Dette, crise financière : le risque du scénario “à la japonaise” en Occident

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ère française “La Crise”, à Droizy, dans l’Aisne (Photo : Rory Mulholland)

[11/07/2010 11:47:11] TOKYO (AFP) L’Occident endetté et en crise financière latente pourrait connaître une croissance molle pendant longtemps, comme le Japon des années 90, affirment des économistes, bien que la comparaison ait ses limites.

Problèmes budgétaires en Europe et craintes sur la vigueur de la reprise aux Etats-Unis, le rebond des pays développés après la récession de 2008-2009 est sujet à caution.

“Taux d’endettement vertigineux, lourdes pressions déflationnistes et crise bancaire larvée: le scénario +à la japonaise+ se précise”, ont prévenu l’économiste Frédéric Bonnevay et le banquier Philippe Bruneau dans un article au quotidien français La Tribune.

L’éclatement d’une bulle financière et immobilière au Japon, étendu sur plusieurs années du début de la décennie 1990, avait plongé la deuxième puissance économique du monde dans la déflation, à cause d’une capacité de production des entreprises supérieure à la demande.

Le pays avait subi de 1997 à 2006 ce mouvement négatif de baisse des prix et des salaires qui avait grippé la machine économique. La croissance n’avait guère dépassé 1% en moyenne entre 1992 et 2002, une période parfois surnommée de façon controversée “la décennie perdue” du Japon.

“Si une politique ambitieuse n’est pas lancée pour réduire les déficits et doper les investissements, l’Occident goûtera à son tour l’expérience japonaise”, souligne Gary Hufbauer, expert à l’Institut d’économie internationale Peterson, basé à Washington.

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à Osaka, au Japon, le 18 mars 2009 (Photo : Richard A. Brooks)

Les Etats-Unis et surtout les pays européens ont promis de réduire leurs déficits et leurs dettes publiques, qui ont explosé ces deux dernières années lorsqu’ils ont volé au secours des banques accablées de créances insolvables.

Selon M. Hufbauer, seuls des investissements massifs du secteur privé pourraient contrebalancer l’effet négatif de l’austérité budgétaire pour la croissance. Pour les encourager, il suggère de réduire les taxes sur les entreprises.

Mais quoi qu’il arrive, “ces pays devront payer le prix” de leurs dépenses généreuses au plus fort de la tempête financière, prévient Ivan Tselichtchev, professeur à l’Université de gestion de Niigata (centre du Japon).

Il juge que les Etats-Unis comme l’Europe sont dans une situation comparable à celle du Japon lors de la seconde moitié des années 90: “les uns et les autres ont subi un choc retentissant – l’éclatement de la bulle au Japon et la faillite de Lehman Brothers en Occident”.

A Tokyo il y a quinze ans, comme à Washington, Londres ou Paris dernièrement, les gouvernements ont réagi en creusant leurs déficits, bien que cette politique fut étalée sur plus d’une décennie au Japon mais concentrée en quelques mois en Occident.

“Dans l’archipel toutefois, la crise touchait surtout les banques, plombées de créances douteuses”, relève M. Tselichtchev. “Alors que pour les Etats-Unis et les pays européens, il s’agit d’une crise structurelle de l’ensemble du système financier, où régulateurs, institutions diverses et banques ont failli”.

Au Japon, ajoute-t-il, la faible croissance fut provoquée par la consommation atone de ménages prudents, alors qu’aux Etats-Unis c’est la surconsommation de ménages prêts à s’endetter qui a en partie déclenché les turbulences.

“Le problème principal du Japon des deux dernières décennies est d’avoir conservé des institutions héritées de sa forte croissance des années 60 et 70” mais inadaptées à la situation d’après-bulle, estime pour sa part Kei Otsuka, économiste à l’Institut national des études politiques de Tokyo.

Cette dimension insulaire des problèmes nippons incite à rester prudent sur la portée de l’analogie.