Toi prêter, moi fâché. Moi te contrôler, pour me prêter, toi fâché…Allons-nous tous couler ?

J’ai passé le week-end avec la crise. J’ai pris de la récession au petit déjeuner, de la déflation au déjeuner. Au dîner j’ai savouré le FMI et couché avec les fonds souverains. Quelqu’un peut-il enfin m’expliquer de quoi il s’agit ? Je suis tellement peu douée en économie, trop de choses m’échappent, que je suis obligée de prendre les choses à leur base et ne pas me risquer à paraître ridicule en posant des questions idiotes. Le comble pour une chroniqueuse, et cela m’arme contre vos réactions en mitraillette.

Alors, pouvez-vous me contredire, si je vous dis que lorsque l’on fait appel à des prêts pour renflouer les caisses et les économies, l’argent doit bien venir de quelque part. Il est prêté par qui cet argent ?

Si ma mémoire est bonne, lorsqu’on emprunte, on est en quelque sorte l’obligé du prêteur. Si l’argent est une fois encore virtuel, allons nous soigner le mal par le mal ? J’aimerais enfin pouvoir comprendre à qui va être confié le sort de l’humanité ?

Au cours de mes ballades cauchemardesques dans les entrailles de la finance mondiale et de son économie, les fonds souverains reviennent en boucle. Ces fonds seraient les solutions éventuelles à tous les douloureux maux du moment. Déjà, en temps normal, on ne prêtait qu’aux riches. Je vous laisse imaginer que si on en vient à ne plus prêter qu’aux méga riches, nous sommes loin de sortir de l’auberge, excusez moi, de la crise !

Pour comprendre les fonds souverains, il faut faire un flash back avant la crise financière pour se hasarder à imaginer ce qu’ils vont devenir après elle, et nous avec ! Jusqu’à il n’y a pas si longtemps, on considérait les fonds souverains comme des instruments dangereux pour les économies.

Il fallait les prendre en doses homéopathiques et inventer mille et un stratagèmes pour les empêcher de contrôler les secteurs stratégiques, de certaines entreprises des pays développés en difficultés, à travers des participations au capital d’entreprises occidentales voire de leur prise de contrôle.

A titre indicatif, les fonds de Dubaï et du Qatar rachètent en partie la Bourse de Londres. Un investissement de fonds chinois et de Singapour intervient dans le capital de la banque Barclays. Les exemples sont multiples. Ils provoquent un véritable tollé dans le monde des affaires et des stratégies des Etats.

Contre l’immensité de l’argent des énergies (gaz et pétrole), ou des taux de change avantageux, une batterie de mesures appelant à plus d’informations et réclamant de la transparence sur leurs objectifs conduisaient la prise de mesures protectionnistes, ce qui n’empêchait aucunement de leur faire soit du pied, soit de grosses opérations de charme de temps à autre.

Devant l’insistance générale et répondant à ces multiples besoins d’éclaircissements, les fonds souverains affirmaient vouloir passer du rôle de prêteurs, à celui de propriétaires.

Alors que la lutte pour que la richesse et le contrôle du monde menacent de passer à l’as, excusez moi, aux pays puissants des fonds souverains, la crise financière vient exacerber la situation mettant en avant des enjeux encore plus colossaux et vitaux que jamais.

Sauf que de l’avis des spécialistes, ces fonds n’ont pas été créés pour faire face à une crise, mais au contraire pour gérer des excédents de liquidités dont les Etats ne savaient que faire. Aujourd’hui, la crise financière met tout le monde dans le même embarras. Tout porte à croire que ces fonds ont d’autres préoccupations actuellement dans leurs propres pays que de se précipiter pour l’achat de valeurs occidentales à prix cassés.

Pour ne citer que le cas du Koweït en ce moment, ou l’Etat via le KIA «Kuwait Investment Authority» (organisme gérant les fonds souverains du pays) va injecter 12 milliards de $ sur la Bourse locale. Alors qu’on les refusait, il n’y a pas si longtemps, le fait qu’ils ne se précipitent pas sur les marchés financiers occidentaux pose problème. L’alternative de fonds souverain de l’UE, fait cruellement défaut. Et pour cause: pas de revenus du pétrole!

Aujourd’hui, ils seraient une quarantaine de fonds souverains listés, alors que d’autres estiment qu’ils ne sont à peine qu’une trentaine et qu’il est assez difficile de connaître leur nombre exact dans le monde, du fait que certains fonds, au moyen de la définition utilisée, sont considérés par certains comme un fonds souverain et par d’autres, comme une simple entreprise possédée par l’Etat ou bien un fonds de pension public.

Selon une étude de Morgan Stanley, datée du 6 novembre 2008, l’encours géré des fonds souverains s’élèverait à 2.300 milliards de dollars environ, contre 3.000 milliards en début d’année. Soit une perte de 700 milliards de dollars durant la crise financière.

La banque américaine estime que les actifs des fonds d’Etats devraient s’élever à près de 9.700 milliards de dollars en 2015, révisant ainsi à la baisse sa dernière estimation de 11.900 milliards de dollars.

Cette baisse d’encours est en partie due à la récente baisse du pétrole qui passe en dessous des 50 dollars, de la diminution qui se confirme des exportations des pays émergents entraînant une réduction des réserves de change de ces pays.

La situation actuelle veut que les fonds souverains réduisent leurs investissements dans les sociétés étrangères et se concentrent sur les investissements nationaux et régionaux, en privilégiant les compagnies locales. «Charité bien ordonnée commence par soi-même», les fonds souverains commencent à balayer devant leurs portes, chez leurs voisins et dans leurs régions.

Dubaï regarde très goulûment les fonds d’Abu Dhabi. La Russie semble en mauvaise position. La Bourse y a été fermée à plusieurs reprises. Les Chinois demandent le remboursement de certaines créances au Reserve Primary Fund, un fonds du marché monétaire américain, demandant le remboursement de ses créances avant la fermeture de ce fonds.

Je ne saurais dire si au terme de mon weekend studieux, je suis plus tranquillisée ou au contraire absolument affolée. Je retiens une chose, l’argent est la nouvelle «arme chirurgicale» des temps modernes. Qui le détient, qui le détiendra et pour combien de temps?.