Tunisie : Khaled Kaddour, l’homme qui a fait renaître la SITEP de ses cendres


khaled-04042011-art.jpgEn deux ans et demi, le nouveau directeur de l’Energie au ministère de
l’Industrie et des Technologies, a remis sur les rails une entreprise qui
semblait promise à une mort lente mais sûre.

Lorsqu’il arrive, en août 2008, à le tête de la Société italo-tunisienne
d’exploitation pétrolière (SITEP),
Khaled Kaddour, nouveau directeur de l’Energie au ministère de l’Industrie et
des Technologies, a un petit pincement au cœur, car il ne reconnaît plus
l’entreprise où il avait débuté sa carrière, dans les années quatre-vingt.
«L’entreprise n’investissait pas et ne recrutait plus; et bon nombre de ses
employés, dont la moyenne d’âge dépassait cinquante ans, n’avaient plus qu’une
idée en tête: le départ la retraite», se désole le PDG.

Programmée pour être dissoute en 2018, à la fin de la concession de cinquante
ans du gisement d’El Borma, le plus grand de Tunisie (plus de 700 millions de
barils de pétrole jusqu’en octobre 2009), dont l’Etat tunisien lui avait confié
l’exploitation en 1968, la SITEP n’avait plus que dix ans à vivre en août 2008.

De surcroît, le vieillissement du gisement, du personnel et des installations a
eu pour effet une chute vertigineuse de la production, passée en trente huit ans
de 84.000 à seulement 9.000 barils/jour, soit près du dixième du débit initial.

Aussitôt aux commandes, le nouveau patron plonge le nez dans les dossiers à la
recherche d’éléments de réponse à une question-clef: cette entreprise a-t-elle
encore de l’avenir? En examinant les prévisions de production jusqu’en 2018, le
PDG comprend que le cas de la société dont il a la charge n’est pas aussi
désespéré qu’on pouvait le penser à première vue et qu’elle «pouvait aller plus
loin».

Le nouveau PDG, qui n’est pas près à se résoudre à laisser mourir une entreprise
dont les infrastructures valent près de 2 milliards de dinars, comprend alors
que l’entreprise «doit se doter d’une nouvelle vision stratégique pour assurer
sa développement et, partant, sa pérennité».

Avec l’appui de son autorité de tutelle, le ministère de l’Industrie et de la
Technologie, il instruit un dossier pour demander à l’Etat tunisien de proroger
la concession afin d’amener l’autre actionnaire, l’italienne ENI, à investir de
nouveau dans la société mixte. Et, ainsi, relancer la machine.

La prolongation de 25 ans –jusqu’en 2043- de la concession d’exploitation du
gisement d’El Borma, le plus important de Tunisie, est annoncée en juin 2010, à
l’occasion de la célébration du cinquantenaire de la SITEP. Et comme un bonheur
n’arrive parfois pas seul, la découverte de deux gisements, l’un de pétrole
(produisant 1.000 barils/jour) et l’autre de gaz (500.000 m3/jour) vient
renflouer les caisses de l’entreprise et lui donner les moyens de relancer la
production et de la maintenir.

Fort du soutien des deux actionnaires, le PDG concocte un business-plan, doté
d’un budget de 350 millions de dinars, et visant à «améliorer les performances
des différents départements de la SITEP, renforcer ses capacités
d’appropriation, de développement et d’exploitation des nouvelles technologies
pour maintenir un pallier de production stable à long terme.

Priorité des priorités, la relance de l’exploration et du développement fait
rapidement sentir ses effets: en 2009, et pour la première fois depuis 1986, la
production –3,37 millions de barils, soit 12,6% de plus que les prévisions- a
dépassé celle de l’année précédente. Avec un débit de 9.500 bb/j, il demeure
l’un des plus importants gisements du pays, soit 12% de la production.

Dans l’espoir de pouvoir augmenter davantage la production, la SITEP s’est
attelée à mesurer le potentiel non encore exploité, une exploration sismique des
derniers 500 km2, restés vierges à ce jour, est entreprise -une opération qui va
coûter 15 millions de dinars et dont les résultats ne seront pas connus avant
juin 2011-, revisiter les anciens puits -«work over», dans le jargon de la
profession- et acquérir de nouveaux logiciels pour améliorer la qualité
technique du travail.

Deuxième axe fondamental du business-plan, le renouvellement des installations
de surface, dans le but d’améliorer l’efficacité. Un audit technique a estimé
les investissements nécessaires à 20 millions de dinars sur trois ans. En outre,
la SITEP va acquérir une nouvelle centrale électrique à cycle combiné, pour 150
millions de dinars, pour réduire la facture énergétique.

Soucieux d’améliorer les conditions de travail de ses employés, le président
directeur général a investi 8 millions de dinars dans la construction d’un
nouveau bloc administratif sur chantier et de chambres plus dignes de ce nom.

Les ressources humaines étant aussi importantes, sinon plus, que les machines
dans cette industrie, Khaled Kaddour lance des recrutements. «Nous engageons un
nouvel employé pour chaque deux départs à la retraite», explique le patron. La
SITEP prévoit de procéder à 20 recrutements par an, pour rajeunir son personnel.

Pour garantir une égalité des chances, la gestion du processus de recrutement a
été externalisée et confiée à une agence spécialisée. Sélectionnées sur la base
d’une série de critères objectifs –parmi lesquels la maîtrise de l’anglais-, les
nouvelles recrues suivent une formation intense en interne et à l’étranger. En
novembre prochain, 13 ingénieurs vont être envoyés en Italie. Un effort
inévitable dans une industrie consommatrice de technologies de pointe «qu’il
faut maîtriser», souligne Khaled Kaddour.