Tunisie – Service national : Une nouvelle compréhension du devoir de réserve?

Ce n’est pas uniquement le général Rachid Ammar qui est sorti de sa réserve
devant les médias. Mardi soir, trois officiers de police (deux commissaires et
un capitaine) se sont exprimés en long et en large à la télévision, couronnant
une longue procession des agents de l’ordre de tous grades devant les caméras et
nous engageant à une interrogation fondamentale sur le devoir de réserve des
représentants du service national.

Les Tunisiens sont sortis de leurs gonds car c’est d’une révolution qu’il
s’agit, alors qui va s’émouvoir de ce que beaucoup sortent de leur devoir de
réserve?

Et puis, tout cela a un sens, n’est-ce pas? Le général Rachid Ammar est sorti de
sa réserve pour tirer la sonnette d’alarme et avertir des débordements dangereux
capables de nous mener à une vacation de pouvoir. Les trois officiers sont
sortis de leur réserve pour appeler à l’urgence du rétablissement de la
confiance entre la police et les citoyens. Les agents de l’ordre de tous grades
sont sortis de leur réserve pour crier qu’ils étaient des Tunisiens et des êtres
humains!

Comme dans toutes les révolutions, le renversement de l’ordre établi entraîne
naturellement avec lui toutes sortes de renversements de seconde ligne qui
finissent par toucher les gens d’uniforme.

Nos comparaisons vont, comme toujours, vers ”el Akri”* où la notion de
manquement à l’obligation de réserve a été consacrée en 1935 par le Conseil
d’Etat à propos d’un employé à la chefferie du Génie à Tunis qui a tenu des
propos publics jugés trop critiques envers la politique du gouvernement!
L’argument est clair… D’ailleurs, près de 60 ans plus tard, en juillet 1993,
le Conseil d’Etat affirme que ”le devoir de réserve s’impose à tout agent
public” (titulaire ou non) et pèse d’autant plus lourdement que ces agents sont
dans une fonction spécifique (magistrats, militaires, policiers, experts
sanitaires ou de l’environnement…) et dans une position hiérarchique élevée
(ambassadeurs, préfets…).

C’est encore plus clair. Mais il y a une dernière clause très intéressante. La
voici: ”inversement, un mandat syndical autorise des critiques vives”. Alors,
tous ceux qui sont sortis de leur réserve parmi les gens d’uniforme ces derniers
temps en Tunisie sont-ils la graine des mandataires syndicaux à venir?