Tunisie – Economie : La paix sociale, sinon bonjour les dégâts!

climat-social-2.jpgLes avertissements des agences de notation, ainsi que des marchés étaient à peine voilés. C’est de l’amélioration du contexte politique que dépendra, demain, la révision, entendez le relèvement, de leur appréciation. Or, en l’occurrence on se retrouve prisonnier d’un agenda convenu. En revanche, on peut marquer des points dans le champ social. En activant le retour d’une discipline de négociation, à la place de la fièvre de revendications, on peut déminer le terrain. Ce sera un message fort à adresser à tous les observateurs internationaux.

Les travailleurs tunisiens ont signé un acte spectaculaire. Ils ont protégé le «Capital» convaincus qu’ils sont que sa destruction les «aliénerait». Ils ont pris sur eux, quand tout l’appareil de sécurité était paralysé, de préserver l’outil de production contre les émeutiers. Ils ont fait échec à cette entreprise de pillage et de mise à sac des entreprises, dont certaines, hélas, ont péri par des incendies criminels.

Pourquoi donc se demande-t-on, le milieu ouvrier, qui sait se mettre en phase avec ses responsabilités historiques, se laisse-t-il aller à la surenchère revendicatrice? Rempart de l’économie nationale et en même temps acteur d’agitation sociale? On ne comprend pas. Saura-t-il concilier entre ses intérêts catégoriels et l’intérêt général? La question mérite d’être posée.

S’attaquer aux entreprises qui performent, est-ce bien raisonnable?

La semaine dernière, une grève sauvage secoue une entreprise d’électronique, bien établie sur la place. Une position de leader sur le marché, un management reconnu, une politique sociale régulière, un partenariat coréen de premier plan. Une visibilité et de l’avenir. L’ennui n’est pas dans l’irruption soudaine du conflit. Ce peut-être une contagion de l’agitation ambiante. Mais l’élément de surprise était l’exagération des revendications… Et la radicalité du ton. La vie est chère et les conditions sont dures pour tous. Et encore plus pour les gens qui débutent, qui peinent; qui sont au bas de la grille des salaires.

L’ennui n’est pas dans l’irruption du conflit mais dans l’exagération des demandes, qui sont loin des repères du dialogue social. Une augmentation des salaires est toujours adossée, pour être bien absorbée, à une avancée de productivité. C’est admis de tous. Le progrès social est généré par la poussée de la productivité. C’est dans la logique du partage du profit que de celui du «transfert social». C’est ce qui fait qu’on l’échelonne dans le temps en fonction des percées de productivité, une fois qu’elles sont engrangées.

Demander une augmentation de salaires sans augmentation conséquente de productivité et dans un contexte où elle ne peut être répercutée sur le prix, c’est causer une gêne au plan d’affaires de l’entreprise. Et en plus, une méthode ultra du tout ou rien dégrade le climat social. Et ce n’est pas pour favoriser les performances de production et les prouesses techniques. Sur un marché concurrentiel, un pic de charges peut mettre l’entreprise hors champ. Le risque est gros. Faire imploser les fleurons de l’industrie, à quoi cela peut-il mener?

Garder le pays en état de rebondir

Faut-il rappeler que le pays compte 700.000 chômeurs. Déstabiliser les fleurons de l’industrie, c’est exposer le pays à plus de tension sur le marché de l’emploi. Non seulement on dissuaderait les investisseurs internationaux de venir s’installer, mais on engourdirait aussi les entrepreneurs les plus dynamiques. L’immobilisme économique, c’est notre ennemi.

Lech Walesa, lors de son passage à Tunis au mois d’avril, avait expliqué qu’à son accession au pouvoir, il avait réduit, lui le syndicaliste fervent, les salaires de 20%. Et sans être désavoué par les travailleurs. Nous considérons qu’il est du rôle du gouvernement de faire ce travail de pédagogie auprès des partenaires sociaux pour faire prévaloir la suprématie du recours au dialogue. La paix sociale, sinon bonjour les dégâts, dirions-nous. L’urgence serait, par exemple, de réunir un “Sommet social national“.

Tout comme on a eu le courage d’entamer un chantier de refondation démocratique, il convient dans le même sillage d’œuvrer à un aggiornamento du syndicalisme pour le pousser de la revendication vers la participation. De la sorte, on le mettrait en phase avec les données du nouveau modèle économique dont le pays besoin a tant besoin.

On a incendié les usines, quand le pays était en transe. On avait l’excuse de ne pas voir venir. Et à présent, on tente de mettre le feu aux esprits. Il faut mettre fin à cette pratique de terre brûlée et nous garder le pays en état de rebondir économiquement.