Hédi Djilani : il n’y a pas de place pour un leadership défaitiste dans le secteur privé

« Les choses sont difficiles, elles le sont pour tout le monde. Il ne faut
pas que nous généralisions les problèmes se rapportant au secteur de
l’exportation à tout le pays. Nous sommes à nos débuts pour ce qui est des
activités exportatrices, nos entreprises sont encore au stade de la
sous-traitance, nous sommes encore liés dans nos activités de production à la
technologie étrangère » a déclaré Hédi Djilani, président de l’UTICA lors du
Conseil national de l’UTICA qui a eu lieu récemment.

Répondant aux doléances des présidents des chambres régionales à propos des
conséquences de la crise économique sur les activités dans leurs régions, le
patron du patronat les a appelés à ne pas tomber dans une espèce de facilité qui
tend à considérer la crise comme étant insurmontable. Les hommes d’affaires
tunisiens ne doivent pas adopter la posture de ceux qui doivent tout juste
ramasser les pots cassés et rester en position d’attente. Ils doivent tout au
contraire être les maîtres du jeu et réagir rapidement pour surmonter la crise,
a t-il déclaré.

« En tant qu’hommes d’affaires, il ne faut pas que nous ayons de réflexes de
défaitistes ou que nous ayons peur, parce que c’est dans les situations de crise
que notre pays a le plus besoin de nous, la passivité et la résignation sont à
bannir » a tonné M.Djilani. Il a rappelé que le gouvernement et à sa tête le
Président de la République a toujours soutenu le secteur privé, et que le devoir
de ce dernier envers le pays doit s’exprimer dans l’adversité et non en période
de vaches grasses. « Notre pays doit pouvoir compter sur nous. Si le secteur
privé se contente uniquement de tirer profit des lois et des facilités et
encouragement accordés par le gouvernement et au premier écueil, il tire son
épingle du jeu, je considère que ce n’est plus un secteur privé mais c’est un
secteur opportuniste et profiteur. Et dans ce cas, nous jouerons le jeu de ceux
qui n’arrêtent pas de mener des guerres contre le libéralisme économique »,
a-t-il précisé en ajoutant « Ne donnons pas la chance aux courants
réactionnaires, qui n’ont jamais apprécié notre ouverture économique et nos
choix libéraux, de se délecter de notre passivité. Ces gens ne savent pas que si
ce n’est cette ouverture, on serait aujourd’hui à un taux de chômage de plus de
40 % sur tout le territoire national ». L’Union de l’Industrie et du Commerce,
refuse de jouer le jeu des défaitistes et s’emploiera à s’investir autant qu’il
faut pour lutter contre les méfaits de la crise sur l’économie du pays. « Nous
n’avons pas besoins de leaders défaitistes, a clamé M.Djilani, nous ferons tout
pour les éliminer et si ce n’est pas nous, ce sont ceux mêmes qui les ont élu
qui le feront. Il faut se méfier de ceux qui abandonnent la partie trop vite ».
Le seul moyen de sortir indemnes de la crise et de la vaincre est d’être
solidaires assure le patron de l’UTICA. « Il y a moyen d’en sortir vainqueurs.
Grâce à la mobilisation de toutes nos forces et nos moyens en tant que secteur
privé mais aussi en nous unissant avec les autres partenaires sociaux et à leur
tête l’UGTT » a-il- réclamé. Les responsables de l’UGTT saisissent certainement,
a expliqué M.Djilani, les difficultés que traversent actuellement certaines
activités du secteur privé, il a appelé à ce propos à ce que leurs approches des
négociations sociales soient plus souples. L’UTICA n’a rien contre
l’augmentation des salaires parce que si elle n’est pas réalisée, elle se
traduit dans une baisse du pouvoir d’achat ce qui se répercute automatiquement
sur l’économie. Il faut donc renforcer le pouvoir d’achat pour dynamiser
l’économie. En contrepartie, le secteur privé appelle à plus d’efficacité dans
le travail accompli et plus de productivité. « Il faudrait que l’employé
s’implique plus dans l’intérêt de son entreprise, il ne faudrait pas qu’il
assiste en spectateur aux difficultés vécues par le chef d’entreprises. Parce
que de la survie de son entreprise dépend la sienne».

Si tout le monde arrive à s’entendre sur le principe de s’unir pour lutter
contre les conséquences néfastes d’une crise qui n’est certainement pas la faute
des économies émergentes qui n’en sont pas les acteurs, il y a beaucoup de
chance assure M.Djilani « pour que nous en sortions vainqueurs ».

Un pacte de paix pour 2009

Le Président de l’UTICA a appelé l’UGTT à un pacte de paix au moins pour l’année
2009 pour, ensemble, pouvoir venir à bout d’une crise jamais vécue par le pays
depuis son indépendance. « La raison est évidente, explique t-il, nos
partenaires économiques classiques vivent eux-mêmes une grande inquiétude parce
qu’ils n’arrivent pas à ce jour à déterminer l’ampleur des dégâts ». On prévoit
même que le taux de croissance de l’Europe ne dépasse pas le 0%. Ce taux de
croissance inexistant permettra certainement à des pays comme le notre de vivre
dignement sans excès mais sans trop de privations non plus. « Nous avons les
moyens de préserver nos acquis à condition que nous ne menions pas de guerres
entre nous par des grèves, des boycotts ou des mobilisations contre le travail
au sein des entreprises ». Pour le président de la centrale patronale, la seule
guerre qui doit être menée est celle pour venir à bout de la crise en se donnant
les moyens et la disponibilité nécessaires pour y réussir. Il faudrait également
rassurer l’investisseur étranger et les partenaires économiques traditionnels de
la Tunisie qui dans la situation actuelle d’incertitudes et d’inconstances ont
besoins d’être réconfortés et confiants par rapport à leurs investissements et
leurs partenariats. Sans oublier la concurrence acharnée de la part des pays de
l’Europe de l’Est, de l’Inde et de la Chine qui sont en train d’envahir les
marchés européens avec des prix invraisemblables. « Il est temps pour nous, a
scandé M.Djilani, de nous imposer sur les marchés européens, de découvrir de
nouvelles niches et de faire preuve de plus d’agressivité commerciale ». Il a
appelé à ce propos le secteur privé à mettre en place des stratégies marketing
efficaces et ciblées pour améliorer l’image de marque des produits tunisiens et
conquérir de nouvelles parts de marché. « Même si pour l’année prochaine on
arrive juste à équilibrer les comptes des entreprises, le plus important et de
pouvoir survivre à la crise et d’en sortir indemnes » a-t-il indiqué.

Le président de l’UTICA a également appelé à préserver l’emploi parce la
sécurité économique dépend également de la sécurité de l’emploi. Il a insisté
sur le devoir de l’UTICA envers la Tunisie dans le renforcement du tissu
économique et la création de nouveaux postes d’emploi dans la mesure du
possible. Il a également condamné certaines pratiques liées au commerce
parallèle, et à la vente de produits qui inondent les marchés surtout durant le
mois du Ramadan. « Cette permissivité et ces pratiques ont donné une image
affreuse de la capitale et du pays. Il n’est plus concevable de tolérer cette
situation ». Hédi Djilani a précisé que cet état de chose est la conséquence
d’appels lancés par des personnes inconscientes qui, en prétendant vouloir
protéger le pouvoir d’achat, ont porté une grave atteinte aux intérêts
économiques du pays. Il a appelé le ministère du Commerce à mettre fin à cette
permissivité parce qu’a-t-il expliqué : « il n’est pas logique de lutter contre
l’inflation en Tunisie aux dépends des entreprises qui peuvent même être menées
à la faillite à cause de la baisse de certains prix de produits qui n’en
couvrent même pas les prix de revient ». Ce n’est pas la meilleure méthode de
lutter contre l’inflation a précisé M.Djilani car entre temps, des entreprises
ferment leurs portes, des employés se retrouvent à la rue et des banques se
retrouvent avec des tonnes d’impayés.

Nous y reviendrons