Faut-t-il parler du harcèlement sexuel ?


Par Mohamed BOUAMOUD

harcelement230.jpg

En
dehors d’un éventuel fait divers qui aurait assez fait parler de lui, les
médias sont-ils invités à traiter du harcèlement sexuel ?… On ne se serait
pas posé une telle question si l’un de nos interlocuteurs, un chef
d’entreprise auquel on s’est adressé pour avis ne nous avait pas demandé
ceci : «Et pourquoi donc Webmanagercenter s’intéresse tout d’un coup à cette
histoire ?». Il est clair que le harcèlement est longtemps resté dans notre
pays un sujet tabou, une honte autour de laquelle on ne devrait jamais
tourner ni y faire la moindre allusion. C’est que la question meurtrit les
femmes et gêne énormément les hommes. Jamais Tunisienne –sauf cas extrême–
n’oserait déclarer être, ou avoir été, l’objet d’un harcèlement sur le lieu
de son travail.

 

De même que jamais Tunisien n’oserait se prévaloir d’avoir harcelé une
collègue au bureau. Mais ce silence –de la part des femmes– a presque failli
donner l’impression que la Tunisie est et a toujours été à l’abri d’un tel
phénomène de société (ou de bureau qu’il faudrait dire ?). Or, ce serait
contradictoire en quelque sorte.

 

Car la Tunisie est indiscutablement un pays évolué et moderne. Comment donc
faire croire que les Tunisiens ont hérité les bonnes manières et les
qualités des peuples modernes (les Européens et les Occidentaux) et rejeté
en bloc tous leurs défauts ?… Ce serait mesquin. D’autant plus que le mal
(sous toutes ses formes) n’est pas le propre de telle ou telle nation, mais
une généralité qui n’a épargné aucune société. Et quitte à choquer tout le
monde, on va avancer ici une quasi-certitude : il y a dans chaque homme un
harceleur potentiel. Sauf !… Sauf qu’il est des hommes dont les freins
sont très solides, mais très usés et presque inexistants chez d’autres. Ce
que nous qualifions ici prosaïquement d’usure de freins, le Pr. Samuel
Lepastier l’explique scientifiquement en brossant le portrait du harceleur
que vous lirez avec intérêt dans ce dossier. Loin de nous, ici, l’idée de
jouer aux moralisateurs et aux champions de l’éthique, mais on voudrait
attirer l’attention sur un élément très important à nos yeux et qui semble
échapper à beaucoup. Dans le combat inlassable que mène le harceleur pour
obtenir des faveurs que nul ni rien ne l’y autorise (et même pas sa
victime), il y a un aveu par trop avilissant pour lui-même et pour les
hommes en général, celui de dire indirectement à une femme : «Sans toi, je
mourrais».

 

Que cela soit dit en passant, mais il ne nous semble pas futile de rapporter
ceci. Dans la foulée de notre recherche d’un chef d’entreprise ayant eu à
gérer un possible cas de harcèlement dans son administration, nous sommes
tombés sur un P.d.g. qui, après avoir ri, nous a dit : «Faites le tour des
bureaux et revenez me dire comment une tentative d’un harcèlement pourrait
avoir lieu chez moi». En fait, nous n’avons rien compris au début. Mais en
faisant le tour de son administration, grande était notre surprise de
constater ceci : toutes les portes des bureaux sont en verre, et pas une
n’était fermée. De sorte que tout un chacun (même les visiteurs) peut voir
tout un chacun à tout moment. Même lui, le premier responsable, garde
ouverte sa porte en verre. Sans commentaire…

 

En tout cas, sujet tabou ou pas, une loi est arrivée il y a un peu plus
d’une année pour sanctionner le délit du harcèlement. Et c’est probablement
le combat des Femmes Démocrates qui a contribué à sa promulgation. Car –sauf
possible erreur de notre part– la seule Association qui ait mené un tel
combat dans le pays n’est autre que l’ATFD. (Nous avons adressé par deux
fois un fax à l’UNFT pour éléments de réponse sur la question : pas de
réponse). Au mois de décembre 2003, l’ATFD a organisé une campagne nationale
contre le harcèlement sexuel, et particulièrement sur les lieux de travail.
Dans cette campagne, l’Association a réussi au moins sur deux fronts : faire
entendre sa requête par toutes les instances du pays (et les médias avec à
la suite d’une conférence de presse), et surtout briser le mur du silence en
invitant certaines victimes à raconter par le menu détail les mésaventures
auxquelles elles ont été exposées.

 

Pourquoi Webmanagercenter s’intéresse tout d’un coup au harcèlement sexuel ?
Parce que le phénomène existe. Parce que la loi existe. Parce que cela fait
partie du devoir du journaliste. Parce que le harcèlement est un coup dur
porté à la dignité de la femme. Surtout, parce que la femme harcelée peut un
jour être votre sœur, votre fiancée, votre femme, votre cousine, votre
voisine, sinon votre mère…

 

 

Lire aussi :

 



Portrait du harceleur : «Le harcèlement est une affaire de pouvoir et non de
libido»



Harcèlement : Témoignage de victime



Harcèlement : Témoignage d’un chef d’entreprise



Harcèlement sexuel au sein de l’entreprise: de l’obstacle de la preuve au
risque de la diffamation



Harcèlement : Il est temps de prendre le taureau par les cornes !