Tunisie : Un programme d’endettement extérieur de 9,4 milliards de dinars en 2011

La dette extérieure à moyen et à long terme de la Tunisie est estimée, à fin
2010, à 23 600 millions de dinars représentant 37,1% du PIB (1):

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Il faut à ce titre distinguer entre la dette publique (contractée par
l’administration) (3) et la dette privée (contractée aussi bien par les
entreprises publiques que privées). Dans ce contexte, la répartition des tirages
sur crédits par bénéficiaire, montre qu’ils ont été destinés en moyenne à
hauteur de 49,3% au financement de l’administration et de 50,7% à celui des
entreprises. Par bailleurs de fonds, la dette extérieure de la Tunisie est
répartie à hauteur de 37,2% au titre de la coopération multilatérale (dont
notamment la BAD, le Groupe de la Banque Mondiale, la BEI et le FADES), 26,8% au
titre de la coopération bilatérale (dont notamment la France, le Japon, l’Italie
et l’Allemagne) et 35,9% au titre des émissions sur les marchés financiers
internationaux:

tableau-23082011-2.gif

Avant la révolution du 14 janvier 2011, les dernières années 2010 et 2011 ont
connue des projections macroéconomiques divergentes, ce dont illustre les
données du 11ème plan de développement (2007-2011) en passant par le plan mobile
ou glissant (2010-2014), transvasé d’ailleurs en 12ème plan quinquennal de
développement pour la même période, pour aboutir enfin au nouveau programme
économique et social quinquennal de post-révolution (2011-2015) dont la
composante ressources de financement extérieur semble la plus marquante en
portant la mobilisation escomptée des ressources d’emprunts externes à une
enveloppe globale de 25 milliards de dollars à raison de 5 milliards de dollars
par an pour boucler un schéma de financement du plan à un coût global estimé à
125 milliards de dollars.

Que propose le plan économique et social ?. Présenté au sommet du G8 à Deauville
les 26 et 27 mai 2011 (4), ce plan prévoit une conception d’outils annoncés dans
les différentes ébauches de mesures des gouvernements provisoires qui se sont
succédés depuis le 14 janvier 2011 : caisse des dépôts et consignation, fonds
générationnel, fonds d’amorçage, micro-finance, venture capital, capital-risque,
capital-investissement, pépinières et incubateurs d’entreprises, développement
de zones industrielles, pôles de compétitivité, développement des transports et
des infrastructures technologiques.

L’argument fondamental pour notre propos est que le besoin de financement
extérieur additionnel ne concerne pas à priori le budget de l’Etat mais sera
vraisemblablement affecté à des fonds dédiés et des crédits d’infrastructure.

Car, de l’autre côté, d’autres besoins de financement externes supplémentaires
ont été prévus par recours aux ressources du budget de l’Etat.

La loi de finances complémentaire pour 2011 permet en effet de lire que des
actions nouvelles ont été aussi programmées pour accompagner matériellement la
révolution, dont en témoignent en particulier le quasi-doublement du montant de
la compensation (2 700 millions de dinars contre 1 200 millions de dinars prévu)
et l’augmentation des autres dépenses publiques de l’ordre de 770 millions de
dinars affectés à la majoration des salaires, l’assistance des familles
nécessiteuses et des diplômés sans emplois, la suppression de la sous-traitance
dans la fonction publique et son corollaire la majoration des salaires de plus
de11.000 ouvriers etc….. Toute cette panoplie de mesures est paramétrée par deux
contraintes exogènes majeures, en l’occurrence le refoulement de Libye de plus
de 40.000 ouvriers tunisiens et surtout la flambée sans précédent des cours
mondiaux des hydrocarbures et des matières de base.

A ce titre, comparons le budget général initial de l’Etat pour 2011 par rapport
au scénario révisé. Avant la révolution, le gouvernement avait certes prévu de
mobiliser des ressources propres tout en relançant la croissance par le recours
aux emprunts extérieurs. Le montant initial de l’ordre 19 192 millions de dinars
(contre 18 272 millions de dinars en 2010) a été calibré en fonction d’objectifs
de réalisation d’un déficit budgétaire dans la limite de 2,5% du PIB et d’un
ratio de la dette publique à 39% du PIB.

Son schéma de financement était bouclé à raison de 15 420 millions de dinars de
ressources propres dont 13 213 millions de dinars levés sur les recettes
fiscales. En revanche, les ressources d’emprunts à mobiliser étaient estimées à
3 772 millions de dinars aux fins de financement du déficit budgétaire ainsi que
du remboursement du principal de la dette publique à hauteur de 2 272 millions
de dinars. En revanche, au niveau du scénario révisé, le gouvernement de
transition actuel a estimé le financement additionnel du budget de l’Etat et de
la balance des paiements au titre de 2011 à hauteur de 5 000 millions de dinars,
dont un montant de 2 257 millions de dinars alloué au remboursement de la dette
extérieure suite à l’augmentation de l’enveloppe que compte contacter le
gouvernement. De fait, le déficit budgétaire, estimé à 2,5% du PIB devrait
augmenter de 3,2% du PIB pour atteindre 5,7% du PIB.

Parallèlement, la Banque Mondiale, la BAD et la Banque Européenne
d’Investissements devraient aussi contribuer au financement. La BEI vient
d’accorder un crédit d’infrastructure de l’ordre de 326 millions de dinars (163
millions d’Euros) pour le financement de projets de modernisation routière dont
le coût est estimé à 595,5 millions de dinars. Des crédits directs de l’ordre de
2.250 millions de dinars sont aussi escomptés, partagés entre l’AFD (350
millions d’euros), la Banque Mondiale (500 millions de dollars), la BAD (500
millions de dollars) et l’Algérie (100 millions de dollars).

Sur un autre plan, et s’agissant des réserves de change auprès de la Banque
Centrale de Tunisie, le solde s’élevant au 31 décembre 2010 à 13 000 millions de
dinars a d’abord servi à un remboursement de l’ordre de 880 millions de dinars
(450 millions d’euros) relatifs à des émissions obligataires venant à échéance
en avril 2011. Le solde de l’ordre de 12 120 millions de dinars devra aussi
couvrir une autre échéance de remboursement de 250 millions de dinars (15
milliards de yen) prévue au mois de septembre 2011. Soit au total, pour 2011, un
montant de 1 130 millions de dinars des réserves de changes consacrées au
remboursement des émissions obligataires internationales.

Dans le même temps, il va falloir au moins dégager une enveloppe de 3 500
millions de dinars (près de 1 840 millions d’euros) de réserves de précaution au
titre d’un déficit supplémentaire escompté du solde de la balance des paiements
du fait de la baisse prévue au titre des mouvements de capitaux et opérations
financières pour 20115, ce qui limite la marge de manœuvre de la BCT à un
montant maximal prévu de l’ordre de 8 730 millions de dinars des réserves de
change, ce qui représentera près de 90 jours d’importations, la marge minimale
de prudence prévue à cet effet par les instances internationales.

Qu’avons-nous au total. Outre les dons reçus de l’ordre de 200 millions de
dinars (dont 67 millions de dinars de l’UE), la mobilisation de ressources au
titre de la dette externe est escomptée jusque-là à une enveloppe sans précédent
de l’ordre de 9 407 millions de dinars au titre de l’année 2011, et répartis
comme suit:

– 2 257 millions de dinars, affecté au budget de l’Etat, et alloué au
remboursement de la dette extérieure suite à l’augmentation de l’enveloppe que
compte contracter le gouvernement,

– 7 150 millions de dinars (5 milliards de dollars), hors budget de l’Etat,
affectés à des fonds dédiés et crédits d’investissement programmés au titre du
financement externe du programme économique et social pour l’année 2011 (dont 2
250 millions de dinars de crédits directs au titre de la coopération
multilatérale ou bilatérale et 326 millions de dinars, au titre d’un crédit
d’infrastructure alloué par la BEI).

*Professeur – Université de Tunis

(IACE – CTVIE)