France : la publication mensuelle des chiffres du chômage contestée

 
 
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Des jeunes consultent les annonces de l’ANPE, le 17 mai 2006 à Caen (Photo : Mychèle Daniau)

[30/05/2007 14:35:14] PARIS (AFP) L’intérêt d’une publication des chiffres du chômage tous les mois est contestée par plusieurs chercheurs et statisticiens, qui dénoncent les effets pervers d’un “psychodrame” mensuel qui ne rend pas compte par ailleurs de la précarisation de l’emploi.

C’est la conclusion qui est ressortie des “Etats généraux des chiffres du chômage et de la précarité”, organisés mardi par le collectif ACDC (Les autres chiffres du chômage), des syndicats du ministère de l’Emploi, de l’Insee et de l’ANPE, et des associations de chômeurs (AC!, MNCP).

“Il faut arrêter de publier ces chiffres tous les mois et se concentrer sur les statistiques trimestrielles de l’enquête Emploi de l’Insee”, a estimé Esther Duflo, économiste au MIT (Massachusetts Institute of Technology), une proposition reprise mercredi par l’ensemble des organisateurs dans un communiqué commun.

“Les évolutions mensuelles n’ont pas grand chose à nous dire sur l’efficacité des politiques publiques, mais dépendent surtout de variations saisonnières et d’évolutions macroéconomiques”, a souligné Mme Duflo. “L’attention portée à ce chiffre tous les mois conduit les hommes politiques à décider des actions qui vont avoir un effet immédiat, même s’ils savent que ce ne sont pas les bonnes politiques”, a-t-elle ajouté.

“Le nombre de chômeurs donné par l’ANPE est à la fois un levier d’action politique, sur lequel des mesures peuvent avoir un effet immédiat comme les radiations, les contrats aidés ou les entrées en stage, et c’est aussi un thermomètre”, a noté Mme Duflo, jugeant “ce mélange des genres néfaste”.

Les chiffres du chômage publiés mensuellement sont issus des demandeurs d’emplois inscrits à l’ANPE, tandis que l’enquête Emploi de l’Insee repose sur des entretiens avec 75.000 Français, sur la base de la définition du taux de chômage du BIT (Bureau international du Travail).

Pour faire de cette enquête Emploi “le pivot de l’information statistique en matière de chômage”, il faut néanmoins “renforcer les moyens affectés à sa réalisation”, ont demandé les organisateurs des Etats généraux, et “accroître la taille de son échantillon pour permettre des utilisations au niveau régional”.

“Le taux de chômage est un indicateur de moins en moins pertinent pour juger de l’efficacité du marché de l’emploi”, a ajouté Raymond Torrès, économiste à l’OCDE, soulignant “une porosité croissante entre le chômage et d’autres catégories”, comme les Rmistes ou les personnes en invalidité.

“Il faut aller vers un concept de +non emploi+ plus large que celui du chômage, pour pouvoir mesurer la précarité et la pauvreté dans l’emploi”, a-t-il dit, citant “les travailleurs pauvres et le déclassement salarial” comme des “indicateurs qui seraient utiles”.

“Il faut intégrer des indicateurs sur les conditions de travail et la santé au travail”, a ajouté Serge Volkoff, statisticien et ergonome.

“Ces nouveaux indicateurs sont indispensables pour mettre fin aux politiques de l’emploi qui ont privilégié depuis 30 ans les contrats aidés avec des bas salaires et des contrats flexibles”, a estimé Thomas Coutrot, du collectif ACDC.

Selon lui, “la réticence des cabinets ministériels à faire évoluer le calcul du chômage”, tient au fait que “les ministres n’ont pas envie d’être jugés sur la hausse des indicateurs de précarité, quelques mois après avoir fait baisser ceux du chômage”.

 30/05/2007 14:35:14 – © 2007 AFP