L’Europe troublée par l’axe Russie-Algérie, mais une Opep du gaz improbable

 
 
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Le logo de la compagnie russe Gazprom, le 1er juillet à Moscou (Photo : Alexander Nemenov)

[09/08/2006 07:06:14] PARIS (AFP) L’alliance de deux de ses principaux fournisseurs de gaz, les compagnies russe Gazprom et algérienne Sonatrach, préoccupe une Europe consciente de sa dépendance énergétique, mais les experts estiment que ses contours demeurent flous et le risque de cartel lointain.

Les deux sociétés viennent de parapher des protocoles d’accord: il s’agit de coopérer dans “l’exploration, l’extraction, le transport d’hydrocarbures, le développement d’infrastructures gazières, le traitement et la vente de gaz” en Russie, en Algérie ou dans des pays tiers, ainsi que de possibles “échanges d’actifs”, a indiqué Gazprom.

Cette annonce a provoqué de vives réactions en Italie, très dépendante des deux pays pour son gaz. Le président du groupe pétrolier Eni, Paolo Scaroni, l’a qualifié de “jonction préoccupante”.

De son côté, le ministre du développement économique, Piuerluigi Bersani, “espère que l’accord va servir de signal d’alarme à Rome, Bruxelles et dans toutes les capitales européennes”.

Mais la Commission a sobrement indiqué “suivre” le projet, sans signaler d’inquiétude particulière. Rien à voir donc avec l’électrochoc provoqué en début d’année par la crise entre l’Ukraine et la Russie, qui avait perturbé l’approvisionnement en Europe.

Reste que la puissance de Gazprom est fréquemment perçue comme une menace dans une Europe de plus en plus dépendante de l’extérieur –le gaz consommé dans l’Union provient à 24% de Russie et à 11% d’Algérie– et qui tente depuis des mois de s’entendre sur une stratégie commune en la matière.

“Ce qui a le plus attiré l’attention en Europe, c’est le mot commercialisation, c’est-à-dire le risque de cartel. Jusqu’à présent Gazprom et Sonatrach sont des concurrents sur le marché européen”, relève Francis Perrin, rédacteur en chef de la revue spécialisée Pétrole et Gaz Arabes.

Mais peu de détails ont filtré et rien n’indique pour l’instant que les deux pays fomentent via leurs entreprises la création d’une “Opep du gaz”, à rapprocher de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), estime l’expert.

Selon lui, une chose est sûre, c’est qu’une bonne partie de l’accord sera consacrée au gaz naturel liquéfié (GNL, transporté par bateau, ndlr), domaine dans lequel l’Algérie est un acteur historique et où Gazprom entend devenir un poids lourd.

“Pour le reste, ils sont en train de discuter sur des coopérations possibles dans le gaz, ce qui balaie l’exploration, le développement, la production, la vente, etc. Cela veut dire qu’on parle de tout et peut-être de rien”, souligne M. Perrin, notant que l’Algérie signe fréquemment des accords de ce type sans qu’ils débouchent forcément sur des projets industriels concrets.

De plus, ces deux pays n’ont pas forcément intérêt à effrayer leur principal client, l’Europe, s’ils veulent éviter que la direction générale de la Concurrence à Bruxelles ne “déterre la hache de guerre”, note-t-il.

Daniel Simmons, expert en gaz naturel à l’Agence internationale de l’énergie (AIE), fait remarquer que la gestion d’un cartel du gaz serait une opération “incroyablement difficile” en raison de la multiplicité des types de gaz naturel et des moyens de transport.

Et même si la menace se concrétisait, les Européens pourraient facilement se rabattre sur le nucléaire. “Donc il ne faut pas la regarder de la même façon qu’un cartel pétrolier”, estime-t-il.

 09/08/2006 07:06:14 – © 2006 AFP