
Qu’importent les offensives des enseignants. Les litanies des proviseurs. La grogne des syndicats. La colère des parents. Les sit-in des élèves. L’inquiétude des bacheliers. Les peaux de bananes lancées par ceux qui guignent son fauteuil. Les slogans injurieux. L’atmosphère délétère dans les établissements du secondaire. La montée des périls dans les régions intérieures. La méfiance de ses anciens camarades de la Place Mohammed Ali. Il reste de marbre. Plie mais ne rompt pas. Multiplie les initiatives. Garde le sourire. Accorde des audiences à tout vent. Appelle au dialogue. Réaffirme la légitimité des grèves. Au grand dam de ses collègues du gouvernement. Des Tunisiens soucieux de l’avenir de leurs enfants.
Et n’hésite pas, in fine, à organiser un show télévisé avec des élèves triés sur le volet, insistent certaines sources syndicales. Pour débattre. Et rétablir la confiance. Le dérapage est inévitable. La polémique est à son comble. L’émotion aussi.
Plusieurs élèves, chauffés à blanc, excités par la présence des caméras et du ministre en personne, qui leur fait, à cette occasion, les yeux de Chimène, s’embourbent. Clouent au pilori leurs professeurs. S’érigent en inquisiteurs. Injurient les directeurs des lycées. Stigmatisent le personnel administratif. Pourfendent les surveillants. Distribuent les satisfécits. Bref, tout le monde y passe. Personne ne trouve grâce à leurs yeux. Tout est remis en cause. La hiérarchie. L’autorité scientifique. Le respect. La famille professorale, éberluée, crie au scandale. A la manipulation. Au complot. L’indignation est à son comble. La chienlit, pour paraphraser le Général de Gaulle, s’installe. L’addition est vraiment salée. L’édifice de l’éducation, socle du pacte républicain depuis l’indépendance, craque.
Cependant, le lendemain, à Sfax, qui a battu le pavé pendant la révolution du jasmin, ville de tout temps citoyenne et intelligente, où l’acquisition du savoir est une seconde religion, des élèves tentent de sauver les meubles. Manifestent leur solidarité avec les enseignants. Offrent des bouquets de fleurs en classe. Donnent des gages d’humilité. Sanctuarisent leurs maîtres. Décrispent l’atmosphère. Rejettent les anathèmes. Mettent les pendules à l’heure. Refusent le jeu pervers des politiques. Pendant cet intermède, Taieb Baccouche clame son innocence. Sa bonne foi. En vain. Eh oui! C’est la théorie de l’arroseur arrosé.
Pour l’ancien secrétaire général de l’UGTT, le baptême du feu dans l’arène de la real politique gouvernementale est rude. Homme de gauche retors, universitaire, jaloux de son indépendance, sûr de lui et de son parcours de militant intransigeant, le ministre de l’Education, tout en stipendiant dans ses interventions publiques, les sbires de l’ancien régime et leur mainmise sur l’appareil d’Etat pendant des décades, renâcle pourtant à balayer devant sa propre porte, repaire notoire des affidés du RCD, jamais à court d’idées!, à qui on impute d’ailleurs l’idée géniale… de réunir de jeunes collégiens dans l’enceinte de Bab El Bnet. Avec le résultat qu’on sait…
Au fait, faut-il rappeler aux intellectuels tunisiens, tentés d’occuper des places dans la tourmente révolutionnaire, qu’en politique, comme en course, les lignes droites succèdent en général aux chicanes, sauf bien sûr sortie de piste.
A bon entendeur…Salut.
 
		

