Tous journalistes ?


Par Amel Djait Belkaid

Internet est incontestablement un outil indispensable aux journalistes. A
l’époque pour écrire un papier, on courrait dans tous les sens, tapait à
bien des portes, quémandant des statistiques et priant pour des infos.

 

Aujourd’hui au bout d’un simple clic, un flot d’informations diffusées sur
le web noie l’internaute autant que le rédacteur on line-journaliste
des temps modernes. Ecrit-on différemment pour ce nouveau média ?
Assurément. En ligne, on écrit concis, riche en liens, somme toute assez
découpé. Des délais hyper courts, pour une info qui circule à plus de 200
kms à l’heure. C’est du journalisme pour l’audiovisuel sauf qu’il reste
écrit. Allez comprendre quelque chose à tout cela, il y a de quoi revenir
aux bancs de l’université !

 

A peine un papier est-il achevé, qu’il est balancé sur le web en quelques
minutes. L’offre journalistique est certes abondante, mais remet-elle en
cause pour autant, le fameux principe de la borne kilométrique ?

 

Le lecteur aussi change. Il change même très vite et réagit au quart de
tour. Les réactions sont nombreuses, argumentées, pertinentes et plus ou
moins agréables en fonction des sujets. Les messages, remarques, réactions
et droits de réponse fusent de tous les côtés.

 

Webmanagercenter n’y consacre-t-il pas un espace exclusif qui finit par
être un espace d’expressions et de libertés ? Cet espace permet de sonder
les centres intérêts, saisir les sujets qui fâchent et font gronder, quitte
à laisser éclater les colères et les passions.

 

Le net, c’est aussi des blogs et des réseaux sociaux de plus en plus
nombreux et organisés. Dans ce monde en ligne, on consomme de moins en moins
de sites et de plus en plus de billets libres sur les sujets qui nous
branchent. Référencements dans les moteurs, alertes personnalisées auprès
d’une communauté de lecteurs, comparateurs d’offres…

 

Aujourd’hui, le message a sa propre vie sur le net. On ne sait plus où il
atterrit et qui le lit par extension. Avec ces nouveaux espaces de
communication, ne finit-on pas par être tous un peu journalistes ?

 

En Corée du Sud, le concept Tous journalistes a été assimilé depuis
2000. “Tout citoyen est un journaliste: ce n’est plus un slogan, c’est une
réalité”. Oh Yeon-ho, traduisez «Oh my news» existe sur le net,
il peut accueillir jusqu’à deux millions de personnes qui lisent des
articles écrits par les “cyber-reporters” les jours de grosse actualité. Le
site diffuse jusqu’à 200 articles par jour et 80 employés travaillent à
vérifier et relire les articles de cinquante milliers de journalistes
amateurs qui y collaborent.

 

Le concept du “journalisme à la portée de tous” est exportable à
travers le monde, assure M. Oh. Les cyber-reporters “viennent de toutes les
couches de la société: des écoliers, des femmes au foyer, des policiers, des
romanciers, des docteurs et même des politiciens «se félicite-t-il.
D’ailleurs, plus de 5000 personnes collaborent pour le site à l’étranger,
dont 3000 au Japon. Le site vient de s’implanter directement dans l’archipel
nippon. On évoque aussi, la possibilité d’une expansion en Chine, en Italie
et en Amérique du Sud.

 

En Europe, dans la foulée des succès comme Agoravox ou Rue 89
sont désormais des cas d’école. Le Monde interactif, filiale du quotidien du
soir lance LePost, une plate-forme axée sur le «journalisme
participatif
».

 

Sur Online Journalism Review, un journaliste américain appelle les «journalistes qui veulent
“survivre” à ne plus se contenter de faire de
bons articles pour les sites qui les payent, mais assurer le “service
après-vente” en ligne de chaque article… Comme le font déjà les bloggeurs!».

 

Journalistes, bloggeurs, cyber reporters, même combat ?

Les blogs sont à la mode. Tous les domaines, secteurs et centres d’intérêt
les séduisent : voyages, jeunes mamans, jardiniers, amateurs de foie gras,
d’échecs ou de gothique… Statistiques à la clef, tous les âges, les
catégories socioprofessionnelles s’enflamment pour ce nouveau canal. Même
les journalistes s’y sont mis.

 

Conçus comme des espaces personnels, ces blogs génèrent un trafic plus au
moins important. Les internautes sont de plus en plus participatifs via
leurs blogs ou les commentaires qu’ils rédigent Ils parviennent via la
pertinence de leurs interventions à devenir prescripteurs. Ils sont
désormais un peu leaders d’opinions, faiseurs de mode, modèles à suivre pour
ados… Par conséquent, ce qu’ils disent et font vaut de l’argent, donc de la
publicité.

 

Sur le net, certaines marques se sont mises à sponsoriser des personnes.
Majoritairement, l’on retrouve en face du pseudo sponsorisé, des liens de
l’un vers l’autre, construisant ce qu’on appelle désormais une identité
numérique
. La création de cette identité numérique est une pratique
courante chez les jeunes internautes, notamment l’exposition impressionnante
de leur qualité d’artiste par exemple.

 

Au-delà des histoires personnelles de tout un chacun, on assiste vraiment à
un grand bouleversement. Le sponsoring d’humain n’était-il pas valable
principalement dans le sport, le showbiz et la création ? Finalement, la
toile devient elle aussi de plus en plus téléréalité.

 

Donner sa chance à chacun, pourquoi pas, mais seulement peut-on délimiter
les dérapages ?

 

Dans un monde où de plus en plus de monde est un peu journaliste citoyen,
il ne faut pas perdre de vue qu’en toile de fond, il y a un colossal travail
de vérifications et de sélections. En un mot, une certaine forme de
journalisme professionnel. Reste à savoir, derrières ces blogs relativement
influents sur une jeunesse très axé monde virtuel, qui fait office de garde
fou ?