Election de la Constituante : Ce qui influencera le vote des Tunisiens

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Tout dépendra, pour beaucoup, des programmes des candidats et de leur capacité à les expliquer et à assurer l’adhésion des Tunisiens autour de ces programmes. Comme de la conduite de la campagne électorale, de la perception qui sera faite des candidats à travers les médias –mais pas seulement eux-, de l’engagement des réseaux d’influence au sein des groupes de référence (familles, amis, collectivités de travail…) et, évidemment, de l’argent qui pèsera, quelles qu’en soient les précautions prises, et quoi qu’on dise, de tout son poids.

Cherche programme désespérément. Peut-on utiliser cette formule pour expliquer que les Tunisiens n’ont pas senti beaucoup de concret dans les programmes des quelque 80 partis ou mouvements politiques qui se bousculent au portillon de la jeune démocratie tunisienne ?

La formule est-elle réductrice? Peut-être. Reste que «je ne vois pas trop clair dans cet imbroglio», nous assure un chauffeur de taxi. Qui ajoute: «Tout le monde devine le modèle de société défendu par la plupart des partis. Mais, moi, j’attends des mesures concrètes concernant les questions économiques et sociales: le chômage des jeunes, la fiscalité, le développement régional, le tourisme, le commerce, l’industrie,… Et pas seulement de grands choix de société. On ne peut généraliser, mais l’on baigne, pour l’essentiel, dans un certain flou!»

Notre chauffeur de taxi dit-il vrai? Gageons que la campagne pour l’élection des membres de la Constituante permettra de voir plus clair. Et favorisera, de ce fait, l’adhésion de l’électorat pour tel parti ou tel autre.

Tous les partis politiques ont-ils, à ce propos, des mesures concrètes pour venir à bout des différents «maux» qui rongent la société tunisienne? «Il s’agira bien, nous dit un confrère, de mesures capables d’être appliquées et de formules du genre «Il n’y a qu’à». A ce rythme là, tout le monde peut promettre la lune!»

La question mérite d’être posée lorsqu’on sait que cette exigence de toute société démocratique nécessite l’existence de compétences capables de présenter des «mesures logiques, claires et défendables».

Le fond et le forme

C’est, sans doute, le premier niveau de réflexion au stade des variables qui détermineront le vote des Tunisiens. Quoi que, comme le soulignent des spécialistes en sciences politiques, il n’est pas toujours facile de changer de convictions quelqu’un qui croit déjà en un modèle de société.

Deuxième niveau de réflexion: comment faire la pédagogie des mesures proposées? Là aussi, il est nécessaire d’avoir et des hommes et des moyens. La question de la communication se posera, de ce fait, inéluctablement. Elle devra se faire au travers de nombre de supports: meetings, débats dans les médias, tracts, affiches, tournées dans les régions.

Gageons, là aussi, que la maîtrise des outils du marketing politique sera déterminante. Un marketing politique qui devra prendre en compte le fond et la forme: le discours mais aussi les moyens de fédérer les électeurs autour de ce discours… le profil des candidats, leur entregent, leur sens de la réparti,…

A propos des médias, il serait, sans doute, faux de penser qu’il suffit d’être présent dans les colonnes de la presse, sur les ondes de la radio ou sur les écrans de la télévision et de la presse électronique pour gagner la partie. Nous savons depuis les études faites, aux Etats-Unis d’Amérique, par Elihu Katz et Paul Félix Lazarsfeld*, pendant les campagnes électorales, que l’influence exercée par les médias s’exerce à deux niveaux.

D’où leur théorie du «Two steps flow theory» (théorie des deux étages de la communication) qui dit sommairement que les médias n’exercent pas d’influence directement sur les électeurs, mais que cette influence s’opère au travers de certaines personnes influentes dans un groupe -des leaders d’opinion- qui donnent un sens aux messages des médias et déterminent la manière de les comprendre et d’agir en fonction des appréciations faites par ces derniers des contenus proposés.

L’argent, le nerf de la guerre

Ces personnes se retrouvent au sein de tous les groupes de référence de toute société: famille, amis, collègues, regroupement professionnel, association, club… De quoi s’interroger sur la réelle influence des médias dans une société –la société tunisienne- dans laquelle les liens sociaux et communautaires sont encore très forts. Nous avons pu les observer au cours de certains événements qui se sont déroulés depuis le 14 janvier 2011 dans des régions du pays.

C’est dire l’importance que peuvent avoir sur les opérations de vote des réseaux d’influence religieux, régionaux, familiaux, professionnels,… Ces réseaux existent dans tous les pays du monde, notamment celles qui sont les plus démocratiques.

Autre paramètre important, l’argent qui sera là aussi le nerf de la guerre. Et ce quoi qu’on dise et quelles que soient les précautions prises par tous ceux qui préparent et les textes et les mesures pour assurer des élections démocratiques et transparentes.

Il est inutile de préciser que les politiques savent, sur ce terrain, être inventifs. Les pratiques, notamment celles qui ne sont pas toujours orthodoxes, ont été «débusquées» par la presse dans de nombreux pays parmi toujours les plus démocratiques. Un proverbe tunisien affirme, à propos, à peu près ceci: celui qui vole prend toujours le dessus sur celui qui le surveille («Eli Isrek Yieghleb Eli Yi Hahy».

Peut-on éliminer les puissances étrangères du champ des influences possibles sur le vote des Tunisiens? Cela serait vraiment bien de la naïveté que de croire, du moins, que l’évolution de la démocratie tunisienne désintéresse les puissances étrangères. Elles ont prouvé, du reste, bien le contraire, depuis le 14 janvier 2011. Et c’est de bonne guerre disent des analystes. Du moins certains d’entre eux.