OPINION Quel est l’intérêt de la Tunisie dans l’expulsion du chargé d’affaires syrien?

Suite aux bombardements de la ville de Homs qui ont fait deux cents victimes et des centaines de blessés parmi les civils, le gouvernement tunisien, par la bouche de son ministre des Affaires étrangères et de la présidence de la République, affirme ne pouvoir rester insensible à ces événements. Il déclare engager en conséquence «les procédures pratiques et réglementaires d’expulsion de l’ambassadeur syrien de Tunis et l’abrogation de toute reconnaissance du régime en place à Damas».

Sur le fond, tout être humain ne peut rester insensible à un massacre aussi atroce et doit absolument le condamner. Tout citoyen du monde est de nature à réagir par l’indignation
et la colère face à une telle horreur.

En revanche, exprimer une politique étrangère ou une réaction d’Etat à Etat par la voie diplomatique est une affaire qui doit prendre une dimension autre que celle des émotions. De tout temps, avec le monde entier, la politique étrangère tunisienne a été prudente, équilibrée et neutre, basée sur le principe de la non ingérence dans les affaires de pays souverains.

La décision d’expulser un ambassadeur constitue l’aboutissement à une situation d’absence de solution diplomatique, au sujet d’un différend grave entre deux Etats. D’autres moyens diplomati­ques sont sensés avoir été, au préalable, utilisés et épuisés, comme par exemple une déclaration d’indignation. De tout temps, la diplomatie a été basée sur le dialogue. Le fait de renvoyer l’ambassadeur syrien équivaut à couper tout contact.

Congédier l’ambassadeur syrien sans penser à l’intérêt et au bien-être des Tunisiens expatriés en Syrie (en organisant le cas échéant leur rapatriement) dénote de l’amateurisme. Nous savons que le problème syrien est très complexe. Certains pays y possèdent des intérêts stratégiques. Où est l’intérêt de la Tunisie? La crainte de voir notre diplomatie servir de bouc émissaire aux intérêts d’autres nations est réelle. La légèreté avec laquelle est prise cette décision d’expulsion risque d’engager notre pays dans une voie belliqueuse qui ne peut que nuire à nos intérêts.

Cette décision soudaine et intempestive d’expulsion de l’ambassadeur syrien n’est pas de nature à lever des soupçons sur un alignement ou un choix partisan.

Bâtir des traditions républicaines nécessite une référence à la volonté du peuple légitimée par une décision collégiale que seule une Assemblée parlementaire peut fournir.

Sur la forme, on note que cette déclaration est donnée en exclusivité à la chaîne qatarie Al Jazeera. Est­-ce à dire que nos chaînes télévisées n’ont plus droit à la primeur des décisions gouvernementales tunisiennes?

Ce comportement du gouvernement légitime de la Tunisie souveraine nous interroge au sujet de son suivisme politique par rapport à une autorité étrangère à notre pays.

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