Gazprom, une nouvelle Russie au parfum soviétique

 
 
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Le logo de Gazprom, sur un immeuble de Moscou, le 1er juillet 2006 (Photo : Alexander Nemenov)

[11/11/2006 09:06:41] NOÏABRSK (AFP) “Quand les rêves deviennent réalité”, “Nous rendons le monde meilleur” : le géant gazier russe Gazprom, symbole de la nouvelle puissance russe, aime les slogans tournés vers l’avenir, comme au bon vieux temps du socialisme triomphant.

Au fil de ses spots publicaires, une fillette chantonne dans un parc sur fond d’hiver russe en rêvant de devenir un jour une grande chanteuse. Un jeune garçon, en gros plan sous un panier de basket dans une cité désolée, aspire à un avenir radieux.

Fer de lance commercial de la Russie de Vladimir Poutine sur le marché hautement stratégique de l’énergie, Gazprom reste aussi le miroir de l’héritage soviétique, avec son goût des slogans, son côté “mère nourricière” et son culte du secret.

A Noïabrsk, une de ces villes nouvelles de Sibérie dédiées au pétrole et au gaz, la filiale locale de Gazprom, Noïabrskgazdobytcha (littéralement “Extraction de gaz de Noïabrsk” – NGD), incarne à merveille ce double visage.

Ses dirigeants cultivent les superlatifs et l’image d’une compagnie qui investit et travaille à plein régime quand ses clients, notamment en Europe, s’inquiètent de ses capacités de production et de sa fiabilité, notamment après la crise du gaz entre la Russie et l’Ukraine en janvier.

“Une compagnie comme Gazprom n’existe nulle part ailleurs et ne sera pas créée avant longtemps !”, clame l’ingénieur en chef de NGD, Valeri Minlikaev, en recevant des journalistes étrangers dans des locaux ultramodernes.

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Une tour de forage de Gazprom, à 200 km de la ville de Sibérie, Noïabrsk, le 2 novembre 2006 (Photo : Wojtek Laski)

“La puissance de Gazprom, technique, financière, c’est la garantie des livraisons dans l’avenir non seulement en Russie mais aussi en Europe et dans les autres pays”, poursuit-il sur sa lancée, fidèle au credo du Kremlin et de Gazprom, contrôlé par l’Etat russe.

Gazprom possède un “sytème unique” de gazoducs, le plus étendu, le “plus puissant” du monde – 155.000 kilomètres – doublé de réserves souterraines, qui lui permet de parer la moindre avarie, s’enorgueillit M. Minlikaev.

A Noïabrsk, NGD vient de fêter triomphalement ses “1.000 milliards de m3” de gaz extraits. Comme à l’ère des plans quinquennaux, qui volaient de record en record, ce chiffre magique apparaît, reproduit en grand, sur les façades des bâtiments aux carrefours de la ville.

Dans cette cité de 110.000 habitants, alignant les barres d’immeubles et plongée dans l’hiver neuf mois sur douze, tout respire encore l’épopée du socialisme triomphant. Les rues “Lénine”, des “60 ans de l’URSS” ou des “Enthousiastes” n’ont pas été rebaptisées.

Dans les rues, les slogans à la gloire de Gazprom et Sibneft – la compagnie pétrolière du milliardaire russe Roman Abramovitch rachetée par Gazprom en 2005 – ont tout simplement remplacé ceux du parti communiste.

Comme à l’époque soviétique, Gazprom finance des écoles maternelles, un complexe sportif, une station de ski. Cathédrale et mosquée, flambant-neuves, lui doivent aussi beaucoup. “Nous aidons là où l’administration n’a pas de moyens”, explique M. Minlikaev.

Quinze ans après la chute de l’URSS, le journaliste étranger, convié à Noïabrsk, est aussi toujours un suspect potentiel. Les hommes de la sécurité de Gazprom, en costume cravate et chapka, l’accompagnent pas à pas sur les gisements gaziers.

“Vous voulez un taxi pour aller en ville ? Impossible, il vous faut une autorisation”, se voit-on répondre de façon plus surprenante à la réception de l’hôtel Rossia, voisin du siège de NGD.

“La Sécurité n’a pas donné son accord”, confirme un attaché de presse de la compagnie, visiblement embarassé, avant de s’incliner. Ces agents de la sécurité sont-ils du FSB (ex-KGB) ? “Non”, finit-il par répondre avec la même gêne.

A Noïabrsk, ville de pionniers tout juste trentenaire, le passé n’est jamais très loin.

 11/11/2006 09:06:41 – © 2006 AFP