un point de croissance crée 20.000 emplois nouveaux. Imaginez l’ampleur des richesses dont on s’est privé. Au taux de 5%, on a perdu 40 points de croissance, c’est-à-dire les richesses de 8 ans de travail. Toute cette valeur sacrifiée et qu’on ne récupérera jamais. La force de travail est un flux. Un jour de travail, s’il n’est pas ouvré, est définitivement perdu.

Outre le dommage matériel national que cela provoque, il y a le malaise personnel que cela suscite en chacun de nous. Et, il est insupportable. On a envie de quitter son job pour libérer une place pour ces jeunes. Que chacun qui a goûté au CDI songe à créer une entreprise! Allons vers l’essaimage, à fond la caisse. Que chacun tente quelque chose.

Nous considérons qu’un sommet nation social pour débattre de ces questions doit relayer le sit-in de La Kasbah. La Tunisie est au défi de prouver qu’elle a du génie et qu’elle a généré un projet de société solidaire, partageux et généreux. On a parlé de la société de l’intelligence. Il faut y aller, sans hésiter. Les abandonner à eux-mêmes serait une façon lâche de se défausser. Pas plus qu’il ne convient d’ailleurs de traiter leurs revendications par des expédients. Nous en avons assez du provisoire qui dure. La société les a enfantés. Elle doit leur procurer un statut social. Un emploi et un revenu. Car, c’est le seul moyen de vivre. Et, nous ajouterons “dignement“.

L’ancien régime leur a vendu une utopie. Et, au bout du compte, ils se retrouvent victimes d’une machine à fabriquer des parias. Voici, hélas, les dommages collatéraux du projet de féodalisation de l’Etat et de mise sous coupe réglée de l’économie tunisienne voulue par “ben ali“ et consorts! Nous l’écrivons en minuscule, parce que là est sa véritable dimension.

Que n’a-ton glosé. J’entendais un quadra, diplômé, chômeur, avec amertume, évoquer sa situation de «mineur social» et j’en fus consterné. Ni revenu, ni maison, ni foyer. Pas de vie. Sans retraite demain. Quel lendemain pour ce citoyen? Soulager le marché de l’emploi devient un impératif national, solidaire.

Où trouver la solution ?

En continuant à centraliser la décision, on ne parviendra à faire bouger les lignes et à créer des emplois. Le moment est venu pour associer les concernés à leur propre destin. Cela peut venir via la décentralisation. C’est le moment d’y aller. Déléguer, c’est une façon de libérer les énergies et c’est une manière positive de responsabiliser les citoyens. Les régions, on l’a bien vu, dans un pays comme l’Italie, font des miracles. C’est un socle économique robuste et hautement inclusif. Il faut donner l’étincelle, sans attendre. Le moment s’y prête bien.

Par ailleurs, nos moyens étant limités, le concours de nos partenaires traditionnels est indispensable. Avec l’UE, nous étions partis sur l’idée d’aller tout de go vers le Statut de membre sans l’adhésion. Christine Lagarde, encore ministre des Finances, du gouvernement Fillon, avant de rejoindre le FMI, nous avait promis le Statut avancé avant l’automne 2011. Nous n’y sommes pas encore. Il faut passer au palier supérieur.

Il nous paraît impératif d’accéder aux fonds structurels. Ceux-là mêmes destinés au redressement des régions. L’on doit s’y employer. La révolution nous a procuré un bonus de sympathie qu’il faut exploiter à fond. Cette occasion ne se renouvellerait pas. Avec notre partenaire stratégique européen, cette possibilité nous permettrait d’avoir des fonds et des emplois. C’est-à-dire de la ressource! Notre expérience commune du co-développement a été une issue «gagnant-gagnant». Tout le monde y trouve son compte. Le projet est recevable. Il faut s’y atteler.

Remettre le fonds «Ajyal» à l’ordre du jour, sans attendre

On connaît la capacité de la fonction publique. On connaît également celle du secteur privé. Elles sont étriquées. Un troisième poumon pourrait venir de nos partenariats futurs. Mais la véritable innovation viendrait de l’encouragement des jeunes à se mettre à leur compte, en créant leur propre entreprise.

Dans ce sillage, la loi de finances complémentaire a comporté un choix, pour le moins, critiquable. Il pourrait se révéler préjudiciable aux jeunes inactifs. Elle se propose d’affecter les recettes des biens confisqués au développement régional. Ce choix va impulser l’infrastructure dans les régions, chose en soi porteuse de croissance. Indiscutablement. L’ennui est que cet arbitrage est partial. Ces fonds étaient destinés à alimenter le Fonds souverain «Ajyal», un vecteur de capital qui peut se renouveler perpétuellement grâce à son effet de levier et qui aurait constitué un apport intarissable, en capital. C’est une ressource inépuisable pour financer les jeunes promoteurs dont la base actuelle d’inactifs peut devenir le principal gisement. Il faut rendre à César ce qui lui était destiné. On ferait œuvre de justice envers les générations!