Néjib Ayed, un intello dans le 7ème art


Par Mohamed BOUAMOUD

nayed390.jpgOn le verrait bien là où il aurait dû être : les mains enfouies dans les
poches du pantalon, circulant entre les rangées d’une classe, et explicitant
à ses élèves un poème de Rimbaud ou de Verlaine. L’homme, avec ses cheveux
ébouriffés et plus sel que poivre, ses lunettes qui trahissent la fatigue de
plusieurs heures de lecture par jour, sa manie de placer le mot qu’il faut à
la place qu’il faut, et son autre manie de respecter scrupuleusement la
concordance des temps qui lui donne l’air de disserter verbalement, est le
profil type du professeur de littérature. Eh bien, non. Il est le plus clair
du temps derrière son bureau à griller cigarette sur cigarette, à réécrire
des textes, à réajuster les scènes, à peaufiner les dialogues, et à revoir
inlassablement une brouettée de projets en instance dans ses tiroirs.
Combien étrange que l’on puisse faire des études dans telle direction pour
ensuite bifurquer sur telle autre.

 

Néjib Ayed, né en 1953 à Ksar Helal, a fait plutôt une maîtrise en lettres
françaises. Et tout, effectivement, semblait le prédisposer à la carrière de
professeur, sinon à celle d’un homme de lettres. Mais très jeune, il va
fréquenter les ciné-clubs qu’il finit par en être le secrétaire général puis
le président de la Fédération. Cela l’occupera jusqu’à 1979. Entre temps, de
1975 à 1977, il assure la critique cinématographique au journal Le Temps. En
parallèle, de 77 à 79, il suit une formation en développement culturel à
l’Institut de formation des animateurs culturels sous l’égide de l’UNESCO.
Et jusqu’à 1980, il assurera à la fois la rubrique Culture à l’Hebdomadaire
Réalités et l’animateur des Festivals internationaux de Carthage, Hammamet
et Tabarka.

 

L’entrée de plain-pied dans le cinéma commence en cette année 1980 où il se
voit confier la direction de la SATPEC en tant que chargé des productions
puis de la promotion internationale des films tunisiens dont il contribuera
lui-même à la production, que ce soit à titre de producteur délégué ou
producteur exécutif. Et pendant une bonne dizaine d’années, il produira un
bon nombre de films et de courts-métrages pour maints réalisateurs. Tant et
si bien qu’il est devenu fin scénariste et connaisseur subtil de l’art
cinématographique.

 

Ainsi, décide-t-il en 1999 de créer sa propre entreprise qu’il baptisera
Rives Productions. Au rythme d’un film, d’un ou de deux courts-métrages, et
d’un feuilleton par an, sa petite Société, dont il détient à hauteur de 75 %
du capital, sans jamais être tombée dans la dèche, ne roule pas non plus sur
l’or. C’est que, ayant refusé dès le départ de composer avec les spots
publicitaires, Néjib Ayed répugne également à produire juste pour produire.
Très passionné de cinéma, perfectionniste et adorateur maniaque de la beauté
(du mot, du geste, du mouvement, du sujet et jusque des interprètes qui le
jouent), il est considéré comme un producteur-artiste beaucoup plus qu’un
producteur exécutif ou autre. Le cinéma est son plaisir personnel, et tant
pis si, comme cette année 2007, ce plaisir n’a pas dégagé un seul petit
dinar à sa Société. Car c’est ça : la passion est une tout autre nourriture.