Tunisie – Transport aérien : Quel avenir à l’initiative régionale de Mohamed Frikha?

Par : Autres

mohamed-frikha-telnet-220.jpgWMC: La conjoncture économique est dans l’incertitude, pourtant vous venez de créer une société de transport aérien. N’y a-t-il pas un risque?

Mohamed Frikha: Le pays a besoin de ses jeunes et de ses hommes d’affaires, et c’est dans ce sens qu’il faut prendre ce type d’initiatives. C’est vrai qu’il y a des incertitudes, mais elles sont à court terme. Le moyen et le long termes sont rassurants, les ingrédients d’une économie émergeante existent. Deux facteurs essentiels représentent ces ingrédients: un processus démocratique déjà amorcé et une économie qui a pu résister avec un taux d’endettement acceptable et une rentrée en devises assurée. Donc le moyen et le long termes nous laissent confiants.

Autre élément, nous hommes d’affaires tunisiens sommes appelés à donner l’exemple aux investisseurs étrangers, de ce fait nous devons rassurer le milieu d’affaires par ce genre d’investissement.

Vous avez choisi l’aéroport de Sfax comme base opérationnelle de Syphax Airlines. Pourquoi ce choix?

Même si l’aéroport de Sfax est de petite taille, avec une capacité de l’ordre de 600 mille voyageurs par an, mais il n’enregistre que 70 mille seulement. Ce qui veut dire que la plateforme existe et peut être développée. Sfax est le plus grand pôle économique régional avec une activité économique diversifiée et liée à l’international; sans oublier des hommes d’affaires et de cadres qui voyagent souvent pendant l’année, dont certains veulent utiliser cet aéroport alors qu’ils ne trouvent pas des réponses à leurs attentes et besoins.

L’aéroport de Sfax n’a pas pu se développer car il n’était pas une base de Tunisair ou d’une autre compagnie, c’est pour cela que ses activités ont une faible rentabilité. Avoir une compagnie dont la base est l’aéroport va lui permettre d’avoir sa vraie dimension.

Certains observateurs du secteur du transport aérien pensent que le lancement de votre compagnie est un pari extrêmement risqué vu le protectionnisme de l’Etat pour Tunisair. Qu’en pensez-vous ?

Aujourd’hui, on doit voir les choses autrement et on commence à repenser la relation-public-privé. Le partenariat public-privé est l’un des outils de réussite, car ce n’est pas l’Etat seulement qui devrait défendre les intérêts nationaux mais les privés aussi. C’est à travers un schéma basé sur le principe gagnant-gagnant qu’on pourrait avancer. Pendant la période précédente, on ne pouvait pas réaliser ce genre de relation, raison pour laquelle Syphax Airlines n’a été lancée qu’après la révolution.

La jeune compagnie va travailler étroitement avec Tunisair; elle n’est pas sa concurrente mais bien au contraire, elle est sa partenaire, et les deux doivent affronter ensembles les défis.

Dans ma conception des choses, le privé ne doit pas concurrencer le public, d’ailleurs mon éthique ne permet pas de le faire, j’ai dû refuser les propositions d’achat de Telnet par des investisseurs étrangers et j’ai choisi de la faire entrer en Bourse car le pays doit disposer de telle entreprise.

Syphax Airlines sera-t-elle une compagnie low cost ou une compagnie charter?

Syphax Airlines est une compagnie de vols réguliers basée sur un système de management et de gouvernance low cost (réservation par Internet, service commercial, réduction des coûts), par contre, elle peut assurer des vols charters s’il y a une demande.

Open Sky en 2013 est un avantage ou inconvénient?

On doit se préparer pour le ciel ouvert en Tunisie car l’activité de transport est en nette progression. Ceci dit, je pose le problème autrement: quelles sont les opportunités pour nous Tunisiens pour profiter de cette ouverture? C’est une occasion pour se mettre eux standards internationaux (coûts, qualité du service, normes de sécurité).

On doit raisonner en termes d’opportunité et arrêter des stratégies avec nos partenaires comme Tunisair. Je pense que, dans l’avenir, les grandes compagnies doivent passer par les petites compagnies pour les petits tronçons et se concentreront sur le cœur de leurs métiers, à savoir les longs courriers, et à ce niveau là, il y a une opportunité à saisir et un positionnement stratégique à prendre.

Quel est le programme des destinations arrêté pour Syphax Airlines?

Nous avons arrêté les programmes des vols avec 2 vols quotidiens sur Paris et Tripoli et d’autres bihebdomadaires. Nous réalisons des enquêtes sur terrain, et les statistiques vont nous aider à fixer les destinations.

Nous avons commencé le recrutement du personnel et en premier lieu le personnel navigant. Notre stratégie se base sur le mixage entre les expérimentés et les jeunes. Il s’agit tout simplement de combiner l’ambition, la sagesse et l’expérience. Nous nous sommes orientés vers le marché local et 70 à 80 cadres seront recrutés très prochainement. Ce chiffre atteindra 120 à la fin de l’année 2012 et 500 dans les 3 années à venir.

Syphax Airlines a reçu son permis d’exploitation lors des Journées de développement de Sfax que vous aviez présidées. Y a-t-il un rapport?

Effectivement, la croissance du pays et son développement passe par les régions, il est de notre responsabilité nationale de multiplier les initiatives. L’avenir de votre pays se joue dans la région, et j’invite tous les Tunisiens à s’activer dans les régions. Il faut dépasser la connotation régionaliste négative.

Cependant, trois éléments essentiels sont nécessaires pour réaliser le développement escompté, à savoir: en premier lieu l’interdépendance de Sfax avec les localités avoisinantes et les régions limitrophes (Sfax-Sousse-Sfax-Mahdia, Sfax-Sidi Bouzid, Sfax-Gabès, Sfax-Kasserine); en second lieu le partenariat région–région qui peut constituer un outil du développement régional; enfin une vraie coopération entre les différents acteurs de la société (administration centrale et locale, hommes d’affaires, syndicats, partis, société civile).

Les Journées de développement à Sfax auxquelles 8 ministres ont participé ont focalisé sur la concrétisation des projets et Syphax Airlines comme étant un exemple. Maintenant les réalisations ne devraient pas prendre beaucoup de temps.

Telnet vient de s’installer en Allemagne. Y aura-t-il d’autres sites à l’étranger?

En créant Telnet, j’ai voulu montrer que le secteur de la haute technologie peut présenter les meilleures solutions pour relever deux grands défis de l’employabilité de jeunes cadres, aussi bien en Tunisie qu’à l’international.

Notre stratégie est basée sur 3 éléments essentiels: le développement de l’ingénierie de produits à travers nos sites, l’innovation par le biais de la tour d’innovation (salle blanche de microélectronique qui est une première en Tunisie et qui va être installée au pôle d’Elgazala), et en aval la création d’une unité de fabrication électronique.

L’objectif de l’antenne créée en Allemagne c’est de se positionner sur le marché international et de répondre aux besoins de ce marché. Le marché allemand est en pleine expansion, il enregistre une croissance de 20% et ses besoins ne peuvent pas être couverts par les Allemands eux-mêmes par manque de cadres. C’est dans ces circonstances que l’antenne de Munich est ouverte avec 10 ingénieurs tunisiens pour le démarrage.

D’ailleurs, nous pensons nous installer d’ici la fin de l’année aux USA et à Dubaï. Le développement des affaires nous aide à nous positionner à l’international et conquérir de nouveax marchés grâce à la compétence tunisienne.