Tunisie : Le BTP subit de plein fouet le contrecoup de la non qualité

«Nous sommes des champions dans la promulgation des lois et des décrets, mais nous le sommes moins dans leur application», lance Noura Laaroussi Ben Lazreg, directrice générale de l’Agence Nationale de Maîtrise de l’Energie (ANME). Une affirmation qui peut s’appliquer à tous les domaines, bien qu’il s’agisse ici du secteur du bâtiment. Un secteur qui a longtemps été pris en otage par différentes difficultés qui ont entravé son développement.

Un débat qui a rassemblé, ce 21 avril 2011, plusieurs professionnels du secteur dans une manifestation première en son genre «les rencontres B2B Bâtimaghreb.com», ayant pour thème «le choix des matériaux de construction et l’efficacité énergétique». Organisée par Tunis Place des Marchés (TPM), cette manifestation vise la mise en relation entre les professionnels du secteur mais l’annonce du lancement d’un nouveau guide consacré aux produits du bâtiment, et édité par le portail B2B «maghrebex.com».  

Un problème de non qualité…

Le bâtiment compte actuellement 400 mille emplois directs. Son chiffre d’affaires annuel s’élève à 6 milliards de dinars. Mais la qualité dans le secteur reste encore à désirer. «La qualité n’a pas évolué. Ayant été moi-même président de la Chambre syndicale des agences de conseil et de consulting, je n’ai malheureusement pas pu changer grand-chose. Nous avons 1.500 entreprises certifiés ISO 9001. Très peu le sont dans le secteur du bâtiment. Il s’agit essentiellement des sociétés exportatrices puisque le marché étranger exige des certifications alors qu’il n’est pas le cas pour le marché local», affirme Walid Belhaj Amor, directeur général adjoint de Comete engineering. Ce qui fait qu’il y a eu toujours un retard dans la certification environnementale mais aussi dans les réglementations en matière d’économie d’énergie.

La non qualité se traduit également par un retard dans les délais de construction, des dépassements des budgets de construction, une surconsommation des ressources, des défauts de conformité, etc. En chiffres, elle se traduit par des pertes de 15% du chiffre d’affaires du secteur, soit 1 milliard de dinars par an. «D’ailleurs, dans le décret datant du 26 janvier 2011, et organisant les marchés publics, le concept de qualité n’existe pas. Le conseil national des bâtiments civils rassemblant tous les opérateurs publics et privés a été enterré depuis déjà 15 ans», précise M. Amor. Pour lui, la réhabilitation du secteur passera par une refonte des textes qui organisent les marchés publics en marquant une rupture avec la logique du moins disant. Il s’agit aussi de développer une législation spécifique en matière de construction durable, de relancer le conseil national des bâtiments civils et de consacrer un programme qualité spécifique pour le BTP.

Limiter la consommation d’énergie…

D’un autre côté, Abdelatif Hmam, directeur général du CEPEX, a précisé que la difficulté pour le secteur réside aussi dans son organisation. «Le secteur a un grand potentiel sur le marché étranger. Plusieurs corps de métiers interviennent, ce qui exige de se présenter en offrant un package complet de produits. Les marchés voisins sont très demandeurs de nos produits. Par exemple, en Algérie, malgré les barrières administratives, il y a des entreprises qui prennent le risque d’investir. Un grand potentiel existe aussi en Afrique subsaharienne même s’il y a de problèmes de paiement et de charges de transport. Mais ceci ne doit pas empêcher d’attaquer ces marchés», souligne-t-il.

Au plan énergétique, le secteur est un grand consommateur d’énergie. Il est classé troisième après l’industrie et le transport avec un taux de 27%. Si rien n’est fait, il deviendra le premier consommateur d’ici 2030, avec une consommation de 5,2 millions de tep, selon M. Laaroussi. D’ailleurs, le coût énergétique des matériaux de construction est estimé à un taux de 61% par rapport aux autres secteurs, selon Mounir Bahri, directeur général du Centre technique des matériaux de construction, de la céramique et du verre.

Une charge énorme qu’il faudra gérer au mieux. Ne serait-ce que par l’application de nouveaux procédés et techniques de maîtrise de l’énergie dans le bâtiment. Il s’agit aussi de favoriser le développement du secteur par la réorganisation de la réglementation le régissant et en encourageant les entreprises à adopter une démarche qualité environnementale.