Béji Caid Essebssi à la rencontre TACC : « Nous ne demandons pas la charité, nous voulons des prêts et des investissements »

bce-tacc.jpgCela faisait longtemps que nous n’avions pas entendu un haut responsable tunisien s’exprimer avec autant d’assurance au sujet de nos relations avec les tous puissants «Etats-Unis d’Amérique». On pourrait reprocher tout ce que l’on veut à Béji Caïd Essebsi, Premier ministre, mais on ne peut pas dire que ce n’est pas un homme d’Etat, un vrai. La dignité de l’Etat, c’est aussi lorsque l’on s’adresse aux vis-à-vis aussi puissants soient-ils d’égal à égal, et à ce niveau là, BCE a assuré que ce soit au Sommet G8 lors duquel il a volé la vedette aux plus forts, mais aussi à chaque fois qu’il s’est trouvé face à l’un des représentants des Etats les plus influents de la planète.

Lors de la rencontre organisée jeudi 9 juin par la Chambre tuniso-américaine de commerce autour du thème: «Les échanges économiques entre la Tunisie et les Etats-Unis», il a appelé les USA à changer d’attitude envers des pays comme le nôtre et à revoir la posture qu’ils ont tenue pendant les décennies passées avec notre pays au niveau des relations bilatérales. «Il est grand temps, a-t-il indiqué, pour que les Etats-Unis révisent leur administration des rapports avec leurs vis-à-vis de par le monde, qui ne sont plus des régimes coupés de leurs bases mais les représentants du peuple et l’expression de sa volonté».

Il a rappelé par la même occasion que la Tunisie a toujours supporté les USA: «D’ailleurs, nous avons figuré parmi les premiers pays qui ont reconnu leur existence et à y avoir envoyé une ambassade à la déclaration de leur indépendance».

Le Premier ministre a rassuré les entrepreneurs présents quant à la stabilité sociale, les renvoyant au discours qu’il avait prononcé un jour auparavant et dans lequel il a interpellé toutes les forces économiques et sociales à reprendre le travail et a déclaré haut et fort qu’il ne tolérerait plus de sit-in et de manifestations gratuites. «Il y va des hauts intérêts du pays, cette situation ne peut continuer».

Par ailleurs, Amel Bouchammaoui, présidente de la Chambre tuniso-américaine de commerce (TACC), a pour sa part déploré la modestie de la présence des entreprises américaines en Tunisie. «Il existe uniquement 77 entreprises US en Tunisie qui emploient 14.000 personnes. C’est trop peu. En ce qui nous concerne, nous avons mis en place un plan que nous avons appelé «From vision to action» (de la vision aux actions). Un vaste programme basé sur des visites sur terrain des deux côtés a été d’ores et déjà mis en place par la TACC».

La nouvelle direction de la TACC est décidée à engager des actions d’envergure pour consolider les échanges commerciaux entre les deux pays: «Nous voulons renforcer les investissements dans les secteurs à haute valeur ajoutée, particulièrement dans les TIC».

Adel Dahmani, directeur général de Cisco, avait d’ailleurs profité de la présence du Premier ministre pour l’interpeller à propos de la grève des agents de Tunisie Télécom qui se perpétue: «Monsieur le Premier ministre, comment voulez-vous encourager les investisseurs alors que EIT (Emirates International Telecommunications) -le partenaire émirati et actionnaire à 35% de TT, celui qui a investi plus 3 milliards de dinars dans l’opérateur historique, est mis à mal par autant de grèves et de sit-in ainsi que la compagnie nationale de téléphonie d’ailleurs? Pourquoi ne pas prendre des décisions concrètes contre les grèves à l’instar de ce qui s’est passé en Egypte». «Nous nous soucions autant des investisseurs nationaux qu’internationaux et je n’ai pas à vous rappeler que si l’investisseur émirati possède 35% de TT, nous en avons nous-mêmes 65%. Ce que je peux vous promettre est que cette histoire prendra très bientôt fin, nous y travaillons et elle sera solutionnée aussi rapidement que possible», a répliqué le PM.

Gordon Gray, ambassadeur des Etats-Unis en Tunisie, a pour sa part laissé entendre que les son pays soutient la Tunisie par tous les moyens et à tous les niveaux (politique, économique et sécuritaire). «Nous nous assurerons que les transitions démocratiques de la Tunisie et de l’Egypte seront accompagnées de la croissance économique» avait déclaré Obama à l’occasion du du Sommet du G8 à Deauville. Des Fonds substantiels seront accordés à la Tunisie dont celui de 30 millions de dollars pour développer des médias indépendants et engager la société civile dans le processus démocratique.

D’autre part, un fonds de 2 milliards de $ sera consacré aux jeunes pour leur permettre de devenir des créateurs d’emplois au lieu d’être des chercheurs d’emplois. Le programme lancé par la Fondation Education pour l’Emploi comprend entre autres le business et social entrepreneurship et concernera 800 jeunes qui suivront des formations sur deux années. Le sénateur John McCain viendra au cours du mois de juin en Tunisie accompagné d’une délégation formée des CEO des plus grandes firmes américaines dans le but d’investir en Tunisie.

La Tunisie, quant à elle, ne demande pas de charité, clame haut et fort le Premier ministre. «Tout ce que nous voulons, ce sont des investissements qui serviront au même titre les intérêts des uns et des autres; nous ne demandons pas la charité, plutôt des prêts et l’ouverture de marchés occidentaux à nos produits. D’autant plus que soutenir aujourd’hui la Tunisie, sera citée dans les annales de l’histoire. Jamais, on n’a vu une révolution réussir sans encadrement idéologique et sans leadership. Nous prouverons au monde entier qu’un pays arabo-musulman réussira sa transition démocratique».

Ainsi soit-il.