Finance : La Poste tunisienne doit jouer la concurrence jusqu’au bout

La réactivité commerciale de la Poste est bien réelle. Et méritoire. La force de
son succès semble beaucoup tenir de l’étendue de son réseau. Et de son
basculement vers les IT. Mais quelques niches de monopole lui apportent un
appoint de dynamisme.

Il y a une foison de communications financières à l’heure actuelle. Dans ce
contexte surchargé, la
Poste tunisienne se démarque par une empreinte propre.
Elle réalise des résultats au diapason des établissements financiers. Le
résultat, +6,3% pour son PNB qui passe de 183 MDT, est assez méritoire pour
qu’on le salue. Mais il convient de faire la part des choses. Les métiers
financiers de marché de la Poste ne comportent pas de risques. Cela explique en
partie la qualité de son actif et, de façon générale, la solidité de son bilan.

D’un autre côté, son PNB est alimenté par des commissions sur des opérations
qu’elle conserve par la force de la tradition et dont elle a eu le génie de
relayer par une plateforme IT transactionnelle. Elle a rendu son marché captif
avec un taux de fidélisation remarquablement élevé. A l’évidence, la Poste a une
stratégie pour son développement à l’avenir. Il reste que l’on ne voit pas bien
ses atouts concurrentiels du futur.

Par ailleurs, certains de ses métiers restent du domaine de la chasse gardée.
Qu’en sera-t-il demain quand ils seront exposés à la concurrence

Une solide notoriété bien mise à profit

La Poste, c’est environ 1.200 points de vente. C’est presque autant que tout le
secteur bancaires, toutes enseignes réunies. Cette étendue territoriale et sa
dispersion aux quatre coins du pays confère au réseau une force de frappe
considérable. L’encours d’épargne est ainsi, sans conteste, le plus élevé du
secteur financier. Son taux de croissance est à deux chiffres. De 2.067 MDT en
2008, le voilà qui grimpe à 2.326 en 2009, ce qui représente une progression de
12,7%.

Il faut rappeler que la Poste, digne héritière de la Caisse d’Epargne Nationale
de Tunisie (CENT), qui est si chère à nos cœurs, détient un record absolu de
plus de 2,9 millions d’épargnants. La force de la conversion marchande de la
Poste a été de vite proposer à ses clients des produits des placements
patrimoniaux (SICAV) et d’avoir songé à les équiper en produits de placement-vie
et retraite (Assurance et complément de retraite). C’est du bon usage du flair
professionnel et d’un ciblage bien inspiré. Et ça s’est révélé hautement payant,
en retour.

Les choix forts : les particuliers déposants et les services IT

A côté de sa stratégie de fidélisation de la clientèle, la Poste a su prendre la
vague des services IT, et elle en perçoit à l’heure actuelle les précieux
dividendes. Avec une réactivité remarquable, l’entreprise a vu le vent tourner
et a su prendre les devants pour s’offrir une plateforme transactionnelle IT.
Les mandats et transferts électroniques, pour particuliers et depuis peu pour
entreprises, qui passent de 623.000 en 2008 à 700.000 en 2009, constituent des
affluents de commissions qui alimentent une rivière de PNB. Il faut bien se dire
que la Poste n’opère qu’avec les clients déposants et non utilisateurs. Elle est
pour ainsi dire à risque zéro. Et son compte de résultats ne fait qu’enregistrer
des commissions et des intérêts récurrents et toujours en progression.

Les niches protégées

A côté des services marchands, la Poste conserve des activités hautement
lucratives car exclusives à son enseigne. Ainsi en est-il de Rapid-poste. Faute
de benchmarking, on ne saurait évaluer son efficacité concurrentielle. Mais à
l’évidence, il sera durement exposé et rudement challengé dans la perspective de
la libéralisation des services. Pareil pour les
cartes e-dinar qui sont les
seules acceptées pour l’inscription universitaire et pour les abonnements
scolaires. Le premier volet lui procure un gisement opératoire remarquable. Ce
sont 625.000 opérations d’inscription en 2009 qui ont transité par sa
plateforme.

Quid de la productivité ?

On serait bien curieux de découvrir l’évolution du coefficient d’exploitation de
la Poste. Ce ratio qui rapporte les charges salariales à l’effectif est assez
révélateur de l’évolution de la productivité, qui est première ressource de
compétitivité. Aux guichets de la Poste, les process ne semblent pas tenir
compte de la contrainte de temps. L’information commerciale n’est pas du tout
maîtrisée et l’absence de chargés de clientèle est regrettable. La Poste
s’accommode d’un certain cocooning mais il faudrait qu’elle se mette pleinement
à l’épreuve de la concurrence pour voir si ses tarifs résistent à l’offensive
commerciale.

Elle a été un des fleurons du service public. Il faudrait qu’elle soit un des
piliers de la sphère concurrentielle.