Révolution tunisienne en Égypte, la grande répétition

 

Il est indéniable que la révolution tunisienne et surtout son aboutissement par
la fuite de Ben Ali et sa famille le 14 janvier 2011 ont servi de détonateur à
tous les mouvements observés dans plusieurs pays arabes, l’Algérie, l’Egypte, le
Yémen et la Jordanie.

La révolution spontanée du peuple tunisien pour sa dignité, pour la démocratie
et contre la corruption a certainement provoqué les consciences des peuples
arabes, les a rassurés sur la possibilité de renverser les dictatures installées
par la répression et la peur. Le dépassement du mur de la peur a certainement
été l’une des premières victoires de la rue en Tunisie, en Algérie, en Egypte,
au Yémen et en Jordanie.

Les jeunes tunisiens qui ont très rapidement trouvé les bons reflexes pour
exploiter les moyens dont ils disposaient sur les réseaux sociaux (Facebook et
Twitter), malgré la censure sur Internet, pour créer une gigantesque salle
d’opérations de gestion des informations sur les révoltes dans les différentes
régions du pays ainsi que dans la diffusion de slogans, d’appels aux
rassemblements et/ou à la communication d’alertes.
Certains parmi les jeunes les plus actifs sur les réseaux n’ont probablement pas
dormi pendant plusieurs jours ou ne dormaient que quelques petites heures.

Révolution Tunisienne-Égyptienne, même scénario

Si le déclencheur a été la révolution tunisienne, l’Egypte présentait des
similitudes, notamment, l’importance du problème du chômage, la mainmise des
pouvoirs par un nombre limité de familles avec des élections manipulés avec des
scores de plus de 90% aussi bien en Tunisie qu’en Egypte, le développement de la
corruption et de l’enrichissement illégal, alors que la pauvreté s’accentue et
la liberté restait sous contrôle, bien que l’espace des liberté d’expression
était beaucoup plus important et sans commune mesure avec la situation en
Tunisie.

En analysant la chronologie des événements en Egypte, on retrouve des
similitudes :


– des manifestations volontaires et spontanées de jeunes
– exploitation de l’Internet et des réseaux sociaux pour assurer la diffusion
des informations, pour suggérer des slogans, lancer des appels ou alertes,
– existence de la censure, et coupure des communications téléphoniques et de
l’Internet, chose que le pouvoir tunisien n’a pas osé faire. Cette décision a,
probablement, joué dans l’aggravation de la situation en poussant des
internautes dans la rue,
– reprise de slogans entendus en Tunisie: dignité, liberté, emploi – DEGAGE (Irhel)
– ou la reprise du poème de Abou El Kacem Cehbbi, la volonté de vivre (lorsque
le peuple un jour veut la vie, Force est au destin de répondre),
– les victimes qui ont été la cible de tirs de cartouches réels,
– une armée présente, tout en évitant d’intervenir ou de tirer sur les
manifestants,
– des manifestants qui fraternisent avec l’armée,
– le poids de la couverture des événements par les chaines de télés
satellitaires, Al Jazeera (plus tard Al Jazeera verra son bureau fermé), Al
Arabiya, et les chaînes internationales, avec des émissions en continu, avec des
interventions de personnalités, de correspondants sur place,
– les USA qui assurent une veille suivi de l’évolution des événements, avec des
déclarations invitants les pouvoirs de gérer calmement la situation, tout en
s’inquiétant de l’évolution de la situation,
– les soupçons d’existences de snipers et de milices manipulés par les
autorités,
– «Bikol Hazm» (avec vigueur), une autre erreur de Ben Ali et de Moubarak et qui
n’a fait que renforcer la volonté des manifestants d’aller jusqu’au bout,
– les décisions de révoquer des ministres et des conseillers dans le cas
tunisien, et de dissoudre le gouvernement dans le cas Egyptien, puis de nommer
un vice-président,…
– les rumeurs de fuite de membres de la famille du Président,
– l’apparition de bandes de casseurs, le saccages de plusieurs immeubles,
notamment, des sièges de partis ou des locaux de la police, les vols,
l’apparition de bandes organisées,
– insécurité et panique des habitants,
– l’apparition d’un vide sécuritaire et l’absence des unités de police,
– la mobilisation des habitants en groupes de protections civiles, pour se
protéger et protéger leurs biens,
– l’instauration du couvre-feu,
– La fuite de prisonniers,
– L’importance de l’impact sur l’économie, notamment sur l’activité touristique
– L’arrêt des cotations sur la Bourse Egyptienne,
– Mise sous surveillance de la note souveraine du pays,…


Aux dernières nouvelles, la situation semble évoluer, effectivement, dans le
sens des développements observés dans le cas tunisien.

Dans son dessin quotidien sur le journal tunisien La Presse, Lotfi Ben Sassi ne
croyait si bien dire en écrivant «pour une fois, un feuilleton tunisien cartonne
en Egypte», et si Libération titrait, en pleine révolte tunisienne « A qui le
tour », aujourd’hui c’est plutôt « Au suivant ».