Tunisie – Cuir et Chaussures : Des craintes pour la subsistance du secteur

C’est un cri d’alarme que lance Akrem Belhaj, vice-président de la Fédération nationale du cuir et de la chaussure. Et pour cause! Le secteur sombre dans l’anarchie, et les grèves qui touchent une majorité des entreprises auront des conséquences catastrophiques si elles continuent. L’interruption de l’activité à la mi-janvier a eu un impact sur la dynamique du tissu industriel et des échanges commerciaux, mais avec la reprise qui s’est amorcée, une lueur d’espoir commençais déjà à pointer à l’horizon. Sauf que les mouvements sociaux à répétition sont en train de balayer tous les espoirs.  

Des grèves à répétition…

Le tissu industriel, qui a été assez touché par l’interruption des activités, est aujourd’hui pris en piège, par des grèves dans une majorité des usines. A peine sorti de la crise économique et financière, la reprise enregistrée dans le secteur, au 2ème semestre 2010, n’a pas persisté. Du coup, les exportations du secteur ont enregistré une baisse au niveau de la branche tiges de 16% (3 MDT) et de la branche chaussures  de 5% (2 MDT). «Nous craignons que nos donneurs d’ordre ne soient plus satisfaits de notre performance parce que nous n’avons pas pu honorer nos commandes», lance Lassaad Slama, membre de la Fédération nationale du cuir et de la chaussure.

Il faut rappeler que le secteur, qui achève, fin février 2011, sa première saison, attaquera la deuxième saison à la mi-mars 2011. On comprend alors que les professionnels du secteur soient inquiets. «C’est à cette date-là que les commandes sont renouvelées. Mais avec les difficultés que nous rencontrons maintenant, nous craignons de perdre nos marchés. Il y a un manque de visibilité énorme face à l’avenir et face à nos clients étrangers», renchérit M. Slama, qui ajoute que les concurrents de la Tunisie dans ce domaine sont nombreux tels que le Maroc et les pays de l’Europe de l’Est. Un investisseur étranger n’aura pas de problèmes à délocaliser son activité dans l’un de ces pays, si la situation se dégrade encore. Ce qui signifie des pertes de postes d’emploi énormes et un coup dur pour l’économie nationale.

Une situation critique…

La situation n’est pas moins grave sur le marché local. Les artisans ont d’énormes difficultés à subsister. Selon M. Belhaj, le marché parallèle a longtemps constitué une bête noire pour les professionnels du secteur. A l’heure actuelle, beaucoup de conteiners destinés à ce marché ont été libérés. Ce qui pose un grand problème pour les artisans qui n’ont pas la capacité de faire face à ce genre de produits, surtout dans les circonstances actuelles. Sur le plan industriel, les mouvements sociaux font sombrer le secteur dans l’incertitude, surtout que les professionnels considèrent que la centrale syndicale ne contrôle plus rien et ne fait rien pour appeler au calme, préoccupée par le jeu politique.

«Nous sommes dans un cercle vicieux. La situation est très difficile. Nous n’avons aucun vis-à-vis fiable. Nous sommes en train de détruire ce que nous avons construit durant des années. Plusieurs entreprises étrangères ont fermé et sont en train de chercher ailleurs. Nos clients étrangers sont de plus en plus hésitants par rapport à ce qui se passe. Les entreprises souffrent déjà des impayés. Si la situation persiste à ce rythme-là, la fin sera catastrophique», s’exclame M. Belhaj.

De son côté, M. Slama indique que le démarrage des négociations sociales était prévue en février. Il appelle à ce que ceci se fasse dans l’immédiat pour sortir de la situation actuelle et trouver un terrain d’entente avec les employés afin de rétablir le rythme normal du travail. D’un autre côté, les professionnels du secteur blâment le langage de certains médias alimentent encore plus cette ambiance tendue et à donner la parole au populisme sauvage.

A voir la situation du secteur du cuir et de la chaussure, comme d’ailleurs pour d’autres secteurs, on se pose des questions sur l’avenir de cette révolution tunisienne, où les intérêts personnels semblent l’emporter sur l’intérêt général du pays. La révolution pour le droit à l’emploi et à la vie digne s’est transformée en égoïsme et en revendications de toutes sortes. Ce climat d’insécurité et d’instabilité sociale ne pourra que nuire à notre pays, au moment où tous les efforts devraient être mobilisés pour préserver son intégrité.