Le pétrole devrait rester cher malgré son récent recul et les manifestations

 
 
[05/06/2008 21:01:05] LONDRES (AFP)

photo_1212677853813-1-1.jpg
étrole dans le Dakota du Nord, aux Etats-Unis, en mai 2007 (Photo : Karen Bleier)

Les prix de l’or noir, qui ont lâché plus de 10 dollars ces deux dernières semaines, pourraient reculer encore un peu, notamment si le dollar remonte, mais les consommateurs qui protestent partout dans le monde devront s’habituer à un pétrole cher, et pour longtemps, jugent les experts.

En trois semaines, les prix du pétrole ont amorcé un mouvement notable de repli: ils ont lâché jusqu’à 13 dollars par rapport à leur acmé de la mi-mai, à plus de 135 dollars: le début de la fin du pétrole cher ?

Quelques indices laissent à penser que les prix du pétrole pourraient continuer leur décrue.

D’abord, le raffermissement du dollar est un scénario favorable. Fait exceptionnel, Ben Bernanke, le président de la Fed a exprimé à deux reprises ses inquiétudes sur l’inflation, ce qui a amené les marchés à faire une croix sur la possibilité d’une nouvelle baisse des taux américains. Le dollar devrait s’en trouver renforcé, au détriment des cours de l’or noir.

Surtout, la demande donne des signes d’essoufflement, ce qui pourrait continuer à peser sur les prix. Pour les consommateurs, le pétrole à 130 dollars semble en effet représenter un seuil d’intolérance, comme le montre la vague mondiale de protestations contre les carburants chers.

Toujours mobilisés, les pêcheurs, les agriculteurs et les routiers français ont été rejoints la semaine dernière par les routiers britanniques et les pêcheurs italiens et portugais, jeudi par les taxis espagnols. En Asie, après des protestations en Indonésie, des grèves paralysaient plusieurs Etats indiens, au lendemain de l’annonce d’une hausse des carburants.

“La destruction de la demande n’a pas été visible à 80 dollars le baril ni à 100 dollars, mais elle l’est à présent”, explique Olivier Jakob, du cabinet Petromatrix.

Peut-on pour autant imaginer un reflux des prix sous les 100 dollars ? Rien de moins sûr, répondent à l’unisson les experts.

Le rapport offre-demande est parti pour rester très serré : alors que l’offre plafonne, la consommation progresse sans frein en Chine et au Moyen-Orient, les deux principaux foyers de la croissance mondiale de la demande.

La production à l’avenir reposera sur l’exploitation de gisements en eaux profondes ou de pétroles lourds, qui exigeront d’énormes investissements, a observé par ailleurs Leonid Fedoun, vice président de Loukoïl, le deuxième producteur pétrolier russe, jugeant que les prix ne devraient pas retomber de sitôt.

Autre argument en faveur de prix durablement élevés : les fonds d’investissement, qu’on soupçonne d’avoir fait flamber les prix, ont été nombreux à prendre le large la semaine dernière, sans que les prix s’écroulent pour autant.

“Nous avons relevé de beaucoup notre estimation pour les prix du brut, car la résistance de prix, même au retrait des fonds spéculatifs, est de plus en plus manifeste”, notait ainsi l’analyste Helen Henton, dans une note publiée mardi par la banque Standard Chartered. Elle table sur un baril autour de 114 dollars en 2008, 120 dollars en 2009.

Les consommateurs ont beau protester, l’ère du pétrole bon marché semble donc bel et bien révolue.

Quant à compter sur le secours des gouvernements, comme le réclament les manifestants, c’est un pari hasardeux, sauf pour quelques secteurs directement menacés.

En Europe, la proposition de Nicolas Sarkozy de plafonner la TVA sur les carburants a été rejetée lundi par les ministres des Finances de la zone euro. La réintroduction des subventions sur les carburants dans les pays asiatiques semble, elle aussi, peu probable: même à 100 dollars le baril, ces subventions représentent un fardeau écrasant pour les budgets publics.

 05/06/2008 21:01:05 – Â© 2008 AFP