Notation : L’ultimatum de S&P à l’euro, et gros temps sur la croissance tunisienne!

notation-standardpoor-1.jpgLa notation opère une mutation inquiétante. D’un avis formel, elle devient sentence définitive, sans appel. Elle s’arroge le droit de vie et de mort sur les monnaies et les Etats. Le marquage individuel qu’elle impose à l’euro peut tuer la monnaie unique. Bienvenu à l’âge du terrorisme financier.

L’agence Standard & Poor’s impose, depuis la survenue de la crise de la dette souveraine en UE, un état de siège à l’euro et aux dix-sept pays de la zone euro. Elle les terrorise littéralement, menaçant de les déclasser de leur mention «AAA», première échelle de risque. Cette mention spéciale permet aux Etats de lever de la dette sur les marchés avec une marge de risque minimale. Toute dégradation se traduit donc par un surcoût. Le seul fait d’avoir annoncé que la France pouvait perdre son triple A a déjà coûté deux points de plus à la France. Un chiffrage rapide fait par Bercy estimait la charge supplémentaire à 3 milliards d’euros. C’est la contrevaleur de près de 6 milliards de nos dinars. Voyez ce que peut vous faire perdre un faux pas sifflé par l’arbitre financier. Trop c’est trop.

Des officines de business qui se trompent tout le temps

Le rôle du gendarme financier était dévolu au FMI jusqu’à son déclassement par les agences de notation. Mais au moins, le FMI est une émanation des Etats. Il est vrai que l’institution ne fonctionnait pas selon un mode équitable. Au moins, elle était réceptive aux argumentaires des Etats. En un mot, un Etat pouvait se racheter en invoquant des circonstances exceptionnelles.

On a vu le FMI, récemment, après la crise de 2008, assouplir sa position sur les déficits budgétaires. Le chantre de la “Règle d’or“ qui admet que l’on puisse, en circonstance exceptionnelle, user de l’arme budgétaire jusqu’au bout, c’est tout de même une révolution. Les agences de notation ne le tolèrent pas. Pourtant, ce sont des officines qui ont des défaillances ahurissantes. Elles n’ont pas vu venir la crise des «subprimes». Jusqu’au jeudi 15 septembre 2008, elles maintenaient la note «AAA» du banquier Lehmann Brothers. Le lendemain, il faisait faillite. La Grèce a triché sur sa comptabilité nationale. Elles n’ont pas su détecter la fraude. Elles ont décerné un satisfecit à l’Espagne pour son boom immobilier. Elle s’est embourbée dans une bulle immobilière. Pareil pour l’Irlande lancée à fond la caisse dans l’off shoring.

Au mois de février 2011, elle dégrade la note de la Tunisie, pour risque politique nous ramenant à BBB-, notre note de départ. En 1995, le pays avait fait une émission sur le marché japonais Samouraï et sa note de l’époque était celle-là. On nous a fait manger en un trait de plume 15 ans de croissance ininterrompue. Dans l’intervalle, le pays avait opéré une diversification de son secteur exportateur. Echappant au monoproduit textile, le secteur exportateur a pu aller vers les composants mécaniques et électriques, notamment les composants automobiles et faisait une percée, certes timide mais bien réelle, en IT. Les réserves de change, malgré la contreperformance touristique, n’ont pas fondu. En un mot, la solvabilité du pays n’était pas menacée et pourtant, le carton rouge est venu.

La danse de la mort autour de l’euro

Le problème de base, qu’on le comprenne bien, c’est le déficit budgétaire. Enfreindre la Règle d’or de l’équilibre, c’est s’exposer à faire la manche, c’est-à-dire à emprunter sur les marchés. Plus le déficit se creuse, plus la solvabilité diminue, et plus les créanciers serrent la vis en exigeant des taux élevés. Il arrive un moment où les Etats se trouvent obligés d’emprunter simplement pour régler les tombées de leur dette.

Bien des Etats de l’UE sont dans cette situation dont la Grèce. Cette dernière est réduite à refinancer sa dette. On sait ce qu’il en est advenu. Elle a restructuré. L’ennui est que cela s’est fait au détriment des banques allemandes et françaises, principalement. Pour l’Allemagne, cela ne posait pas de problème. Pas pour la France. L’Etat français est trop engagé. La crise des subprimes a encore chargé la barque. Les efforts des banques françaises n’étaient pour arranger les choses. L’implication de la France dans le sauvetage de la Grèce, et sa participation au Fonds de stabilisation financière a encore gonflé son passif. Au bout du compte, cela a creusé son déficit budgétaire au point qu’elle est obligée de recourir à un plan d’austérité. Pas assez, décrètent les agences de notation. La croissance n’étant pas au rendez-vous, ne pouvant engranger des recettes fiscales supplémentaires, l’austérité, il est vrai n’est qu’une arme de fortune, sans vouloir faire de jeu de mots.

La France est sous la menace de la dégradation de sa note. On lui donne un délai de quelques jours. L’affaire sera tranchée après le Sommet européen de ce jeudi 8 décembre. Pour échapper aux marchés, la France voudrait que la Banque centrale européenne monétise la dette des Etats. La RFA s’oppose à ce dérapage qui est générateur d’inflation. Le sommet de la dernière chance doit régler la question. Faute de solution, la France sera dégradée. A terme, c’est l’euro qui prend du plomb dans l’aile et son éclatement n’est plus tabou. Les marchés l’évoquent comme une thèse plausible.

Qu’adviendra-t-il des pays émergents? C’est simple. Si l’euro se défait, on va se retrouver avec un partenaire commercial qui traverse une récession économique à laquelle il faut ajouter des désordres monétaires et de change. Au final, c’est moins de croissance pour nous. Assez de jouer avec notre développement!

A bon entendeur!