[09/08/2007 05:27:20] WASHINGTON (AFP) Confronté à sa première crise, le président de la banque centrale américaine (Fed) Ben Bernanke s’émancipe en douceur du style de son prédécesseur Alan Greenspan, accusé d’avoir préparé la bombe à retardement d’une crise du crédit qui menace aujourd’hui les marchés. Sous l’oeil anxieux des investisseurs, la Réserve fédérale (Fed) a décidé mardi de laisser son principal taux directeur inchangé à 5,25%, et elle a répété que sa hiérarchie des risques n’avait pas bougé: l’inflation reste la menace “prédominante”. Cela a dans un premier temps déçu les marchés, qui espéraient une promesse de baisse des taux d’ici à la fin de l’année. Mais ils se sont vite repris, ayant réalisé que la banque centrale soulignait aussi la hausse des risques pour la croissance, notamment du fait de la volatilité des marchés et de la correction de l’immobilier, ce qui ouvre la porte à un assouplissement monétaire éventuel. Pour les analystes, c’est la sérénité du communiqué qui a joué. “Les gens pensent que la Fed en sait plus qu’eux, souvent à juste titre. Donc quand la Fed vient dire en substance +vous avez tort de vous inquiéter+, les marchés prennent ça au sérieux”, estime Drew Matus de la banque Lehman Brothers. Avec ce statu quo, Ben Bernanke a aussi indirectement répondu aux attentes des nombreux éditorialistes qui s’interrogeaient sur sa capacité à résister aux appels des marchés. “La Bourse est largement convaincue que la Fed volera au secours des investisseurs sans scrupules, et cela crée des risques éthiques bien plus dangereux pour l’économie que les pertes de ces investisseurs”, notait lundi le Wall Street Journal. Les marchés ont en effet en tête le souvenir de l’année 1998, où la faillite du fond spéculatif Long Term Capital Management (LTCM) avait menacé le système financier mondial. La Fed, sous la houlette d’Alan Greenspan, était rapidement intervenue. En pleines incertitudes sur l’ampleur de la crise du crédit qui se profile, les marchés espéraient une répétition de ce type d’intervention. “Greenspan aurait été beaucoup plus accommodant envers les marchés”, assure M. Matus. Mais son successeur “a clairement dit que la Fed de Greenspan appartient au passé”, ajoute-t-il. Pour lui, “hier (mardi) a vraiment été le point-clé pour la rupture entre des régimes politiques différents”. Tous ne partagent pas cette analyse. Pour Stephen Gallagher de la Société Générale, la situation était bien pire en 1998 et faire un parallèle entre les deux périodes est “erroné dès le départ”. La Fed a beaucoup appris depuis 1998, et la lecture des différentes études qu’elle a publiées révèle qu’elle serait beaucoup plus réticente à intervenir aujourd’hui, ajoute-t-il. Et il ne faut pas oublier que les responsabilités étaient partagées. “En ramenant les taux à un niveau tellement bas (1%, NDLR), Greenspan a contribué à créer les problèmes de liquidités que nous connaissons aujourd’hui”, affirme M. Gallagher. L’argent pas cher a encouragé les pratiques de prêt les plus débridés, ce qui a permis aux ménages désolvabilisés d’accéder à la propriété ou aux entreprises de financer d’énormes rachats par l’emprunt. Aujourd’hui, les marchés prennent de plein fouet l’effet boomerang de leurs excès. “Mais Bernanke faisait partie du processus. Il était le plus ardent défenseur” de la baisse drastique des taux opérée par la Fed en 2003, affirme M. Gallagher. L’économiste rappelle que l’actuel président de la Fed traîne le surnom d'”Helicopter Ben”, pour avoir parlé de “parachuter de l’argent” afin de lutter contre la déflation. Mais même s’il a à coeur de se débarrasser de cette étiquette, “je ne pense pas qu’il agisse très différemment” de son prédécesseur, ajoute-t-il. |
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