Le développement économique méditerranéen suspendu aux échéances politiques

Par : Tallel

Le Grand port maritime de Marseille et econostrum.info organisaient le 26
septembre 2011, à Marseille, deux tables rondes réunissant experts économiques
et entrepreneurs pour évoquer les
perspectives économiques en Méditerranée.

Au-delà des considérations citoyennes et politiques, dix observateurs
économiques avertis se sont réunis lors de deux tables rondes, le 26 septembre
2011 à Marseille, pour évoquer la nouvelle donne en Méditerranée.

Si l’on n’y voit pas réellement plus clair aujourd’hui qu’au début de l’été, on
peut toutefois s’appuyer sur de grands indicateurs, à l’image des
investissements directs étrangers (IDE) qu’a présentés Zoé Luçon. “Les annonces
d’IDE en Méditerranée ont représenté 15 mds€ sur les six premiers mois de
l’année 2001 contre 14,5 mds€ lors du premier semestre 2010”, rapporte la
responsable de l’Observatoire ANIMA-MIPO. Un résultat plutôt bon, mais qui cache
de fortes disparités entre pays: “Aucun investissement n’a été envisagé en
Égypte jusqu’au début de l’été. En Tunisie, la chute des annonces d’IDE a
atteint 40% et le contexte général pèse également sur le Liban ou la Jordanie“.

Israël, la Turquie et le Maroc tirent leur épingle du jeu. L’autre enseignement
partagé par Zoé Luçon concerne l’origine des investisseurs méditerranéens: “si
les Européens demeurent les premiers investisseurs en Méditerranée, ils sont
talonnés de plus en plus près par un trio composé des pays du Golfe, de
l’Amérique du Nord et des pays émergents“.

Trouver un modèle démocratique

Du point de vue du Grand port maritime de Marseille (GPMM), qui co-organisait
les tables rondes avec econostrum.info, les évènements du sud représentent un
«gisement d’opportunités». Le directeur du GPMM, Jean-Claude Terrier, estime
devoir jouer un «rôle privilégié» dans la réorganisation économique de la
Méditerranée, affirmant même se tenir prêt pour investir dans des plateformes du
sud, de façon à orienter ensuite plus facilement le trafic vers le GPMM. Et
rendre à Marseille son statut.

Un vœu pieux, tant la concurrence s’est organisée, au nord comme au sud de la
Méditerranée. «Sur quels fondements économiques s’appuient les investisseurs qui
créent ces grands ports, dans chaque pays, en revendiquant les mêmes flux que
ceux qu’espèrent attirer leurs voisins?», s’est interrogé Jean-Louis Reiffers.
Le président du conseil scientifique du Forum euroméditerranéen des instituts de
sciences économiques (Femise) assène la nécessité pour les pays du sud de se
rapprocher les uns des autres et de trouver leur modèle démocratique, en
soutenant l’entreprenariat tout en mettant en place des filets sociaux. «Mais
sans porter aux nues le modèle turc», a défendu le conseil du président de la
Chambre de commerce d’Istanbul.

Eren Paykal entend bien les voix qui vantent les progrès réalisés par la
Turquie, la montrant comme un exemple à suivre dans une Méditerranée chahutée.
Mais il considère que chacun doit trouver sa voie et estime que son pays ne peut
jouer qu’un rôle complémentaire, notamment du point de vue économique, avec ses
voisins arabes.

Medhi Laraki partage cette vision. Le directeur général du groupe Gelacom voit
en son pays, le Maroc, un leader régional, dans une réorganisation des échanges
non plus entre le nord et le sud, mais entre l’est et l’ouest de la
Méditerranée, en s’appuyant d’un côté sur le Maroc et de l’autre sur la Turquie.

Etablir une stabilité politique

Le directeur général d’Eurofret, Richard Arditti, observe quant à lui ces
évènements d’un œil optimiste, d’autant qu’il assure n’avoir accusé aucun effet
négatif des révolutions arabes sur les flux de marchandises transportées entre
le Maghreb et Marseille. «Il y a évidemment des incertitudes politiques, mais
globalement, nos perspectives en Méditerranée sont bonnes. Les entreprises
devront saisir les opportunités commerciales qui se présentent». En se montrant
plus agressives, comme le soutient le commissaire aux comptes algérien Larbi
Redjimi, convaincu que les sociétés françaises sont, du fait de la proximité
culturelle, les mieux placées pour travailler dans son pays.

Pour le directeur représentant la Banque européenne d’investissement (BEI) à
Paris, la réussite économique implique l’instauration de nouvelles relations de
travail. Henri Marty-Gauquié rappelle les 2,6 mrds € investis par la BEI en
Méditerranée en 2010, et surtout les 27 mrds € que la communauté internationale
s’est engagée à débloquer pour la Tunisie, l’Égypte, le Maroc et la Jordanie
d’ici 2013. Mais il met en garde: «La mise en place de financements
multilatéraux est impossible sans stabilité politique». Politiquement comme
économiquement, tout repose donc sur les élections qui s’annoncent dans ces pays
avant la fin de l’année 2011.