Le tourisme médical se porte bien

Le tourisme médical dans le monde fait l’objet de toutes les
convoitises. Pas moins de 20 pays émergeants s’y adonnent d’ores et déjà : le
Maroc, l’Inde, la Jordanie, le Liban, la Thaïlande, le Mexique, le Brésil …

tourismemedical1.jpgLa
carte géographique du monde est en phase d’être redessinée, selon les
spécialités chirurgicales et les domaines d’intervention : chirurgie
plastique, des yeux et dentaire en Tunisie, traitement des maladies de peau
en Turquie, transplantation d’organes, notamment rénale et greffe du foie en
Thaïlande, chirurgie des paupières au Panama , fécondation in vitro en
Espagne …..

La concurrence commence à faire rage entres des destinations qui
investissent en infrastructures, réglementations et communication. Toutes
réclament une part d’un gâteau très juteux. Les professionnels de la santé
et du tourisme, ainsi que toutes les études stratégiques s’accordent à
estimer le potentiel de ce nouveau créneau comme « énorme ».

Le phénomène est nouveau. Il semble séduire de plus en plus. Internet l’y
aide beaucoup. Partir pour un week end détente, safari-scalpel ou plage-luxe
et implants mammaires commence à rentrer dans les habitudes des
consommateurs. Ils sont de fait, submergés par des offres de plus en plus
détaillées et largement expliquées. Elles se veulent aussi rassurantes, avec
notamment un contact via vidéo-caméra et interrogatoire médical via skype et
autres technologies modernes.

Le Tour operateur encadre de très prêt le » client-futur patient ». Le
médecin traitant est identifié, certains patients en arrivent même à
demander le curriculum vitae des médecins. Un album photo lui est souvent
envoyé pour lever ses doutes. Un devis très détaillé est ensuite établi. Le
paiement de la facture se fait une fois l’intervention réalisée. La relation
de confiance se travail au quotidien. Il s’agit surtout de soulever les
craintes et les appréhensions. Les futurs patients en arrivent à appeler,
avant l’arrivée, l’hôtesse d’accompagnement par son prénom et trouvent dans
ce choix, la réponse à leur besoin de discrétion.

Une destination reconnue et conseillée dans la chirurgie esthétique

Le site web du tour opérateur tunisien Cosmetica Travel présente une
revue de presse impressionnante. Des revues prestigieuses et des émissions
de chaînes de télévision internationales sont présentées sur sa page
d’accueil. L’effet psychologique semble efficace. Ils rassurent. On lit,
dans son livre d’or, notamment : « Un grand bonjour et d’énormes bisous à
Sawssen, Sami, Nadia et toute l’équipe de Cosmetica. Le Dr D…l m’a fait 1
lipoaspiration de 3 zones et plus ainsi que abdominoplastie, et je dois dire
que j’en suis très satisfaite bien que l’opération ne date que de 15 jours.
Je suis entièrement satisfaite de la prie en charge de la douleur, qui me
faisait très peur, car étant moi même infirmière….mais au contraire, le
personnel de la clinique, le Dr, son assistant…son adorable, toujours
souriant et a disposition. Pour le personnel de l’hôtel, c’est pareil,
parfait. Le service, les repas… Une seule envie, y retourner revoir tous
le monde, mais en vacance cette fois! Alors n’hésitez pas, vous ne serez pas
déçu.

Bien que la destination Tunisie ne fasse pas forcément rêver en termes
touristiques, elle se bâtit une image de destinations conseillée et reconnue
dans le domaine de la chirurgie esthétique. L’accroche du site met l’accent
sur les compétences et insiste sur son association avec une clinique privée
qui regroupe « l’élite des chirurgiens Tunisiens «

Jusqu’en 2004, deux agences seulement proposaient des forfaits combinant
chirurgie esthétique et séjours dans les hôtels de luxe. Aujourd’hui, on
compte plus d’une dizaine d’agences liées par des conventions avec des
cliniques offrant tous genres de soins. Sur le net, on décompte près d’une
trentaine d’agence de service qui commence à polluer le secteur. (Voir
interview, Mr Amor Dehissy, gérant Estetika tours).Ce que certains
professionnels appellent « les intrus » sont à l’origine de certains ratages
médiatisés et de la baisse de prix injustifiée. La mentalité du bradage
risque sérieusement de s’étendre sur ce nouveau créneau.

Dans le monde, un large segment de clientèle est en train de passer du
statut de touriste à celui de « touriste-patient » ou au « touriste –malade
», ou encore« touriste-patient occasionnel ». Dans certains cabinets
médicaux des stations balnéaires tunisiennes, on enregistre une hausse
certaine de consultations médicales par les étrangers. « Ils sont de plus en
plus nombreux à consulter. Ils viennent même pour prendre un avis, se faire
un second diagnostic ou demandent des analyses. Je le vis au quotidien »,
déclare le Dr N.A, médecin opérant sur Hammamet.

L’éventualité de se faire soigner à l’étranger ou de profiter des coûts
moindres, est devenue omniprésente dans les esprits de ces touristes d’un
nouveau genre. Il faut dire que les offres sont aussi « très alléchantes ».
Les futurs patients » mondialisés », arrivent à économiser de 30 à 70% du
montant de leur facture toutes destinations émergeantes confondues. Selon le
« The Economist » qui cite une étude, « un américain peut économiser jusqu’à
85% sur ses frais médicaux en se faisant soigner à l’étranger ».

Face à cette demande, certains pays Européens commencent à se livrer une
bataille féroce. Le marché est à prendre, des revenus considérables sont à
encaisser et des emplois nombreux et de qualité sont à créer. A titre
d’exemple, un article du « Figaro magazine » mentionne qu’en 2006, la FEB –
le patronat belge – publie un livre blanc sur ce sujet. Le royaume reçoit
déjà 35 000 étrangers par an dans ses hôpitaux, une majorité venant des
Pays-Bas ou de Grande-Bretagne, où les listes d’attente sont longues. Le
discours de la FEB est limpide : le «potentiel» est de 100 000 patients par
an. Pour cela, il faut passer «de la demande spontanée au marketing actif»
En Allemagne, plusieurs Länder ont lancé une politique tout aussi
volontariste.

L’Afrique du Sud en appelle aux compétences tunisiennes

« Le tourisme médical (aussi appelé tourisme de santé, tourisme
hospitalier) « est une nouvelle tendance mondiale, en pleine croissance qui
a initialement débuté en Amérique du Sud avec des agences et tours
opérateurs exclusivement spécialisés dans ce secteur. Le but du tourisme
médical est pour les malades de se faire soigner à moindre coût dans un pays
autre que celui dans lequel il réside ou de faire soigner à l’étranger ce
qui ne pourrait être traité chez eux » affirme t-on sur Wikipedia,
n’empêche, les chiffres du volume de ce tourisme, restent encore difficiles
à évaluer. On estime à 12 millions le nombre de patients européens qui se
sont rendus à l’étranger pour effectuer des soins. 16 millions serait le
nombre d’américains « demandeurs de soins à l’étranger ». A titre indicatif,
l’organisation Mondiale du Tourisme (OMT) estime qu’entre 100 000 à 150 000
étrangers se font soigner en Inde tous les ans. La Thaïlande, aurait reçu
plus de 600 000 patients étrangers en 2006. Selon une carte du monde.

Selon « L’expresso », en 2007, le tourisme médical en Asie a rapporté
plus de 1milliard d’euros. En 2012, ce chiffre devrait atteindre les 3
milliards. L’Afrique du sud aurait rapporté entre 20 et 30 millions d’euros
à cette destination en 2003. Il est à retenir que ce pays a eu recours à des
compétences tunisiennes pour faire face à l’accroissement de la demande.

Devant l’engouement pour cette tendance, certaines études précisent que
»Pourtant, ce phénomène n’en est peut-être qu’à ses débuts et ses contours
réels sont flous. Il est particulièrement difficile à quantifier car, sur ce
sujet, les estimations confondant les objectifs annoncés par les promoteurs
avec les réalités et les analyses abstraites sont beaucoup plus nombreuses
que les enquêtes de terrain et les statistiques fiables ». Dans différents
rapports, on note: « Peut-être à cause des développements rapides de ce
domaine, l’essentiel de la littérature qui y est consacrée est spéculative,
polarisée entre ceux qui argumentent sur les bénéfices de la libéralisation
et ceux qui argumentent contre ». Un autre souligne : « Ce type d’activité
est si nouveau qu’il n’a pas été mesuré jusque-là ; le résultat de cette
situation est une large ignorance de l’ampleur réelle des flux mondiaux
d’exportation de services de santé mais aussi des enjeux de ce type
d’exportation pour les Pays en voie de développement. »

Les communiqués et déclarations, d’ailleurs, fusent de tous les côtés.
Certaines destinations annoncent une augmentation annuelle de 10% tous les
ans, depuis 4 ans. Une autre annonce, qu’au delà du million et demi
d’étrangers se sont fait soigner sur son territoire. Pour le moment le champ
est libre à toutes les spéculations.

Ce qui semble par contre, indiscutable c’est le taux d’insatisfaction des
européens de leur santé. Les chiffres sont édifiants. Selon l’Agence
Française de Développement (AFD), il atteint 80% en Grèce, 50 % en Espagne
,48 % en Allemagne, 21 % en Belgique et en France.

Il résulte en fait, de l’augmentation du coût de la santé, de sa lenteur
et du déficit des caisses d’assurance maladie. Le déficit des lits
médicalisés et des lits pour les personnes âgées sont un horizon, où tout
est possible pour les pays proches et bien entendu ceux moins proches.

1000 Britannique soignés en Tunisie en 2007

D’autre part, on note que les disparités d’infrastructures sanitaires
poussent par exemple le Britannique National Health Service (NHS) à choisir
une liste de pays habilités à prodiguer des soins à ses ressortissants. La
Tunisie en fait partie, au même titre que la France, la Suisse, la Turquie,
L’Inde, L’Egypte…En tout, plus de 20 destinations sont associées dans un
projet baptisé « Opération Abraod ». Certains y voient une opportunité à
saisir, alors que d’autres relativisent son impact, d’autant que le
concepteur du projet est décédé et que le NHS a finalement refusé la prise
en charge de malades à l’étranger. La Tunisie déclare avoir traité plus de
1000 patients britanniques l’année écoulée.

Aujourd’hui, l’enjeu est de taille. Il est urgent de prendre une place de
choix dans cette équation. La Tunisie l’a compris, autant que d’autres
destinations concurrentes et complémentaires.

Elle s’attèle à y faire face et s’en donne les moyens, par, notamment, la
mise en place d’une batterie de mesures à la hauteur de sa politique
ambitieuse.(voir article la Tunisie prépare son plan d’attaque)

La Tunisie est d’ores et déjà considérée comme une destination médicale
par les agences émettrices européennes, les tours opérateurs et les
multiples intervenants. Une certaine gêne entoure encore tout le circuit.
Les destinations autant que les structures, fonctionnent sur la réputation
ou la notoriété, mais pas encore suffisamment sur la stratégie. Cliniques,
médecins, assurances commencent à structurer la demande.

Au-delà des destinations, le tourisme médical méditerranéen fait face au
géant asiatique. L’urgence est peut être à une réflexion commune et à une
concertation d’ensemble. Les enjeux sont d’avenir et le tourisme reste un
des secteurs les plus productifs du monde. La Méditerranée représente
actuellement la principale destination touristique au monde avec plus de 232
millions de visiteurs par an. Les visites dans cette région, représentent
30% de la totalité du marché mondial et sont en augmentation d’environ 17
millions de touristes par an. Le géant asiatique prend des parts de marché
importantes. Il s’engage très fortement, dans la bataille du tourisme
médical.

Un partenaire de choix

Selon les statistiques, 18.8 % des européens sont âgés de plus de 65 ans,
soit 64 millions pour qui, la qualité d’une vie plus douce et chaleureuse,
quand elle est médicalisée, est un nouvel eldorado.

L’Union européenne, selon un récent communiqué tiré du « Livre vert sur
les changements démographiques », révèle que d’ici 2030, environ deux
personnes actives (âgées de 15 à 65 ans) devront s’occuper d’une personne
inactive (65 ans et plus).Au cours des quatre prochaines années, le nombre
des personnes âgées entre 55 et 64 ans vivant en Europe dépassera celui des
15-24 ans. Le nombre de personnes de plus de 60 ans, augmentera d’environ
40% d’ici 2030.

Toutes les études s’accordent à dire que d’ici 2050, l’espérance de vie
aura encore gagné en Europe entre 5 et 6 ans en moyenne. Désormais, il ne
s’agit plus de vieillissement de la population mais bel et bien du «
vieillissement en bonne santé ». Il » constitue une priorité au niveau du
ministère de l’Union européenne », a déclaré Ursula Haubner, ministre
autrichienne des Générations et des Affaires sociales, qui est l’actuelle
présidente des deux Conseils de Ministres de l’UE respectifs.

Les experts prévoient que le monde comptera 2 milliards de personnes
âgées de plus de 60 ans d’ici 2050-contre 600millions actuellement. Le
caractère inéluctable de l’évolution démographique influera sur le marché
dans plusieurs secteurs, notamment ceux, de l’immobilier et des soins de
santé.

Pour l’heure, L’Europe réfléchit à la constitution de pôles européens de
santé qui permettraient aux patients de mieux tirer partie des domaines de
spécialités médicales propres à chaque pays. La réalité a pris de cours le
législatif et les mesures politiques sont à l’étude.

La Tunisie est largement à la portée de ce potentiel demandeur. Forte de
son entrée dans la zone du libre –échange avec l’Europe au début de cette
année, la Tunisie se positionne en partenaire de choix. Un large programme
est établi pour faire du pays un pôle de qualité et d’avenir en termes
d’exportation de services de santé ;

Selon une étude élaborée en 2005 par l’Agence française de développement,
il ressort que « Si l’avantage de coût considérable dont dispose la Tunisie
vis-à-vis de l’Europe ne se traduit pas par une croissance de la demande du
nord, c’est qu’il existe des barrières puissantes à ces échanges et
notamment le niveau élevé de prise en charge collective des traitements
médicaux et l’absence de « portabilité » de l’assurance maladie. »

Gageons, que toutes les mesures seront prises pour gérer ces enjeux. Des
compétences reconnues, un savoir faire confirmé et des tarifs de 30 à 50%
inférieurs à ceux des pays industrialisés dans les pays émergeants font
pression et pèseront de plus en plus lourd dans l’équation.

Une chose est sûre, le tourisme médical est en bonne santé. Il a
assurément de beaux jours devant lui.

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