[26/02/2007 12:10:37] BRUXELLES (AFP) Après une année d’arguties et de menaces contre Berlin, la Commission européenne est finalement passée aux actes lundi, en désavouant formellement une loi allemande, entrée en vigueur samedi, qui avantage l’opérateur historique Deutsche Telekom. “Il est regrettable qu’en dépit de plusieurs mises en gardes explicites, l’Allemagne ait choisi d’ignorer les préoccupations de la Commission en ce qui concerne cette nouvelle loi sur les télécommunications”, a réagi lundi la commissaire européenne chargée des télécoms, Viviane Reding. Concrètement, Bruxelles a envoyé aux autorités allemandes “une lettre de mise en demeure” dans laquelle elle demande à Berlin de retirer les amendements à la loi sur les télécoms parus samedi au journal officiel de la République fédérale. Ces dispositions excluent du champ de la concurrence “les nouveaux marchés”, et par ricochet le réseau à très haut débit dans lequel investit Deutsche Telekom. L’opérateur a prévu de construire un réseau à fibre optiques (VDSL) dans 50 villes allemandes pour 3 milliards d’euros. Le réseau est déjà opérationnel dans dix grandes villes mais Deutsche Telekom avait demandé au gouvernement d’en interdire l’accès à ses rivaux durant les premières années, afin qu’il puisse rentabiliser son investissement. Bruxelles juge que l’octroi par Berlin de “cette pause réglementaire” avantage l’opérateur dominant de manière injustifiée: “cette loi met en péril la position des concurrents actuels de Deutsche Telekom et rend l’accès au marché allemand beaucoup plus difficile pour de nouveaux concurrents”, juge-t-elle. En outre, dénonce l’exécutif européen, elle interfère “avec l’autonomie du régulateur allemand des télécoms” qui, à la grande satisfaction de la Commission, avait obligé cet été Deutsche Telekom à ouvrir à la concurrence tous ses réseaux à large bande, y compris le VDSL. Excédée par l’indifférence de l’Allemagne à qui elle demande depuis plus d’un an de modifier ce projet de loi, Viviane Reding, a décidé de poursuivre Berlin selon une procédure “accélérée”, comme elle l’avait annoncé en décembre. Déterminée à ne pas perdre une minute dans cette bataille, elle avait alors obtenu les pleins pouvoirs de ses collègues pour condamner l’Allemagne dès qu’entrerait en vigueur la loi controversée. Berlin ne dispose à présent que de 15 jours pour répondre à la Commission, au lieu des deux mois habituels. Si les arguments allemands ne la satisfont pas, la Commission enverra un “avis motivé”, deuxième étape de la procédure, avant de saisir la justice européenne “aussi vite que possible”, probablement en mai ou juin. Bruxelles espère toutefois encore décrocher “un accord à l’amiable”. Dorénavant, Berlin figure au rang des plus mauvais élèves de l’UE, aux côtés de la Pologne, en matière d’ouverture à la concurrence du secteur des télécoms. L’Allemagne n’a un taux de pénétration du haut-débit chez les particuliers que de 16% contre environ 30% pour les pays les plus performants de l’UE (Danemark, Finlande, Suède, Pays-Bas, Royaume-Uni), un retard lié, pour la Commission, à un déficit flagrant de concurrence. D’ici l’été, “il est possible que Berlin et Bruxelles parviennent à un compromis”, estime Theo Kitz, analyste télécoms chez Merck Finck, toutefois la Commission “prend la chose très au sérieux car elle craint que si elle ouvre la porte à de telles exceptions, d’autres s’engouffrent dans la brèche”. Deutsche Telekom n’a jamais dit s’il poursuivrait la construction de son réseau VDSL en cas d’abrogation de la loi. Les premiers résultats auprès du public ne sont d’ailleurs “pas trop encourageants”, les consommateurs étant, selon M. Kitz, dissuadés par “des prix trop élevés”. |
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