Icesave : les Islandais prêts à défier le monde extérieur

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ème banque islandaise, Landsbanki, le 8 octobre 2008 à Reykjavik (Photo : Olivier Morin)

[03/03/2010 15:43:15] REYKJAVIK (AFP) Ruinés mais fiers, les Islandais s’apprêtent à rejeter massivement l’accord financier Icesave lors d’un référendum prévu samedi, un défi au monde extérieur qu’ils assument mais qui risque de plonger encore plus leur île dans une débâcle économique et diplomatique.

Pour le premier référendum depuis l’indépendance du pays en 1944, le non caracole en tête des derniers sondages avec près des trois quarts des intentions de vote, malgré les mesures de représailles encourues par l’Islande.

“On veut la justice, simplement. Nous sommes prêts à payer, mais à certaines conditions. Si vous ne les voulez pas, tant pis pour vous: envoyez vos navires de guerre!”

La boutade bravache est d’Olafur Eliasson, fondateur du mouvement Indefence, un groupe d’intellectuels initiateur d’une pétition de près de 60.000 signatures, qui a convaincu début janvier le président islandais de convoquer un référendum sur Icesave, malgré le feu vert du parlement à cet accord.

Pour ce pianiste improvisé économiste, devenu la figure de proue des opposants au texte, les 3,9 milliards d’euros à rembourser à Londres et La Haye pour indemniser leurs épargnants lésés par la faillite de la banque en ligne islandaise sont indus.

“C’est comme si je cassais votre appareil photo, puis que vous m’en réclamiez cinq fois le prix et le droit de saisir ma maison si je ne paie pas”, dit-il.

A l’échelle des 317.000 Islandais, la somme représente 100 euros par mois et par habitant pendant les huit années que doit durer le remboursement, soit l’équivalent du quart d’un salaire pour une famille de quatre membres.

Les Islandais trouvent aussi l’occasion de régler de vieux comptes avec les Britanniques, même si seuls les plus âgés se souviennent encore de la guerre de la morue des années 1970, lorsque les garde-côtes coupaient les filets des chalutiers britanniques au large de l’île.

Au moment de l’effondrement de la finance islandaise en octobre 2008, c’est l’attitude du gouvernement britannique et la saisie des actifs de la banque Landsbanki grâce à une législation anti-terroriste, qui ont beaucoup irrité les Islandais.

S’il soulage beaucoup d’habitants capables d’exprimer leur ras-le-bol de la crise, des banquiers aux affaires troubles et de l’interminable feuilleton Icesave, le non est toutefois loin d’être sans risques, selon les experts, même si l’incertitude prime.

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à Reykjavik (Photo : Halldor Kolbeins)

“On ne peut que spéculer”, concède Eirikur Bergmann, directeur du centre d’études européennes de l’université de Bifrost. “Il y a le mauvais scénario, où l’Islande se retrouvera isolée, ne touchera plus ses prêts et ne pourra pas assumer ses obligations”, dit-il.

“Mais il y a aussi une possibilité que l’Union européenne réalise que la pression britannique et néerlandaise est excessive et que les pays nordiques débloquent leurs fonds”, ajoute-t-il.

Pour Thorolfur Matthiasson, économiste à l’université d’Islande, “en cas de non, le prêt du FMI serait suspendu, toute la reprise sera ralentie et il faudra entre une et trois années de plus à l’Islande pour revenir sur les rails”.

Dégradation de la note de la dette islandaise, blocage de la candidature d’adhésion à l’UE et à l’euro, déstabilisation du gouvernement… d’autres menaces planent.

Le gouvernement islandais souligne qu’il espère toujours un accord de dernière minute avec Londres et La Haye, en dépit de l’échec de négociations menées depuis janvier pour éviter un référendum. Un éventuel report du vote est également sur la table.

En attendant, de l’aveu même du ministre des Finances Steingrimur Sigfusson, le gouvernement s’abstiendra de faire campagne et “ce sera aux Islandais de se prononcer”.