Société Générale : Kerviel, en passe d’être inculpé, voulait être un “trader d’exception”

 
 
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Photo non datée du courtier de la Société Générale Jérôme Kerviel

[28/01/2008 12:58:12] PARIS (AFP) Jérôme Kerviel, accusé par la Société Générale d’être l’auteur d’une “fraude” record, a admis devant les enquêteurs avoir agi pour “dissimuler” ses opérations sur le marché et voulait devenir un “trader d’exception”, a annoncé lundi le procureur de Paris, avant une probable inculpation.

Toutefois, le trader “n’a pas agi à son profit direct et personnel” dans cette affaire qui a provoqué une perte de 4,9 milliards d’euros pour la Société générale, a indiqué le procureur, Jean-Claude Marin.

Jérôme Kerviel, qui a été longuement interrogé samedi et dimanche par les enquêteurs de la brigade financière, a “admis”, lors de sa garde à vue, “avoir accompli certains actes et faits pour dissimuler” ses agissements, a ajouté le procureur lors d’une conférence de presse.

M. Kerviel, 31 ans, a été transféré en fin de matinée au pôle financier du tribunal de Paris. Selon ses avocats, son inculpation était inévitable.

Par ailleurs l’Autorité des marchés financiers a annoncé qu’un des membres du conseil d’administration de la Société Générale avait vendu 85,7 millions d’euros d’actions le 9 janvier, soit deux semaines avant l’annonce par la banque de pertes massives.

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Le procureur de Paris Jean-Claude Marin lors de sa conférence de presse, le 28 janvier 2008 (Photo : Jacques Demarthon)

Le procureur a levé une partie du voile sur les motivations du trader, objet de toutes les interrogations depuis l’annonce de cette affaire qui a stupéfié le monde de la finance.

D’après lui, Jérôme Kerviel “espérait apparaître comme un trader d’exception et obtenir des primes de rendement supérieures”. Selon M. Marin, les primes espérées par M. Kerviel pouvaient atteindre “300.000 euros pour 2007”.

A la Société générale, un des trois principales banques françaises, M. Kerviel, décrit comme un employé discret, touchait moins de 100.000 euros par an, une somme peu élevée dans le monde de la finance.

Une information judiciaire a été ouverte “pour faux et usage de faux”, “introduction dans un système automatisé de données informatiques” et “abus de confiance aggravé par le caractère professionnel de l’auteur” ainsi que pour “tentative d’escroquerie”, a précisé M. Marin.

La peine la plus lourde encourue est celle pour abus de confiance, soit 7 ans d’emprisonnement et 750.000 euros d’amende.

Selon le procureur, Jérôme Kerviel a commencé à mener des opérations non autorisées dès la fin de l’année 2005. La banque avait indiqué jusqu’alors, en se fondant sur des investigations menées en interne, que M. Kerviel avait commencé à prendre des “positions frauduleuses” à la fin 2006.

Le parquet va requérir son placement en détention provisoire, a ajouté M. Marin.

L’enquête “ne démontre pas une absolue défaillance des systèmes (de protection, ndlr) de la Société Générale”, a aussi expliqué le procureur.

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Photo prise le 6 décembre 2007 à Paris de l’avocat de Jérôme Kerviel, Me Christian Charriere-Bournazel (Photo : Joel Saget)

“En l’état, il apparaît qu’un certain nombre d’alertes ont été faites par des responsables de service et il semble que ces alertes ont reçu des réponses falsifiées qui ont abouti au constat que les opérations n’étaient pas risquées parce qu’elle étaient couvertes”, a dit M. Marin.

Le procureur a aussi expliqué que Jérôme Kerviel n’était pas le seul à faire prendre des risques à sa banque, mais que “d’autres traders” avaient “agi à un moindre niveau” d’une façon similaire.

Le PDG de la Société Générale, Daniel Bouton, avait accusé M. Kerviel d’être un “fraudeur formidablement dissimulateur” pour expliquer comment le trader avait réussi à déjouer les systèmes de contrôles internes.

M. Bouton a également rejeté les accusations des avocats de M. Kerviel, qui affirment que la banque a voulu “élever un écran de fumée” pour masquer ses pertes dues à la crise des “subprimes”. La Société Générale a annoncé au même moment que cette “fraude” record, des dépréciations de 2 milliards dûe à la crise des “subprimes” (prêts immobiliers américains à risques).

Pour les avocats du trader, M. Kerviel “n’a commis aucune malhonnêteté, n’a pas détourné un seul centime, n’a profité d’aucune manière des biens de la banque”.

A la bourse de Paris, le titre de la Société générale était lundi matin au plus bas depuis 2004, avec une baisse d’environ 7,% à 68,70 euros, entraînant tout le secteur bancaire français dans sa chute.

 28/01/2008 12:58:12 – © 2008 AFP