Retraite complémentaire : l’Etat condamné à indemniser des fonctionnaires

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ère de l’Economie et des Finances en juillet 2009 (Photo : Loic Venance)

[18/06/2010 18:00:47] PARIS (AFP) L’Etat français a été condamné en appel à indemniser 1.300 à 2.000 fonctionnaires victimes d’une caisse de retraite complémentaire insuffisamment provisionnée, ce qui pourrait ouvrir la voie à plusieurs centaines de milliers de plaintes, selon des sources judiciaires.

L’affaire tournait autour du Cref, alors le principal complément de retraite facultatif des fonctionnaires. Créé en 1949, le Cref était un régime unique en son genre car il était le seul à combiner les techniques de répartition (60%) et de capitalisation (40%).

Confronté à l’allongement de la durée de vie et une nouvelle réglementation européenne, le promoteur du Cref, la Mutuelle retraite de la Fonction publique (MRFP), a dû en 2000 provisionner intégralement le déficit de son régime.

Afin de constituer ces réserves, à hauteur de 1,5 milliard d’euros, la mutuelle s’est vue contrainte de baisser les rentes de ses sociétaires d’environ 16%”, a expliqué à l’AFP Gaël Dechelette, l’un des avocats des 6.000 adhérents au Comité d’intervention et de défense des sociétaires (CIDS).

Les sociétaires ont été informés trop tard, selon Me Nicolas Lecoq-Vallon, l’autre avocat du CIDS, pour la procédure devant les juridictions administratives.

Le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales de 1999, dénonçant le provisionnement insuffisant, “n’a pas été porté à la connaissance” des sociétaires. “Il aurait dû être diligenté plus tôt, dès le début des années 1990”, a-t-il déclaré.

Selon les deux avocats, le grand nombre de plaignants rend difficile à évaluer la décision de justice de la cour administrative d’appel, Gaël Dechelette parlant de 1.300 plaintes jugées et Nicolas Lecoq-Vallon de 2.000.

Plus largement, les 450.000 fonctionnaires qui avaient souscrit au Cref sont concernés, et peuvent espérer bénéficier d’un “accord global avec l’Etat. Tous peuvent faire un recours”, a-t-il estimé.

L’estimation du dédommagement que les victimes peuvent espérer est également difficile, l’un des deux avocats parlant d’une moyenne proche de 17.000 euros et l’autre plutôt de 8.000 euros.

“Chaque cas est différent. La fourchette va de 1.000 à 30.000 euros, en fonction de la durée de cotisation. Citer un chiffre moyen, en globalisant, est le meilleur moyen pour les victimes d’être déboutées par le tribunal”, a expliqué Gaël Dechelette.

“Ce n’est pas encore une class-action à l’américaine, car il faut que chacun justifie son préjudice personnel, mais on peut parler d’action collective”, une expression qui n’existe pas en droit français, car les plaignants se sont groupés en très grand nombre au sein d’une même association”, a-t-il ajouté.

Côté défense, Philipe Lecat, l’avocat de la MRFP, rappelle que les sociétaires avaient bénéficié aussi de cotisations relativement modestes.

On parle d’un préjudice total de “1,6 milliard d’euros, mais ce n’est pas vrai. Simplement, les cotisations provisionnaient les retraites à 65%, taux porté à 100% ensuite avec l’Etat”, a-t-il déclaré à l’AFP.

Au civil, quelques 5.000 fonctionnaires qui dénonçaient “un scandale de l’épargne” dans “ce dossier ultra-médiatisé”, avaient été déboutés le 8 avril par le tribunal de grande instance de Paris, a-t-il rappelé.

Le tribunal de grande instance avait estimé qu'”il ne peut être fait grief aux assemblées générales de la MRFP, confrontées à des problèmes juridiques et financiers”, d’avoir défini de nouvelles modalités afin “d’assurer la sauvegarde des droits de l’ensemble des adhérents”. Les plaignants ont fait appel.