Endettement extérieur et politique de change dans le contexte de transition : Contraintes de résilience macroéconomique et pistes de réformes pour la Tunisie (8)

Par : Autres

1. L’effet change dans la compétitivité – prix

Bien que la compétitivité des exportations tunisiennes est conditionnée par les
effets de revenu liés à la demande étrangère, il n’en demeure pas moins qu’elle
demeure aussi largement tributaire de l’effet change si bien que la dépréciation
compétitive du dinar tunisien s’avère le principal levier de la
compétitivité-prix des produits exportés à défaut du rattrapage de la
compétitivité hors-prix des normes et standards internationaux en la matière et
étant donné la difficulté jusque là d’améliorer la productivité par référence
aux pays partenaires. L’exercice mené qui suit concerne le commerce extérieur
sur la zone euro du fait de sa forte concentration avec une moyenne de 75% des
exportations, 64% des importations et 69% des échanges extérieurs.

Le tableau suivant illustre les élasticités obtenues aussi bien à long terme
qu’à court terme suivant en cela la méthodologie de Mouley, S (2011) (1):

tableaux-15042012-1.jpg

Les élasticités-prix des exportations réelles de long terme sont plus élevées
que celles de court terme ce qui signifie que les exportations réelles sont plus
sensibles à long terme à l’effet change. En revanche, les élasticités-prix des
importations réelles de long terme sont plus faibles que celles de court terme
ce qui signifie que les importations réelles sont moins sensibles à long terme à
l’effet change. En d’autres termes, si bien qu’on peut agir sur la compression
des importations à court terme pour réduire le déficit commercial, à long terme
la nature des importations incompressibles d’inputs intermédiaires et de biens
d’équipements induit un gonflement des flux d’importations et ce indépendamment,
soit de la baisse du revenu national soit du renchérissement des coûts des
importations en raison de la dépréciation du change réel.

Aussi, et outre les effets de revenu évidents liés à la demande étrangère, la
dépréciation compétitive du taux de change réel agit certainement comme levier
de compétitivité-prix mais contribue plus fortement au renchérissement des coûts
des produits intermédiaires importés, et de fait à l’inflation importée (effet
de pass-through). C’est donc l’une des explications du déficit commercial
chronique de la Tunisie (2).

2. Résultats de l’enquête auprès des chefs d’entreprises: Impératif de réformes
de la politique du taux de change

Un autre questionnaire a été établi afin de collecter les propositions des chefs
d’entreprise en termes de mesures à prendre et dont les résultats de l’enquête
menée sont détaillés comme suit:

Politique de taux de change

tableaux-15042012-2.jpg

La lecture de l’enquête auprès des entreprises tunisiennes a permis de conclure
que la politique de sur-dépréciation compétitive du taux de change du dinar est
source de charges d’importations élevées et de détérioration des positions de
trésorerie. A défaut de l’abondant par la Banque centrale de Tunisie dans
l’immédiat de sa stratégie de gestion active du taux de change dans la période
de transition pour des raisons de contraintes externes et d’équilibres
extérieurs, les chefs d’entreprises interviewés proposent majoritairement aux
autorités monétaires de procéder au moins à l’élargissement de la durée des
opérations de couverture contre le risque de change.

Il n’en demeure pas moins que la dépréciation réelle du taux de change du dinar
est aussi dictée par un impératif de rééquilibrage de la contrainte externe, en
corrigeant les écarts de productivité et d’inflation entre la Tunisie est ses
principaux partenaires et en agissant sur les termes de l’échange (cf. Mouley,
S, 2011, Supra.).

Dans le même temps, les chefs d’entreprises estiment que la période actuelle de
transition reste toujours propice à continuer la libéralisation du régime de
change mais progressivement et à condition de tenir compte des impératifs de la
compétitivité et de l’emploi.

La première remarque qui mérite d’être étudiée concerne la question auparavant
évoquée et relative au desserrement du contrôle de change sur les afflux de
capitaux à moyen et long termes non créateurs de dette. En d’autres termes,
l’accroissement du rythme de libéralisation du compte de capital devra
privilégier en priorité les flux de capitaux à moyen et long terme, et en
particulier les investissements directs étrangers effectués par les non
résidents en Tunisie dans les secteurs non financiers ainsi que les emprunts à
long terme contractés à l’étranger par les sociétés cotées en Tunisie et les
souscriptions par les non résidents aux titres d’Etat libellés en dinar.

Ensuite, il serait opportun d’instituer un véritable marché organisé de produits
dérivés (taux, devises…), mettre en place une courbe des taux d’intérêt sur le
marché monétaire et instaurer des instruments de gestion des risques de taux
d’intérêt (swap de taux). De même, l’élargissement de la durée des opérations de
couverture contre le risque de change et l’approfondissement du marché des
changes sont impératifs. Actuellement, les banques sont autorisées seulement à
coter à leur clientèle et entres elles des contrats de change à terme jusqu’à
une maturité maximale de 12 mois, à recourir aux options de change (plain
vanilla) devises/dinars jusqu’à une maturité maximale de 3 ans et à coter entres
elles et pour le compte de leur clientèle des opérations de swap de trésorerie
devises/dinars.