Tunisie – Energie : Une «loi 72» pour l’électricité?


centrale-electrique-05022012-art.jpgLe
soleil
du sud peut produire l’électricité «verte». Le marché européen est
preneur. La proximité géographique est un atout. Mais le pays ne s’est pas
encore donné un cadre légal pour l’exportation de l’électricité.

La société britannique Nur, opérateur électrique, se propose d’installer une
centrale électrique avec une énergie verte pour produire 2 Giga Watt, soit 60%
de la production tunisienne. «Nur» a monté une joint-venture en Tunisie pour
mettre sur pied le projet. Cette centrale produirait de l’électricité verte, à
partir de l’énergie solaire. L’ambassade de Grande Bretagne Tunis a réuni, dans
ce sillage, un séminaire sur la problématique de l’exportation de l’énergie
verte.

Le soleil, première source d’énergie?

Il brille pour tout le monde et à l’heure actuelle, en pleine problématique de
substitution de l’énergie fossile, et dans la lignée du développement durable,
le soleil apparaît comme le meilleur ami de l’homme. Ajouter que,
potentiellement, il se profile comme le gisement le plus abondant d’énergie de
la planète. Deux accidents écologiques d’origine nucléaires ont précipité les
urgences. D’abord Tchernobyl, ensuite Fukushima. Ces deux cataclysmes ont alerté
les esprits sur l’ampleur des catastrophes et ont chauffé les esprits.

D’une simple perspective d’optimisation économique, les énergies renouvelables,
en plus de leurs avantages écologiques, acquièrent un caractère incontournable
de sécurité.

Energie: les motivations économiques en faveur des énergies renouvelables

La flambée du cours du pétrole avait été à l’origine de la réflexion sur le
switch énergétique vers les énergies renouvelables, c’est-à-dire l’hydraulique,
la géothermie, puis l’éolien et enfin le solaire. Les chauffages domestiques et
les premières batteries auto et les moteurs hybrides ont été les premiers
prototypes à témoigner de la réactivité industrielle en la matière et de la
viabilité des choix.

D’autre part, le Pic oil, c’est-à-dire la perspective de l’épuisement physique
des ressources pétrolières, a donné du relief à la question de la sécurité de
l’approvisionnement.

Depuis, les accords de Kyoto ont pointé du doigt les gaz à effets de serre.
L’objectif de réduction des émissions de CO2 devient un levier fondamental pour
pousser au recours aux énergies propres. Les choses ont beaucoup avancé grâce à
la bonne volonté des pays qui s’obligent à diminuer leurs émissions de gaz. Les
pays qui ne peuvent réduire leurs émissions peuvent financer la production
électrique dans les pays en voie de développement qui réduisent leurs émissions
à due concurrence. Il se dit que, grâce aux subsides des quotas allemands, la
Russie a pu convertir une grande partie de ses centrales en des équipements
d’énergie propre. Donc, la question est bien lancée.

L’éolien, le solaire, « Collect Solar Power» (CSP), avantages comparés

La Banque mondiale a rejoint le mouvement et une enveloppe de crédit pour
l’électricité verte est mise en place. Pourquoi ce crédit? C’est pour montrer
une part de volontarisme et accélérer le phénomène. C’est une chose utile à
l’économie mondiale.

Cependant, il faut rappeler les contraintes physiques et économiques. L’éolien
est intermittent: on produit quand le vent souffle, et quand il tombe, on
s’arrête. Ses équipements demeurent coûteux. Son transport, du site de
production vers les centres de consommation, occasionne des déperditions outre
qu’il est coûteux.

Le solaire, lié initialement au photovoltaïque puis vers d’autres technologies,
répond à peu près aux mêmes aléas physiques, à la différence près que le soleil
est plus présent. Il a aussi les mêmes contraintes économiques.

Pour les rendre économiquement viables, il faut cumuler entre les financements
concessionnels, c’est-à-dire avec une longue maturité et un taux faible. A titre
d’exemple, la facilité verte de la Banque mondiale est accordée sur une période
de 40 ans avec 10 ans de franchise et un taux inférieur à 2%. Et on comprend que
la BM aide à apporter des ressources concessionnelles supplémentaires.

De plus, il faut aussi bénéficier des rachats de quotas démissions de
CO2. Et
dans cette perspective, la technologie Nur a fait des avancées significatives.
Grâce à des miroirs géants, elle permet, avec un effet de loupe de focaliser le
soleil sur des tanks d’eau, et avec la vapeur produite, des turbines produisent
de l’électricité.

TuNur, CSP à Réjim Maatoug

L’opérateur anglais a donc monté une filiale locale, «TuNur», et a localisé un
site, en l’occurrence Réjim Maatoug. La particularité de l’endroit est qu’il est
ensoleillé pendant 3.400 h par an sans nuages. Les sites à présenter cette
particularité physique dans le monde sont peu étendus. Il y a la région du
Maghreb, l’Afrique du Sud, l’Australie et quelques sites du côté du Chili.

Tu-Nur se propose donc de produire de l’électricité et de l’exporter en Union
européenne. Quand bien même elle est à près de 40% plus chère que l’électricité
courante, les Européens sont preneurs. Les Directives européennes le permettent
et les clients européens sont disposés à payer plus cher. Tu-Nur envisage, en
cas d’agrément des autorités tunisiennes, de transporter cette énergie par câble
terrestre jusqu’à Menzel Jemil, banlieue de Bizerte et à partir de là,
l’acheminer vers l’Italie avec un câble sous marin qui émergerait vers le nord
de Rome.

La proximité géographique réduit au maximum les déperditions d’énergie et le
coût du transport. Donc, le désert d’Afrique du Nord devient une zone d’intérêt
économique pour l’approvisionnement de l’Europe en énergie. Il se trouve qu’à
l’heure actuelle, deux projets sont sur pied. Un premier à Ouerzazate au Maroc
et un second dans le désert du Sinaï en Egypte. Celui d’Ouerzazate est entré en
production et c’est l’Etat marocain qui prend en charge le supplément de coût.
En retour, il a attiré d’autres entreprises industrielles dans la mouvance du
CSP.

La Tunisie n’a pas encore autorisé l’exportation de l’énergie. TuNur assure que
les effets induits en matière d’emploi et d’investissement sont importants. Près
de la moitié des investissements peuvent être acquis sur place. L’alimentation
de ces régions éloignées en
électricité peut donc être faite illico, ajouter à
cela que les emplois seront nombreux.

La Tunisie n’a pas encore légiféré. On peut le comprendre. Pareil investissement
peut être monté avec du capital national. Le bilan du régime 72-38 pour positif
qu’il soit n’a pas aidé à l’intégration de l’industrie tunisienne. Peut-être que
l’électricité verte peut y pallier. Sachant que les sites solaires ne sont pas
infinis, le soleil devient par effet mécanique non pas un bien marchand mais un
intrant stratégique.