Les difficultés d’accès des entreprises tunisiennes aux sources de financement bancaire

Dans le secteur on-shore, près de 97,8% des entreprises tunisiennes (tous
secteurs confondus) se classent dans la catégorie des
PME-PMI. La principale
conséquence est que leur capacité à obtenir des financements pour leurs
opérations commerciales est capitale pour la croissance économique.

En particulier, le financement bancaire en Tunisie ainsi que les autres
mécanismes de soutien dédiés (BFPME, SOTUGAR pour les garanties, etc.) demeurent
les principales sources de collecte de fonds si bien que l’accès des entreprises
tunisiennes aux autres services de financement non bancaire (factoring, leasing,
marché boursier, capital-risque) demeure limité par plusieurs contraintes (3) et
joue un rôle mineur.
Au niveau du financement bancaire, et bien que la part des crédits à l’économie
ait représenté en moyenne 56,4% du PIB durant la dernière période, elle demeure
en deçà du niveau moyen d’intermédiation bancaire observé dans des pays
comparateurs et concurrents de la région MENA (62%) et, dans tous les cas,
faible et nettement inférieure à la moyenne de la région Asie de l’Est et
Pacifique (123,6%) ou à celle des économies avancées des pays de l’OCDE (147,2%)
durant la même période.

Par ailleurs, la quasi-stationnarité de l’importance des financements bancaires
dans le PIB révèle en fait la baisse des concours aux secteurs productifs (6) au
profit des crédits aux particuliers.

En effet, l’analyse des taux de croissance de la ventilation par type de
bénéficiaire de l’encours des crédits à l’économie montre un net découplage en
faveur de la croissance des crédits aux particuliers qui demeure plus élevée par
rapport à celle des crédits accordés aux secteurs productifs:

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Il en est résulté un pourcentage encore élevé des créances improductives brutes
et ce en dépit des résultats enregistrés ces dernières années en matière
d’indicateurs de solidité, de la qualité des portefeuilles et de la gestion du
secteur bancaire. Car, en la matière, la part des créances classées ou crédits
non performants (NPL), bien qu’en baisse durant la période d’analyse, demeure
néanmoins élevée par rapport aux comparateurs et pays émergents. Ceci est dû
notamment à l’augmentation des crédits impayés induite par cette politique
d’encouragement des crédits aux particuliers et essentiellement des crédits
immobiliers.

En effet, selon la Banque mondiale, les crédits à la consommation impayés ont
augmenté en moyenne de 21% entre 2005 et 2009, alors que les NPL relatifs aux
prêts accordés aux secteurs productifs n’ont augmenté que d’une moyenne de 6%.

Part des créances classées en Tunisie, par rapport à des pays de la région MENA
tableau-08082011-2.gif
En revanche, l’analyse de la ventilation par maturité de l’encours des crédits
octroyés aux secteurs productifs dénote de la prépondérance des crédits de court
terme au détriment de ceux de moyen et long termes.
Parallèlement, tous secteurs confondus, la contribution du système bancaire
demeure modérée. Selon les données de la dernière enquête sur la compétitivité (ITCEQ)
mais aussi celles des données d’enquêtes d’entreprises de la Banque mondiale, le
crédit bancaire n’assure que 19,3% en moyenne des besoins de financement des
actifs de long terme, contre 50,6% pour l’autofinancement (surtout lorsqu’il
s’agit de réinvestissement exonéré des bénéfices) qui reste donc la principale
source de financement des entreprises tunisiennes :

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D’ailleurs, dans le cadre de l’environnement global des affaires, la Tunisie
n’est classée qu’au rang 87 dans l’indice d’obtention du crédit dans une échelle
de 1 (meilleure performance) à 183 (plus mauvaise performance), selon le dernier
classement annuel 2010 de Doing business (8). En particulier, dans
l’environnement légal du crédit bancaire, la Tunisie est faiblement notée, dans
une échelle de 1 (minimum) à 5 (maximum), notamment en matière de mécanismes de
prise de garantie (2) et d’enregistrement d’actifs circulants (1).

Au niveau de la perception des entreprises, des problèmes significatifs et
récurrents d’accès au financement bancaire signalent des exigences
contraignantes au niveau des collatéraux. Les données d’enquêtes disponibles
provenant d’études sectorielles menées entre 2006 et 2009 par l’IACE et l’ITCEQ
ainsi que les enquêtes d’entreprises de la Banque mondiale démontrent que les
entreprises tunisiennes considèrent que les garanties exigées à l’accès au
financement bancaire ainsi que son coût sont deux obstacles majeurs devant leur
croissance. Les taux de garanties hypothécaires exigées comme collatéraux des
emprunts bancaires en Tunisie sont comparativement beaucoup plus élevés que dans
d’autres pays. Tous secteurs confondus, les dernières données disponibles
avancent un taux moyen de 169% de la valeur des prêts accordés, contre, par
exemple, 88,5% en Chine.

(IACE- Centre Tunisien des Etudes Economiques – L’Entreprise Tunisienne Face à
la Conduite de la Politique Monétaire : Réflexions et Pistes de réformes – Pr.
Sami MOULEY)