Pour Boeing les déboires d’Airbus sont une aubaine, jusqu’à un certain point

 
 
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Siège de l’avionneur américain Boeing à Chicago

[15/10/2006 09:06:31] WASHINGTON (AFP) Les déboires de l’avionneur européen Airbus sont une aubaine pour l’américain Boeing, qui engrange les commandes et prend de l’avance sur son rival, mais met aussi en garde contre le danger de se trouver en position de monopole sur certains segments.

“Je préfèrerais voir Airbus en bonne santé plutôt que le voir traverser ce qu’il traverse aujourd’hui”, a déclaré cette semaine le nouveau patron de la division avions de ligne du constructeur américain (BCA), Scott Carson.

“Je pense qu’avoir un concurrent en bonne santé est meilleur pour nous tous”, a insisté Scott Carson, qui a pris la direction de BCA début septembre, dans un entretien à l’hebdomadaire BusinessWeek.

Les malheurs de l’avionneur européen, et en particulier les retards de livraison de l’A380, sont pourtant une aubaine pour l’américain à qui Airbus a ravi en 2003 la place de numéro un mondial du secteur.

“Chaque nouveau jour de retard donne à Boeing une longueur d’avance sur le marché”, confirme Richard Aboulafia, analyste et vice-président du cabinet de conseil Teal Group.

Dimanche, Emirates, le plus gros client de l’A380, a signé une commande pour 20 Boeing 747 cargo, l’autre “jumbo” des airs.

Même si Airbus livrera encore cette année un plus grand nombre d’appareils que son rival, Boeing aligne aujourd’hui trois fois plus de commandes que son concurrent avec 753 au total, selon des chiffres actualisés au 10 octobre.

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Un A380 décolle le 4 octobre 2006 sur le site d’Airbus à Toulouse (Photo : Eric Cabanis)

Les déboires de l’avionneur européen dopent également la rentabilité à court terme de son concurrent américain, a souligné Richard Aboulafia dans un entretien à l’AFP, car Boeing a eu jusqu’à présent la sagesse de ne pas accroître son offre.

“Historiquement, étant donné la façon dont cela fonctionne, ils auraient pu augmenter leur production”, explique-t-il: “investir dans des usines, des équipements” et “perdre toute mesure”.

Mais “ils sont plus disciplinés maintenant: ils ne courent pas après le volume, ils cherchent la rentabilité” et en conséquence “de nombreux éléments indiquent qu’ils augmentent leurs prix”, affirme M. Aboulafia.

Le marché ne s’y trompe pas. Le titre Boeing s’est apprécié de 15% depuis le début de l’année avec les annonces successives de nouveaux retards de livraison de l’A380.

Si dans de telles conditions Scott Carson ne souhaite pas la disparition pure et simple de son rival, c’est par crainte de se retrouver en situation de monopole, laisse-t-il entendre dans son entretien accordé à BusinessWeek.

L’existence d’un concurrent solide “nous rend meilleurs, parce que nous nous évertuons sans cesse à garder l’avantage, ne serait-ce qu’un peu, et cela nous aide à rester concentrés”, dit-il.

Le dirigeant garde également en mémoire le souvenir cuisant des heures difficiles qu’a connues Boeing au tournant des années 1997-1998.

A l’époque, un pic du cycle de l’aviation civile, l’américain avait accepté en masse des commandes que ses usines ne parvenaient pas à honorer, et avait dû interrompre ses chaînes, rappelle une source proche du constructeur.

“Ce que cela nous a appris, c’est que nous avions besoin de nous rassembler un petit peu”, se rappelle M. Carson.

Reste que, si l’A380 est un échec et qu’Airbus renonce à l’A350, son avion de milieu de gamme, Boeing pourrait se retrouver seul pour approvisionner le marché sur certains segments.

“Avec la famille A320, le positionnement d’Airbus sur les mono-couloirs est tellement fort que je n’imagine pas qu’il puisse sortir de ce segment”, estime M. Aboulafia. “Mais, pour les gros porteurs, le risque est certain”, souligne-t-il.

 15/10/2006 09:06:31 – © 2006 AFP