Gazoducs : Washington courtise le Turkménistan pour faire échec à l’Iran

 
 
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Le président turkmène Saparmourat Niazov (D) et son homologue iranien Mahmoud Ahmadinejad lors d’une cérémonie officielle à Achkhabad, le 24 juillet 2006

[15/08/2006 16:26:35] ACHKHABAD (AFP) Les Etats-Unis militent pour la construction d’un gazoduc entre le Turkménistan et le Pakistan, concurrent d’un projet iranien, tandis que la Russie cherche à renforcer sa mainmise énergétique dans cette région d’Asie centrale riche en hydrocarbures.

Après avoir rencontré le président turkmène Saparmourat Niazov, le diplomate américain Steven Mann a expliqué mardi devant la presse à Achkhabad que Washington encourageait la construction d’un gazoduc depuis le Turkménistan vers l’Inde et le Pakistan et était “fortement opposé” à un projet concurrent à partir de l’Iran.

Lors d’une entrevue de deux heures lundi, les deux responsables ont évoqué les différentes options de gazoducs à partir du Turkménistan: vers la Chine, à travers la mer Caspienne ou via l’Afghanistan jusqu’en Inde et au Pakistan, grands consommateurs d’énergie, a précisé M. Mann devant la presse.

“La demande existe, mais l’étape suivante est de trouver des partenaires privés pour développer cette liaison” vers le Pakistan, a souligné M. Mann, qui est l’assistant du secrétaire d’Etat adjoint américain pour l’Asie centrale et du Sud.

Le président Niazov, qui dirige le Turkménistan de manière autoritaire depuis l’indépendance du pays en 1991, a indiqué lundi à l’issue de cette rencontre que son pays soutenait “la politique de création d’un système de gazoducs diversifié”, selon l’agence de presse gouvernementale turkmène.

Le Turkménistan, qui dépend presque exclusivement de la Russie pour ses exportations gazières, cherche à diversifier les débouchés pour son gaz, principale richesse et pilier de ce pays très fermé.

La Banque asiatique de développement a financé une étude de faisabilité pour ce gazoduc vers le Pakistan, mais sa construction reste suspendue aux conditions de sécurité sur son tracé, notamment en Afghanistan.

Christopher Weafer, analyste pour la banque Alfa à Moscou, souligne de son côté, outre les questions de sécurité, la difficulté et le coût élevé de ce projet de gazoduc à travers les montagnes d’Afghanistan, qui ne pourrait selon lui être mené à bien sans des subventions étatiques.

Les Etats-Unis ont un intérêt stratégique pour ce gazoduc, qui saperait la rentabilité d’un gazoduc concurrent envisagé depuis l’Iran vers le Pakistan et via l’Inde, un projet estimé à 7 milliards de dollars auquel voudrait participer le géant gazier russe Gazprom, a relevé M. Weafer.

Washington s’oppose aux projets de l’Iran, un Etat qu’il considère comme soutenant le terrorisme “sur la base de la loi américaine et de la politique américaine”, a souligné pour sa part M. Mann.

En outre, pour Christopher Weafer, “livrer du gaz turkmène à l’Inde réduirait la capacité du Turkménistan à fournir du gaz à la Russie et la Chine” qui cherchent aussi activement à obtenir un accès aux ressources énergétiques d’Asie centrale.

La rencontre entre le président turkmène et M. Mann intervient à la veille d’un sommet informel à Sotchi (sud de la Russie) de six chefs d’Etat de la Communauté économique eurasienne (CEE – Russie, Bélarus, Kazakhstan, Tadjikistan, Kirghizstan, Ouzbékistan).

Certains analystes voient dans ce sommet une tentative de Moscou pour renforcer son influence sur les ressources énergétiques d’Asie centrale et pour contenir un éventuel rapprochement de ces pays de la sphère d’influence américaine.

Lors de ce sommet, Moscou devrait ainsi proposer la création d’un marché commun de l’énergie et des ressources hydrauliques, selon le quotidien Kommersant.

Avec ce projet, la Russie compte, d’une part, obtenir “un important instrument géopolitique lui permettant de renforcer son rôle dans la région”, et, d’autre part, envisager “une expansion énergétique vers les plus gros marchés asiatiques, comme l’Inde, le Pakistan et la Chine”, explique le journal.

Le Turkménistan n’est pas en revanche membre de la Communauté économique eurasienne.

 15/08/2006 16:26:35 – © 2006 AFP