Foot, gaz, mode : le grand appétit des investisseurs russes en Allemagne

 
 
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Un acrobate devant un tee-shirt géant du club allemand Schalke 04, propriété du géant de l’énergie russe Gazprom (Photo : Patrik Stollarz)

[05/05/2008 07:26:21] BERLIN (AFP) Quel point commun en Allemagne entre un club de foot, un chantier naval, un gazoduc et un défilé de mode ? Derrière chacun peut se cacher l’un de ces milliardaires russes toujours plus nombreux à investir dans le pays, mais pas toujours bien accueillis.

Dernier exemple en date: Alexeï Mordachov, patron du géant de l’acier Severstal.

Le 7 mai, il sera la vedette de l’assemblée générale du groupe de tourisme et fret maritime TUI, dont il a grignoté des actions jusqu’à détenir un peu plus de 10%. Avant sans doute de passer la barre des 20%, a-t-il annoncé.

Mais le meilleur emblème des ambitions russes en Allemagne est le géant Gazprom, à la recherche de débouchés pour les capitaux amassés grâce à la flambée du prix des hydrocarbures.

Il s’est payé une vitrine de choix: le groupe fait depuis 2006 porter ses couleurs au club de football Schalke 04, qui évolue dans l’élite allemande.

Plus discrètement, Gazprom place ses pions dans le secteur énergétique. Il s’est associé avec le chimiste allemand BASF au sein du groupe de distribution de gaz Wingas, et va construire une centrale en Allemagne, en partenariat cette fois avec l’allemand EON.

Le groupe russe est aussi l’un des maîtres d’oeuvre d’un projet de gazoduc géant sous la Baltique, pour lequel il a embauché l’ancien chancelier allemand Gerhard Schröder.

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Alexei Mordashov, le 27 avril 2006 (Photo : Dmitry Azarov)

Les hommes d’affaires russes s’intéressent aussi aux chiffons: Rustam Aksenenko détient plus d’un quart du capital du groupe de couture Escada.

L’oligarque Oleg Deripaska s’est de son côté offert près de 10% du numéro un allemand du BTP, Hochtief, tandis que la compagnie aérienne Air Berlin se félicite de l’entrée à son capital du milliardaire Leonard Blavatnik.

Sans oublier la part de 5% détenue dans le groupe aéronautique européen EADS par des capitaux russes.

Fin 2007, les participations des 14 plus gros investisseurs russes dans des entreprises allemandes pesaient plus de 5 milliards d’euros, a calculé le journal Die Welt.

“Les Russes investissent dans les domaines les plus variés”, indique à l’AFP Reiner Perau, spécialiste des pays de l’Est auprès de la Fédération allemande des chambres de commerce et d’industrie. Une seule constante: “La recherche de la rentabilité”.

Plusieurs facteurs expliquent l’attrait de l’Allemagne pour les fortunes russes: une valorisation faible des entreprises, une prestigieuse réputation de pays “champion du monde des exportations”, et une assez bonne connaissance réciproque des langues.

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Le projet de gazoduc sous la Baltique entre la Russie et l’Allemagne (Photo : Berlin)

Sans compter “un aspect sentimental. Cela peut paraître paradoxal au vu de l’Histoire, mais les Russes ont une bonne image de l’Allemagne, peut-être en souvenir des romans qu’ils lisaient à l’école, décrivant les séjours des aristocrates russes dans les stations thermales allemandes”.

“Au fond, (les romanciers) Tolstoï et Tourgueniev ont été les premiers promoteurs de l’investissement en Allemagne!”, plaisante l’expert.

Mais l’arrivée des investisseurs russes en Allemagne n’est pas toujours accueillie avec humour.

Illustration en 2006, lorsque le groupe russe Sistema fait part de son intérêt pour le géant des télécommunications Deutsche Telekom.

La levée de boucliers est immédiate. “Pas question”, assure le gouvernement de Berlin, tandis que filtrent dans la presse des informations selon lesquelles les services secrets allemands jugent cet investisseur “dangereux”.

La montée en puissance des capitaux russes n’est certainement pas étrangère aux efforts déployés par le gouvernement allemand pour se protéger des fonds d’investissement aux mains d’Etats étrangers.

Le 25 mars dernier, c’est un “fonds souverain russe” qui est devenu propriétaire de deux chantiers navals sur la côte allemande de la Baltique, mis en vente par le norvégien Aker Yards.

 05/05/2008 07:26:21 – © 2008 AFP