Le sort d’Anne Lauvergeon suspendu à la refonte de la filière nucléaire

photo_1268292836359-1-1.jpg
ésidente du groupe Areva, le 4 mars 2010 à Paris (Photo : Joel Saget)

[11/03/2010 07:38:47] PARIS (AFP) Objet de rumeurs incessantes, le sort d’Anne Lauvergeon à la tête du géant nucléaire public Areva semble désormais lié au projet de refonte de la filière nucléaire française, voulu par Nicolas Sarkozy pour accroître les chances hexagonales à l’exportation.

Plus une semaine ne s’écoule sans qu’Anne Lauvergeon ne soit donnée partante dans la presse de la présidence du groupe qu’elle dirige depuis plus de 10 ans.

Systématiquement, l’Elysée dément et assure qu’aucune décision n’a été prise à ce jour. “D’abord, on va réorganiser la filière nucléaire et après, peut-être, se posera la question” de la présidence d’Areva, précise une source proche de l’Elysée.

Le sort d’Anne Lauvergeon dépendrait donc des résultats de la mission confiée par le président de la République à l’ancien patron d’EDF, François Roussely, sur la réorganisation de l’équipe de France du nucléaire.

Objectif de l’exercice: mieux répartir les rôles entre les différents acteurs de l’atome civil (Areva, EDF, GDF Suez…) afin de décrocher un maximum de contrats à l’étranger.

En décembre, la France a en effet laissé échapper un appel d’offres de 20 milliards de dollars aux Emirats Arabes Unis, ces derniers ayant préféré acheter des réacteurs sud-coréens.

François Roussely auditionne actuellement les experts du secteur et devrait rendre un rapport à Nicolas Sarkozy courant avril.

“C’est un problème éminemment stratégique qui va bien au-delà de la personnalité de Mme Lauvergeon”, remarque un connaisseur du dossier sous couvert d’anonymat.

Le scénario d’un démantèlement d’Areva a un temps été évoqué, mais ne semble plus à l’ordre du jour, selon plusieurs sources.

photo_1268293073309-1-1.jpg
à droite), Gérard Mestrallet, patron de GDF Suez, Anne Lauvergeon, présidente d’Areva et Henri Proglio, à la tête d’EDF, le 8 mars 2010 à Paris (Photo : Martin Bureau)

Areva réunit depuis 2001 tous les métiers du nucléaire civil, de la mine d’uranium au retraitement des déchets nucléaires en passant par la construction de réacteurs.

“Un démantèlement serait une erreur”, estime Ladislas Poniatowski, président (UMP) du groupe d’études sur l’énergie au Sénat.

Mettre une partie d’Areva sous la coupe d’un autre acteur, comme EDF, risquerait en effet de détourner les concurrents d’EDF de l’industrie nucléaire française.

Les efforts devraient donc principalement porter sur une amélioration de la coordination à l’export.

“Si la France veut mettre toutes les chances de son côté dans un marché nucléaire très compétitif, il faut pouvoir présenter un interlocuteur unique qui coordonne l’ensemble des intervenants”, estime Bruno Tertrais, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique.

Le ministre de l’Energie Jean-Louis Borloo a estimé dimanche qu’un “chef de file” devait être désigné, qui ne soit pas forcément le même selon le client concerné.

Le patron d’EDF, Henri Proglio, avait lui suggéré que l’électricien soit “le coordinateur des efforts de la filière France dans le domaine nucléaire”.

Mais pour Bruno Tertrais, la négociation commerciale “doit être pilotée par une seule personne au plus haut niveau de l’Etat”, à l’Elysée ou à Matignon.

C’est dans le cadre de la mise en place de ce nouveau pilotage qu’Anne Lauvergeon pourrait être remerciée, d’autant que ses relations difficiles avec Henri Proglio et Nicolas Sarkozy sont de notoriété publique.

Car pour le reste, son bilan à la tête d’Areva est salué à la quasi unanimité par les parlementaires qui suivent le secteur.

“Elle a peut-être quelquefois manqué de souplesse”, tempère toutefois le sénateur (PS) Daniel Raoul.

Le Vert Yves Cochet fait partie des rares critiques. Mais il ne souhaite pas pour autant la voir partir: “Que ça soit elle ou une autre, la stratégie sera la même: exporter le nucléaire”.