Tunisie : Les 6 critères majeurs de l’arbre de décision stratégique d’une localisation pour une industrie capitalistique (suite et fin)

Par : Autres


hichem_19072011-250.jpgLes trois derniers critères majeurs de l’arbre de décision stratégique relative
au choix d’une localisation pour une industrie capitalistique ont trait à la
disponibilité en nombre et en qualité de l’emploi, à l’approvisionnement local
de l’entreprise délocalisée, et au coût de l’installation et de production.

L’étendue du bassin d’emploi en nombre et en qualité est un critère de sélection
de forte importance pour les entreprises


Le capital de toute industrie à forte technicité et à forte valeur ajoutée est
sans aucune mesure son capital intellectuel et humain. Ceci pousse les
entreprises que nous visons à vérifier, avant de s’installer dans un pays, la
disponibilité, non seulement des ingénieurs, des techniciens et des ouvriers en
qualité et en nombre, mais également à s’assurer de la capacité du système de
formation et d’éducation à fournir ces talents.

Une évaluation sociale du bassin est généralement menée. Elle vise à s’assurer
de la capacité des ressources disponibles à s’adapter et à épouser la culture de
l’entreprise et ses standards de fonctionnement et de gouvernance.

Pour la Tunisie, qui dispose d’un capital humain reconnu, le développement de
notre attraction sur ce point particulier réside dans le renforcement des liens
entre le système de formation et les entreprises ainsi qu’entre l’entreprise et
les organismes de recherche et de développement. Une formation professionnelle
de qualité pourra sans aucun doute apporter le complément de formation pour les
diplômés chômeurs, nécessaire pour augmenter leur employabilité immédiate.

De toute évidence, le développement et l’incitation à la mobilité
professionnelle constituent pour le Tunisien une évolution importante à opérer
rapidement

La capacité de l’entreprise à s’approvisionner en local constitue une composante
importante du business model des entreprises à forte valeur ajoutée.


Comme expliqué plus haut, une des composantes du business model des entreprises
qui nous intéressent est justement le juste-à-temps et le raccourcissement de la
supply chain. De ce fait, le potentiel de développement des fournisseurs locaux
constitue un réel atout. Ces entreprises procèdent généralement à une évaluation
sérieuse de ce potentiel et scrute les fournisseurs disponibles, présents et à
venir, pour vérifier la qualité de leurs produits et services, leur organisation
et leur capacité industrielle et technique.

Il est à noter que dans plusieurs situations (automobile par exemple), des
industriels de grande importance obligent leurs fournisseurs de premier rang à
venir s’installer à proximité pour optimiser la chaîne industrielle. Ce qui est
sans aucun doute un autre effet bénéfique de l’attraction des
IDE que nous
recherchons.

Le développent de notre réseau de PME pouvant servir de fournisseurs à ses IDE
passe par l’amélioration de leur qualité, la mise en place des standards de
production et d’application des normes internationales de certification et
d’homologation.

Les critères économiques liés aux coûts d’installation et de production sont
certes importants pour ces industries, mais ils sont loin d’être parmi les
premiers considérés


Toute entreprise a besoin de réduire ses coûts et générer des bénéfices pour
assurer son développement propre ainsi que pour concrétiser le retour sur
investissement de ses actionnaires. Il est donc logique que le choix intègre une
analyse sur les coûts complets, les taxes et les incitations d’aides diverses
qu’elle peut en bénéficier.

La Tunisie a déjà mis en place des incitations importantes pour attirer les IDE
et qui semblent fonctionner. Cependant, j’invite les gouvernants à être plus
incitatifs pour attirer les entreprises leader que nous visons, quitte à mettre
en place des incitations spécifiques et à dérouler une approche volontariste et
agressive de haut niveau. L’exemple marocain pour convaincre un constructeur
automobile d’installer une importante usine de montage destinée essentiellement
à l’exportation est un exemple à méditer.

Le fait d’attirer une entreprise locomotive dans son domaine se traduira
obligatoirement par l’attraction de leurs fournisseurs et inscrira ainsi la
Tunisie dans un vertueux cercle du développement durable.

C’est en répondant à ces critères par des projets et des mesures effectives et
en le faisant savoir dans le milieu des affaires que la Tunisie pourra, grâce à
une stratégie de différentiation et de rupture se positionner comme une place de
choix pour les industries que nous souhaitons attirer.

J’exprime mes vœux pour que cette approche trouve un écho auprès du gouvernement
provisoire et de s’en inspirer pour préparer le terrain. J’invite aussi les
partis politiques à inscrire dans leur programme économique futur une telle
approche et une telle ambition pour notre Tunisie retrouvée.

*Ingénieur de l’Ecole Nationale des Ponts & Chaussées (’87), titulaire d’un DEA
d’intelligence artificielle de l’Université Paris VI (’87) et d’une maîtrise de
mécaniques appliquées de l’Université de Tunis (’83).

Actuellement directeur du système de production et de la supply chain du groupe
Valeo et précédemment vice-président de Gemini Consulting au sein de la practice
Stratégie & Organisation Industrielle.