Tunisie- La Responsabilité Sociale de l’Entreprise est-elle simplement un courant «très tendance»?

DD (Développement Durable) et RSE (Responsabilité Sociale de l’Entreprise sont
des courants «très tendance» à l’heure actuelle. Nécessité fait loi. Demain ils
devront faire partie de nos pratiques courantes, de tous les jours.

Les jeunes de l’AIESEC s’attaquent au sujet du
Développement durable. Pour le
moins, ils s’écartent de leur périmètre d’intérêt, originel. On les voyait
depuis toujours camper dans le champ d’action de l’entrepreneurship. Les voilà
qui abordent un sujet trop «grave» pour eux. Le développement durable a acquis
une dimension politique et une taille planétaire. Mais ils ont choisi un angle
de tir en cohérence avec leur credo. Ils ont exploré la voie du DD qui débouche
sur la RSE. De les voir se pencher sur ce versant noble de la croissance
économique, avec cette touche de conséquence donne du relief à leur démarche.

Leur action est à soutenir et c’est ce qu’a entrepris de faire
Webmangercenter,
lors du séminaire organisé ce mardi 20 courant dans un hôtel de la Capitale et
dont Walid Khaldi était la cheville ouvrière. De nombreuses figures
prestigieuses du monde des affaires, des institutions internationales, de la
diplomatie et de l’Université ont apporté leur soutien actif et engagé à cette
manifestation.

Un impératif salutaire, d’intérêt mondial

La mise en forme du Développement durable remonte au tout début du XXIème siècle
et c’est ce qui apportait une certaine note d’espoir à la renaissance d’une
solidarité internationale souvent défaillante. L’adhésion à la démarche DD avait
été l’aboutissement de divers sommets mondiaux dont celui de Rio. La question
avait alors mobilisé -et continue plus encore aujourd’hui- à mobiliser l’opinion
internationale. Disons qu’elle a fait consensus.

Si on devait la raconter en termes anecdotiques, on dira que l’humanité a eu
«honte» de son avidité à produire toujours plus, et qu’elle a rougi de l’état
d’insalubrité qu’elle occasionnait à la planète empêchant son écosystème de lui
régénérer sa toilette et son hygiène. Mais l’affaire a pris la tournure d’un
impératif salutaire. Nous sommes tous concernés étant touts sur la même planète
et sous le même ciel devenu menaçant. Comment dés lors mettre halte à l’égoïsme
ambiant. Oui, l’on a accepté enfin de voir la nature et l’état du legs que l’on
fera aux générations futures. C’est le Holà ! Y a pas photo, il faut mettre un
bémol. Mais l’humanité ne s’est pas figée dans la dénonciation et le
catastrophisme. L’ONU s’est emparée du problème et elle est montée au créneau.
Elle lui a conféré une portée éthique et une profondeur morale et vertueuses.
C’est en somme un index de civisme pour l’activité humaine en général. On l’aura
perçu à travers la communication de M. Mohamed Ennaceur, ancien ministre des
Affaires sociales et responsable du programme mondial pour la Tunisie.

Les Etats se sont mis de la partie

Un tournant est amorcé. Les Etats d’abord y viennent. Une agence de rating
social et environnemental est opérationnelle, à l’heure actuelle. Son Excellence
l’ambassadeur de RFA, rappelait que son pays occupait le cinquième rang mondial
pour la notation sociale, sur un groupe de 50 pays. La RFA, rappelait il
comptait 120 entreprises certifiées. Il y avait parmi elles des multi d’origine
allemande, celles-là mêmes, qui du fait de leur statut d’entreprises globales
avait ce souci d’étiquettes.

On se souvient du retour de manivelle qu’a essuyé la firme Nike, quand le marché
a découvert qu’elle employait des enfants indiens. A ce niveau de standing,
l’obligation est de montrer patte blanche. Il ne s’agit pas seulement de
paraitre. De plus en plus la question a infiltré les règles de la gouvernance et
influencé les orientations des Conseils d’administration.

C’est d’ailleurs ce qui ressort de la communication de Yves Gauthier, DG de
Tunisiana, qui résumait cette refondation reconnaissant que les entreprises ne
pouvaient plus bâtir leur identité sur la performance financière, objectif
légitime, mais configuraient leur image autour d’un travail d’image building
sous tendu par la
RSE.

D’autres entreprises de taille plus réduite ont sauté le pas, preuve que
l’affaire gagne du terrain. Et d’ailleurs le diplomate de préciser que la Firme
Leoni (composants autos) possède quatre sites en Tunisie tous certifiés. Et
l’Etat tunisien gagnait une autre corde à son arc car en plus des autres motifs
d’attractivité il a intégré dans sa législation les dispositions de RSE, de même
que le précisait Mohamed Ennaceur. Notre pays a en effet rallié le mouvement et
le programme mondial a démarré depuis l’an 2000 avec un financement d’un
organisme de coopération italien lequel depuis 2007 a été relayé par la
coopération technique allemande via la GTZ.

La trajectoire du DD vers la RSE

En réalité les implications de Développement durable impactaient directement
notre mode de produire et par conséquent les agents économiques dont les
entreprises et les collectivités. Tour à tour, Mme Monica Carco, responsable de
l’ONUDI, et Mounir Mejdoub, Expert GTZ et consultant de libre pratique avec
doigté et pédagogie s’attelleront à montrer que le DD repose sur l’intégration
de la terre, c’est-à-dire l’écologie, dans la chaîne des stakeholders, ces
parties prenantes.

La terre aussi a droit à sa part de dividende autant que les actionnaires. Mais
a contrario, de la logique financière elle ne veut rien recevoir de la chaîne de
valeur, dominée essentiellement par l’entreprise. Elle aspire à ce qu’on la
sollicite moins ménageant son stock de ressources qui doit profiter aux
générations futures. Ils utiliseront deux schémas similaires pour montrer que la
convergence des trois sphères qui composent l’univers de la production de
valeur, se fait à ce point focal de la responsabilité sociétale de l’entreprise.
Ils donneront toute sa portée à la formule de Mohamed Ennaceur qui disait que
l’entreprise qui était introvertie sur ses problèmes intra muros devait déborder
sa seule enceinte et s’insérer à ce vaste cadre environnemental.

Mounir Mejdoub insistera sur ce changement sémantique de passage de la
responsabilité sociale, qui concernait uniquement les partenaires sociaux, vers
la responsabilité sociétale de l’entreprise dès lors qu’elle prend en compte
l’intérêt de la planète et des groupes sociaux. Et l’exemple de la coopération
multiforme de l’ONUDI, est édifiant à ce sujet qui procure certains de ses
concours à des composantes de la société civile.

Ce sont ces groupes qui participent à créer cette pression, évoquée par M.
Mohamd Ennaceur qui monte autour de l’entreprise et qui l’interpelle pour aller
vers la RSE. On peut y aller de diverses façons. En restant sur le terrain des
RH et c’est ce qui a animé l’esprit du projet de réforme MOB initié par
Tunisiana et magistralement exposé par Wassim Brahmi, son animateur au sein de
la compagnie de téléphonie. On peut le faire en produisant propre ou économe,
comme l’a exposé avec moult détails et une grande persuasion Mme Carco en
listant les projets de bâtiments écologiques, une des variantes du programme
ONUDI, en chantier actuellement en Tunisie. Mais l’affaire n’est pas laissée à
la libre improvisation. Une norme 26000 est en cours d’élaboration à l’échelle
mondiale de même que le rappellera, avec beaucoup d’expertise et de métier le
représentant de l’INNORPI, organisme certificateur du standard ISO 14 000 pour
l’environnement et de l’écolabel.

Qu’en est-il sur terrain ? L’image brouillée de la RSE

Jouheina Ghrib, maître de conférences à l’ESCAE, est allée au fond du problème
puisqu’elle a exploré le terrain à l’occasion d’une enquête auprès d’un
échantillon de 300 entreprise environ dont une majorité de PME familiale, souche
dominante dans les tissus économiques, de tous les pays du monde… Il y a 38
entreprises tunisiennes qui pratiquent la RSE, soit. Toutes sont privées. Mais
quid du corps des PME ? Tout repose sur le chef d’entreprise. Principal
animateur, capitalisant le maximum de charisme, c’est lui qui tient l’issue de
la partie. Ce sont ses valeurs qui priment. S’il est favorable à la RSE,
l’entreprise basculera sinon il ne se passera rien quand bien mêmes ses
collaborateurs en seront convaincus.

L’autre élément intéressant de l’enquête est cette confusion entre les
dimensions sociale et environnementale de la RSE. Et ce brouillage se rencontre
dans plusieurs pays y compris en France et dans une moindre mesure au Canada.
Mais de même que le rappelait Mounir Mejdoub, faute de solidarité intra
générationnelle, la RSE peut-elle avancer ? Si la société actuelle, à l’échelle
mondiale, tourne encore le dos au principe de la répartition équitable des
richesses, comment espérer voir les PME basculer vers la formalisation des
dispositions de la RSE en y délégant les ressources matérielles et financières.
Cet accès de scepticisme, sans amertume mais fait de raison, doit nous amener à
une plus grande mobilisation.

Un choix gagnant-gagnant

Si on devait faire le bilan du DD après ces dix premières années d’existence, on
dirait sans doute peut mieux faire, surtout après l’échec du sommet de
Copenhague. Les pays partagent la conviction de s’engager mais ne veulent pas
qu’on les contraigne. M. Mohamed Ennaceur avait bien rappelé que le trait
distinctif de la RSE est qu’elle est une démarche volontaire, spontanée. C’est
un acte civilisé. Les entreprises redoutent son côté coercitif et ne veulent pas
qu’on légifère pour les obliger juridiquement.

Cependant, l’attrait principal du séminaire de l’AIESEC est d’avoir démontré que
la RSE fait gagner l’entreprise et valorise mieux la ressource humaine. C’est un
contrat gagnant-gagnant. Telle cette entreprise du public qui, à la suite du
succès de son plan ‘efficacité énergétique’ a partagé les ressources ainsi
gagnées avec les membres de son personnel.

Vivement que la pression monte. Les acquis sociaux deviennent conquêtes
sociétales. C’est une réalité. Faites vite, on veut toucher !