Une entreprise qui ne respecte pas ses fournisseurs, ne peut pas respecter ses clients

Par : Autres
 
 

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le monde des affaires, il est d’usage de négocier et de préciser dans le
contrat de vente (ou bon de commande) l’ensemble des termes relatifs à
l’objet de la transaction, du délai et lieu de livraison, et d’autres
spécifications relatives à la qualité du produit et à sa logistique.

La transaction est conclue lorsque le règlement est effectué, sachant que
les termes de paiement vont du cash à la réception de marchandises, à 30,
45, 60, 90 jours fin du mois à compter de la date de facturation, voire
plus, s’il y a consentement mutuel.

L’origine du paiement à terme se confond avec l’apparition des lettres de
change, et permettait sans recourir à de sources externes de financement de
procéder à l’écoulement de marchandises, indépendamment des liquidités
disponibles chez les distributeurs, qui se chargent, une fois les ventes
réalisées et l’argent encaissé, de payer leurs fournisseurs.

Quant au financement des transactions commerciales, il remonterait aux
premières banques, ou plus exactement, sociétés de «change» apparues d’une
manière formelle avec le fort développement du commerce international qu’a
connu le XVIème siècle. A l’époque, bon nombre de commerçants européens dont
les affaires prospéraient, ont dû recourir à des fonds supplémentaires pour
financer des opérations très coûteuses d’armement de bateaux pour servir (et
s’approvisionner aussi) des destinations lointaines en Inde, en Afrique ou
en Amérique.

Déjà, à cette époque, tenez-vous bien, on parlait de temps difficiles, de
fluctuations des cours, de risques d’exploitation, de flambée des prix de
matières premières, etc. Comme quoi, cela fait bien longtemps que l’Homme
n’a plus rien inventé,… en matière de commerce.

Honorer ses engagements est le premier principe du commerce

Rappelons que le commerce n’est pas seulement promouvoir des produits,
négocier des prix ou conclure des contrats. C’est surtout nouer des liens de
confiance et développer des affaires basées sur l’intérêt mutuel. Les
Phéniciens –qui furent de très bons commerçants dans le passé- ont très tôt
compris que, pour réussir dans le commerce, il fallait toujours honorer
leurs engagements. Pour cela, ils ont installé des comptoirs permanents pour
pouvoir se rapprocher et nouer des relations durables basées sur la
confiance, avec leurs clients/fournisseurs (troc oblige) qu’étaient les
Berbères, les Sardes, les Ibères, etc.

Quelle école enseigne-t-elle l’Histoire du Commerce et la place de la
confiance et de l’éthique dans les affaires? Cette analyse est pourtant
fondamentale. Il se trouve que c’est la transparence des marchés et le
respect des règles de commerce qui contribue le plus à développer les
échanges commerciaux. D’ailleurs, aujourd’hui, parmi les critères
d’évaluation du niveau de développement économique d’un pays, on retrouve le
volume des échanges commerciaux et le climat d’affaires.

La Confiance est l’esprit de la Loi

Aujourd’hui, chaque pays a son code du commerce, et les transactions sont
cadrées par une réglementation stricte, qui veille à la transparence des
opérations et l’intérêt des parties. Le respect des règles constitue le
fondement de cette confiance, qu’elle soit basée sur l’honneur ou dictée par
la Loi. Or, la Loi n’a de poids que lorsqu’elle punit ceux qui ne la
respectent pas.

En pratique, cela revient à définir les clauses contractuelles usuelles
auxquelles sont soumises les transactions commerciales. A titre d’exemple,
l’instauration, il y a deux ans, des lois N.R.E en France (Nouvelles
Réglementations Economiques), a limité le délai de paiement à 30 jours, par
défaut. Ces lois vont plus loin, elles obligent les fournisseurs à facturer
des intérêts pour tout retard de paiement, car pour le législateur français,
la dérive dans les délais de paiement génère des risques d’impayés plus
grands et une inflation monétaire cachée, trop coûteuse pour le pays.

En Tunisie, le Commerce est encore plombé par des pratiques archaïques qui
relèvent d’une époque révolue. Le paiement à «délai indéterminé» y serait
tellement répandu qu’il n’est plus considéré comme un abus. Ce
dysfonctionnement ne peut que bloquer le système économique, et inhiber
l’entreprenariat et l’emploi. Lorsque traîner le paiement d’une facture est
vu comme une chose naturelle, ce n’est plus seulement un problème de faille
dans le dispositif juridique, mais une exclusion de fait, du processus de
développement. Avoir un stock de factures «en souffrance» est un acte grave
de mauvaise gestion. Il est plus que temps de faire comprendre aux acteurs
économiques, que le respect des engagements est la base de la confiance, et
donc de la multiplication des opportunités d’investissement et donc de
croissance économique.

En attendant, les entreprises plombées par des impayés n’ont de recours que
d’attendre la bonne volonté de leur client, sinon le recours à la justice
pour se faire payer, ce qui engage un processus de poursuite long et
coûteux, et qui ne résout pas forcément leur problème de trésorerie, les
mettant à leur tour en position de «mauvais payeurs». Il y a bien sûr la
possibilité d’externaliser le recouvrement, pour mieux maîtriser le
processus de paiement. Mais là encore, c’est une manière d’agir sur le
symptôme, et non pas sur le mal.

Ne jamais oublier qu’on est toujours fournisseur et client
simultanément

Partout dans le monde, la performance des entreprises dépend pour beaucoup
de la performance de leurs fournisseurs. C’est la raison pour laquelle les
grands groupes internationaux sont très exigeants pour intégrer ou maintenir
des fournisseurs dans leur ‘suppliers short list’. Ils ont compris que dans
une chaîne de valeur, le maillon le plus faible détermine la force de la
chaîne. Une rupture au niveau d’un maillon peut se traduire en catastrophe
au niveau du client final.

Un bon client sait aussi qu’il ne peut pas faire confiance à un fournisseur
qui traite mal ses propres fournisseurs, car il sait que la qualité du
produit ou service qu’il achète dépend indirectement de la qualité et de la
fiabilité de cette relation. En matière de gestion, une entreprise qui ne
respecte pas ses fournisseurs ne peut pas respecter ses clients.

Et comme le monde est bien fait, et si vous voyez une entreprise qui perd la
confiance de ses fournisseurs, elle ne tardera pas à perdre celle de ses
clients aussi.

* Directeur Exécutif, MKC Consulting