Bruxelles devra payer pour avoir fait capoter la fusion Schneider/Legrand

 
 
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Les PDG de Schneider Electric, Henry Lachmann (g) et Legrand, François Grappotte, annoncent la fusion de leurs groupes le 15 janvier 2001 à Paris (Photo : Pierre Verdy)

[11/07/2007 14:06:43] BRUXELLES (AFP) Près de six ans après le veto de Bruxelles à la fusion entre les français Schneider et Legrand, la justice européenne a condamné mercredi la Commission à dédommager Schneider pour ce mariage avorté, un précédent qui ouvre la voie à des dizaines d’autres procès en indemnisation.

“Surprenant!”, “renversant!”, “scandaleux!”: les milieux européens de la concurrence ne tarissaient pas d’adjectifs mercredi pour qualifier la décision rendue par le Tribunal de première instance de la Cour européenne de Justice.

“Cet arrêt est extrêmement surprenant car il se démarque complètement de la jurisprudence établie à Luxembourg”, explique un expert bruxellois de la concurrence, sous couvert de l’anonymat, se disant même “choqué” par une telle décision.

Dans son arrêt, le Tribunal a jugé que “le préjudice subi par Schneider en raison de l’illégalité de l’interdiction de sa fusion avec Legrand devait être partiellement indemnisé”.

Le fabricant de matériel électrique réclamait 1,66 milliard d’euros. Il n’en recevra donc qu’une partie, mais à ce jour, aucun montant n’est fixé. Il faudra attendre une expertise de plusieurs mois. Toutefois, selon une source européenne, il ne devrait pas dépasser les 400 millions d’euros.

Néanmoins, cette décision constitue un précédent important car c’est la première fois qu’une entreprise s’étant vue interdire, à tort, une fusion par la Commission se voit reconnue le droit à une indemnisation.

Selon le Tribunal, “la méconnaissance grave et manifeste par la Commission des droits de la défense de Schneider constitue une violation suffisamment caractérisée du droit communautaire pour ouvrir un tel droit”.

L’affaire a débuté en janvier 2001. Schneider et Legrand avaient alors annoncé leur projet de fusion, qui devait créer le numéro un mondial de l’appareillage électrique de basse tension et des automatismes industriels.

Le 10 octobre de la même année, la Commission bloque l’opération, contraignant les deux entreprises à dénouer les liens déjà tissés.

Après avoir acquis Legrand pour 5,4 milliards d’euros à l’été 2001, Schneider se résoud donc à le revendre un an plus tard aux fonds d’investissement français Wendel et américain KKR pour 3,6 milliards d’euros.

Coup de théâtre: le 22 octobre 2002, la justice européenne annule le veto de Bruxelles. Combatif, Schneider dépose en octobre 2003 un nouveau recours à Luxembourg et réclame de la Commission 1,66 milliard d’euros d’indemnités.

Cet arrêt est un nouveau revers pour la Commission qui depuis quelques années accumule les blâmes de Luxembourg.

Après avoir annulé trois vetos de la Commission en 2002 (Schneider/Legrand, AirTours/First Choice et Tetra Laval/Sidel), le Tribunal a pris le contrepied l’an dernier, en annulant cette fois le feu vert accordé par Bruxelles aux maisons de disque Sony et BMG.

A chaque fois, les juges ont stigmatisé la légèreté des décisions de la Commission, insuffisamment motivées.

Face à ces multiples tacles, la Commission, affaiblie, va devoir faire preuve d’une vigilance encore accrue.

Elle a d’ores et déjà indiqué qu’elle pourrait faire appel. D’autant que certains observateurs pointent le caractère partisan de ce jugement rendu par un président de chambre français, Hubert Legal.

Quoi qu’il en soit, un tel arrêt risque d’inciter les entreprises victimes d’un veto à suivre l’exemple de Schneider.

Une autre affaire est d’ores et déjà en cours: le voyagiste britannique MyTravel (ex-Airtours) réclame en effet à Bruxelles des dommages et intérêts pour avoir tué dans l’oeuf son mariage avec First Choice. La décision est attendue d’ici quelques mois.

 11/07/2007 14:06:43 – © 2007 AFP