Café direct ou amer ?

Café direct ou amer ?

Par Amel Djait Belkaid

tasse-cafe1.jpgDepuis
que j’ai repris du service, j’arpente toujours autant les couloirs de
l’administration que dans ma précédente chronique. Par contre, je bois, de
plus en plus, voire carrément beaucoup plus de cafés !

 

Toujours
titillant les accros à l’expresso, papotant avec
les habitués des cafés turcs, et provoquant les chômeurs
abonnés au café du coin… Moi qui ne bois que du thé, j’ai décidé de passer
24 heures dans la vie de ce breuvage. Je vous livre la vie mouvementée d’un
café ashtar.

 

Il semble que
le monde professionnel soit divisé en deux parties : Ceux qui en boivent
beaucoup pour se donner du tonus, et ceux qui y traînent. Les «même pas le
temps pour un café» sont d’ailleurs aussi nombreux que les «passe prendre un
café quand tu veux, je suis au bureau».

 

Prendre un
café, c’est un brin amical. Partager un instant de convivialité, c’est utile
et chaleureux, mais il vaut mieux faire attention… «Donner son café
à quelqu’un
» (traduisez en arabe) peut porter à équivoque.

 

Dans les
bureaux chics on m’offre un café importé dans des tasses ‘’tendance’’. Pour
échapper du bureau et arracher quelques minutes précieuses de liberté, on
abuse du «ouf, café je fume pour respirer». Certains s’approprient la
cafétéria d’à côté pour leur pause café, alors que quelques dégourdies
cachent même un thermos rempli du précieux nectar sous le bureau.

 

Ne vous y fiez
pas pour autant! Même dans des cabinets hyper huppés et super design, il
m’est arrivé de partir sans même un verre d’eau. Dans certaines
administrations, le café froid est servi automatiquement par le préposé
aux boissons
avant même que celui qui me reçoit ne pointe du nez. A
l’hôpital, la cafétéria est bondée. Les blouses blanches parlent
d’intoxication, de cœur qui a lâché, des intestins noués. Du coup, même le
meilleur nectar du monde ne peut plus passer.

 

Lieu de toutes
les rencontres dans les villes et villages du pays, on continue d’y jouer
aux cartes, d’y récolter des potins, d’y fumer la chicha, d’y trouver des
maisons à louer, d’y chasser des opportunités, d’y trouver ceux qu’on
cherche et même ceux qu’on ne cherche pas.

 

Le café est
l’endroit des amours naissantes, des amitiés confirmées, des coups foireux,
des plans ratés, des accords désenchantés, mais c’est surtout le
Café des nattes
à Sidi Bou, Chaouachine dans la
médina de Tunis, Sidi Bouhadid à Hammamet, … des
délices
dans l’hymne à la Tunisie chanté par Patrick Bruel,
café amer
dans le film réalisé par la cinéaste Nadia el Feni, etc.

 

Dans les
cafés branchés d’Enassr et du Lac, l’invasion des femmes
dans un univers resté spécifiquement masculin pendant bien des générations
en dérange plus d’un. Principalement réservé aux adultes et vieux, les ados
se sont aussi appropriés ces lieux. Ils y passent des après-midi entières,
faute de cafés littéraires, cafés théâtres
et lassés par des heures de solitude dans un cybercafé.

 

06h00 du matin
la ville s’éveille.

Celui-ci a une
longue route devant lui pour rejoindre Douz, où on lui a promis un boulot de
commis saisonnier dans un campement en plein désert.

 

L’autre costume
cravate, traîne la savate, sort de sa poche une tranche de cake maison. Sa
femme refuse de se réveiller les matins pour lui préparer son café. Il
attaque ses matinées hyper contrarié. La productivité inutile d’en parler, à
moins qu’il ne cesse de faire le martyrisé, d’ailleurs depuis un moment,
pour les promotions c’est raté !

 

29 ans, Mehrez
est ouvrier à la journée. Il doit être au Mougeff …Comprenez un point de
rencontres où les ouvriers tentent de dégoter un petit boulot de dépannage
tel que le jardinage, le déménagement, la maçonnerie,…Arracher une journée
de travail c’est déjà payer ses cigarettes, un bain maure et le quart d’un
poulet. S’il est confirmé après une journée d’essai, il peut rêver à payer
l’ardoise qu’il a chez le café du quartier. Chez Bachra,
le cafetier il doit 24,800 pour 43 directs et 19
capucins,
consommés tous les matins, où bredouille, il rentre au
café pour se réchauffer et y passer sa journée.

 

Ce fameux
breuvage n’a-t-il pas la réputation de donner « du courage et de la
vigueur d’esprit
 » ? Pour le moment ce sont ses prix qui donnent le
tournis : 0,300 D à 3,500 d pour atteindre 4,500D voire plus, dans certains
lieux huppés. Certains malins ont même mis un compteur les samedis
après-midi dans les cafeterias pour solliciter les consommations.

 

Le Japon est
l’un des pays où il y a incontestablement le plus de distributeurs
automatiques. Une firme qui y gère un réseau de 35.000 distributeurs
automatiques a mis au point un concept surprenant. Un énorme écran plat
défile de la publicité pendant 15 ou 30 secondes et récompense le spectateur
par un café. Malgré la dépense à prévoir, ce business semble avoir de beaux
jours devant lui …